Le débat est rouvert depuis lundi 20 janvier et les annonces du maire de Nice Christian Estrosi. L'Union maritime 06 est inquiète pour l'économie et l'emploi. Les politiques continuent de réagir et la sénatrice LR Alexandra Borchio-Fontimp soutient la volonté d'extension des pouvoirs du maire demandée par David Lisnard, maire de Cannes et président de l'association des Maires de France.
Trois jours après l'annonce surprise de Christian Estrosi, la chasse aux gros paquebots anime les débats sur le port de Nice. Entre ceux qui estiment que c'est "extrêmement polluant" et ceux qui craignent pour l'économie de la ville, les avis divergent.
Le maire, Christian Estrosi dit vouloir lutter contre le surtourisme. L'an passé, une centaine d'escales de navires de croisière a été recensée à Nice et Villefranche-sur-mer. Interrogé au micro d'Ici dans la matinale, Christophe Trojani (le maire de Villefranche-sur-Mer) s'est étonné : "Pour l'instant, personne ne m'a demandé mon opinion. En tout cas parmi la gouvernance de la Métropole Nice Côte d'Azur."
Je pense aussi qu'on ne peut pas parler de surtourisme quand on parle de 200 000 visiteurs, alors qu'en même temps l'extension de l'aéroport va nous amener 7 000 000 de visiteurs par an.
Christophe Trojani, maire (SE) de Villefranche-sur-Merà ICI (France Bleu Azur)
Mais quel impact cette mesure peut avoir sur la pollution maritime ?
L'Observatoire de la qualité de l'air a étudié les émissions d'oxyde d'azote en provenance des bateaux. À Nice, 30 tonnes ont été émises en 2022, à Villefranche ce chiffre monte à 48. Maïthé Rosier, chargée d'action territoriale à AtmoSud explique : "toutes les mesures qui peuvent être prises pour diminuer les sources de pollution sont intéressantes. Il y a la réglementation européenne qui va imposer en 2030 l'électrification à quai de l'ensemble des bateaux. Et puis localement, on peut avoir des décisions politiques qui ont aussi un impact très local".
Le maire de Nice, Christian Estrosi, entend interdire "en fonction des contrats signés en 2025, ces grosses unités et de n’autoriser que celles qui n’excèdent pas 190 mètres et une capacité de 900 passagers, c'est-à-dire en moyenne 70 % de fréquentation en moins. Aujourd’hui, nous avons des unités qui sont de vraies villes flottantes allant jusqu’à plus de 5.000 passagers [...]. Ces unités ne correspondent en aucun cas au modèle que nous voulons développer en matière de tourisme d’accueil."
L'union maritime des Alpes-Maritimes inquiète
L'Union maritime 06 (UM06) réagi à l’annonce, témoigne de son inquiétude dans un communiqué et relève des contradictions : "la Métropole est signataire de la Charte Croisière Durable, élaborée en partenariat avec l’État et les compagnies de croisière. Cette charte, signée le 5 décembre dernier en présence du Directeur du port de Nice, Alain Mistre, garantit que tous les navires de croisière accueillis, que ce soit à Nice ou à Villefranche, respectent des règles environnementales strictes, supérieures aux normes réglementaires en vigueur. De plus, en décembre dernier, la Métropole a reconduit la convention entre la MNCA et la commune de Villefranche-sur-Mer pour un encadrement rigoureux des croisières, avec une limite d’un navire par jour accueillant au maximum 3 500 passagers. Alors que ces dispositifs témoignent d’une volonté collective d’agir en faveur d’un tourisme maritime responsable et répondent à la nécessité de concilier développement économique et préservation de l’environnement, cette interdiction remet en cause les engagements de la Métropole envers l’État, les collectivités signataires et les compagnies de croisière les plus vertueuses."
Sur le plan économique, l'Union maritime veut rappeler que la Métropole n'accueille plus de bateaux low cost, mais des bateaux haut de gamme, avec 10 millions de retombées par an "dont 1,5 million de retombées directement perçues par la Métropole". Elle alerte sur la menace qui pèserait sur les emplois locaux du secteur maritime.
De gros travaux sont prévus à Nice, notamment la construction d’une nouvelle gare maritime croisière, dans le cadre de l'accueil du Sommet de l’Océan en juin prochain. "Ces investissements devaient permettre d’améliorer l’accueil des navires de croisière dans des conditions durables et conformes aux attentes environnementales."
Au-delà du mépris que constituent ces annonces sans concertation vis-à-vis des professionnels, membres de l’Union Maritime 06 et de leurs propositions, ignorer ces engagements constituerait un manquement à la parole donnée.
Union maritime 06via un communiqué
Qui peut interdire ?
Légalement, on l'a évoqué, la situation n'est pas simple. C'est le préfet maritime qui peut prendre une telle décision, pas le maire.
David Lisnard, maire LR de Cannes, avait été l'un des premiers à se battre contre les paquebots et avait pu mettre en place une charte environnementale. David Lisnard milite pour l'extension des pouvoirs du maire au-delà de la bande des 300 mètres (la bande du littoral).
Un avis partagé par la sénatrice Alexandra Borchio-Fontimp : "Je trouve légitime qu'elle (la compétence) soit possiblement étendue et fasse désormais partie des pouvoirs des maires pour les zones maritimes. En fait, ça leur permettrait d'agir contre toutes les formes de pollution maritime, ce qui est une priorité dans la défense de notre environnement. Je soutiens donc pleinement les communes, notamment le maire de Cannes qui demande depuis des années à étendre son pouvoir de police en zone maritime." La sénatrice salue les efforts en matière d'environnement avec la signature de chartes. "Ce sont eux, finalement, les premiers défenseurs de leur territoire, de la biodiversité de leur commune. Je leur fais donc entièrement confiance puisque cela fait déjà des années qu'ils ont réussi à imposer aux compagnies des mesures protectrices de l'environnement. Il faut, à mon sens, adopter une position équilibrée afin de ne pas pénaliser nos commerçants locaux qui bénéficient des retombées de ces croisières tout en préservant évidemment notre environnement."
La sénatrice, proche du maire David Lisnard, ancienne présidente du Comité régional du tourisme Côte d'Azur France, tient à rappeler, pour nuancer l'impact économique, que le nombre de bateaux sur la Côte d'Azur est trois fois moins important que le nombre accueilli dans la seule ville de Marseille.