De jeunes migrants qui s'étaient déclarés mineurs ont été remis à la rue ce mercredi. Les services sociaux du Département ont déterminé qu'ils avaient plus de 18 ans, ce que contestent les associations d'aides aux migrants.
Après avoir trouvé refuge à l'église Notre-Dame-du-Mont pour alerter de leur situation, de jeunes migrants qui déclarent être mineurs ont été rejetés dans la rue ce mercredi 27 septembre. En cause, la décision de l'Addap 13, l'organisme mandaté par le Département pour l'accueil des mineurs non accompagnés qui a jugé que les exilés avaient plus de 18 ans.
Arrivés à sur le parvis de la gare Saint-Charles le 23 août dernier, le groupe de jeunes migrants avait sollicité depuis des semaines le Département pour une mise à l'abri, sans aucun résultat. "Il ne s'agit pas d'une question d'irrégularité de séjour, mais de protection de mineurs : un mineur doit être protégé en tant que personne vulnérable", insiste Julien Moisan chargé de plaidoyer au Secours Catholique de Marseille qui a suivi de près le dossier des jeunes migrants. "Ce n'est que lorsque les jeunes ont décidé de demander la protection de l'Église, en entrant dans l'église de Notre-Dame-du-Mont que le Département a fini par faire son travail", rapporte l'associatif.
Une évaluation "abusive"
Après des semaines d'inaction, le Département lance alors dans l'urgence une évaluation de l'âge des jeunes exilés. "Or, celle-ci a été complètement abusive", déplore le chargé de plaidoyer du Secours Catholique. "Certains jeunes n'ont pas eu d'interprètes dans leur langue maternelle. L'évaluation aurait dû être faite par une équipe pluridisciplinaire, mais elle a été réalisée par une seule personne".
Conséquence de cet examen "fait dans la précipitation" les jeunes migrants ont été "littéralement été mis à dehors. On leur a dit prenez vos affaires et appelez le 115", le dispositif d'hébergement d'urgence. "Ce qui s'est passé n'est pas réglementaire", résume Julien Moisan.
"Un faisceau d'indices"
La procédure de détermination de l'âge des jeunes migrants répond en effet à un protocole précis. "Quand les jeunes arrivent en France, ils doivent se déclarer mineurs en commissariat. À Marseille, c'est au commissariat de Noailles", explique Hélène de Saintour, bénévole au collectif 113, une association d'aide aux migrants basée à Marseille. "Ils peuvent alors se présenter à l'Adapp, le service du département pour la protection des mineurs qui doit théoriquement les prendre en charge."
Une évaluation de leur âge est alors menée selon les dispositions décrites dans "l'Arrêté du 20 novembre 2019 pris en application de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles relatif aux modalités de l’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ".
Selon le texte de loi, la minorité du demandeur doit être déterminée selon "un faisceau d'indices", comme "l'observation du jeune en milieu éducatif", décrypte Hélène de Saintour, c'est-à-dire "un avis de l'éducateur qui l'accueille lors de sa prise en charge".
Un entretien de deux heures
Mais principalement, la détermination de l'âge de l'exilé est faite sur la base d'un entretien visant à réaliser une "évaluation sociale" du demandeur, indique l'arrêté du 20 novembre. "Pendant au moins deux heures, le jeune va passer un entretien avec une équipe pluridisciplinaire comportant un psychologue et un interprète", explique Hélène de Saintours. Sont évalués la cohérence des propos de la personne sur "son état civil, la composition familiale, les conditions de vie dans le pays d'origine, le parcours migratoire et le projet de la personne", indique le texte de loi.
"Toute cette série d'informations que les évaluateurs vont essayer d'avoir ,a pour but de déterminer s'il y a une incohérence dans le discours du jeune", avance Hélène de Saintour. "Ils vont prendre comme principe que s'il y a une incohérence, c'est qu'il ment. Et donc s'il ment, c'est qu'il ment sur son âge", interprète-t-elle.
Les tests osseux sont désormais rares
L'arrêté sur l'évaluation de l'âge des migrants, prévoit en test complémentaire, "des examens radiologiques de détermination de l'âge osseux", ainsi que le stipule l'article 388 du Code civil.
"Mais comme les avocats ont beaucoup contré ces tests osseux [en raison de leur imprécision], cet examen est devenu rare en France. Le paradoxe c'est que c'est maintenant plutôt des jeunes qui le demandent eux-mêmes" pour améliorer leur dossier, explique la bénévole.
Julien Moisan, espère que la situation des jeunes migrants pourra être résolue. "Il y a un tel écart entre ce qui est prévu par la loi et ce qui a été fait, que la décision [du Département] pourrait être cassée par un juge via une demande de référé".