Une ONG, Human Rights Watch dénonce les évaluations d'âge des enfants migrants réalisées par l'Addap 13, l'organisme mandaté par le Département des Bouches-du-Rhône, pour l'accueil des mineurs non accompagnés. Ces jeunes ont été pour la plupart jugés "majeurs", et donc remis à la rue.
"Pas la France que j'imaginais". Dans un rapport publié mardi 30 janvier, l'ONG Human Rights Watch (HRW) dénonce les évaluations d'âge des enfants migrants dans les Bouches-du-Rhône. Elle les estime "arbitraires". L'Addap 13, association chargée par le département du premier accueil, assure réaliser ses tests dans "l'intérêt supérieur de l'enfant".
Près de 75% des jeunes sont refoulés
L'organisation de défense des droits humains dénonce des entretiens d'évaluations "rapides", souvent mal compris par le mineur étranger et ne tenant pas compte du "stress post-traumatique" qui touche "l'écrasante majorité" de ces jeunes après un périple périlleux. L'ONG souligne que "ces décisions (de refus de minorité) sont annulées pour près de 75% de ceux qui déposent un recours", devant les juges. Mais "l'examen des recours par les tribunaux peut prendre des mois, voire des années", privant pendant ce temps les enfants d'"un hébergement d'urgence et de services tels qu'une protection universelle en matière de santé et l'éducation", affirme HRW.
En septembre dernier, de jeunes migrants qui s'étaient déclarés mineurs ont été remis à la rue à Marseille, à la suite de résultats de tests pour évaluer leurs âges Les services sociaux du Département des Bouches-du-Rhône avaient déterminé qu'ils avaient plus de 18 ans, ce que contestaient les associations d'aides aux migrants.
Une évaluation remise en cause
Après des semaines d'inaction, le Département avait lancé en septembre dans l'urgence une évaluation de l'âge des jeunes exilés. "Or, celle-ci a été complètement abusive", déplorait alors le chargé de plaidoyer du Secours Catholique. "Certains jeunes n'ont pas eu d'interprètes dans leur langue maternelle. L'évaluation aurait dû être faite par une équipe pluridisciplinaire, mais elle a été réalisée par une seule personne".
Ce que conteste l'ADDAP13 qui assure, en réaction à la publication du rapport de HRW que les tests sont menés "en collégialité par une équipe pluridisciplinaire". En 2021, la Défenseure des droits avait déjà accusé le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône d'"atteinte aux droits" des mineurs étrangers.
Conséquence de cet examen "fait dans la précipitation" les jeunes migrants ont été "littéralement été mis dehors. On leur a dit prenez vos affaires et appelez le 115", le dispositif d'hébergement d'urgence. "Ce qui s'est passé n'est pas réglementaire", résumait Julien Moisan en septembre.
Une situation critique dans les Bouches-du-Rhône
"En janvier 2024, 150 enfants ne bénéficiaient plus de logement après une évaluation négative de leur âge", la plupart étant hébergés provisoirement par des associations et bénévoles, selon le rapport.
"Le département français des Bouches-du-Rhône, qui comprend Marseille, deuxième ville de France, ne fournit pas aux enfants migrants non accompagnés les protections dont ils ont besoin et auxquelles ils ont droit", accuse HRW, qui a interrogé près de 60 personnes, dont 18 mineurs non accompagnés.
Les obligations du département
Depuis 2013, dans le cadre de leur mission de protection de l'enfance, les départements ont la responsabilité de l'accueil et de la prise en charge des mineurs étrangers non accompagnés. Ces derniers mois, plusieurs départements ont annoncé des restrictions, comme le Vaucluse qui a fermé en novembre son service d'accueil, arguant d'une "capacité d'hébergement à saturation".
Dans un courrier transmis à HRW et dont l'AFP a eu copie, l'ADDAP13, association chargée par le département du premier accueil, rappelle qu'en 2022, elle a "hébergé 1.106 jeunes et procédé à 686 évaluations éducatives et sociales". Elle souligne qu'"à la suite des vagues migratoires importantes constatées depuis septembre", elle accueille, dans le cadre d'une mise à l'abri immédiate, "plus de 240 jeunes, soit le double du nombre de places autorisées". Elle a par ailleurs, "depuis un an, fait évoluer le dispositif pour permettre la prise en charge des personnes ayant formulé un recours".