Richard Martin, directeur du théâtre Toursky, à Marseille, a entamé le 7 février une nouvelle grève de la faim. En cause : la baisse des subventions de la mairie et la signature d'une convention d'occupation. Un fratricide en cinq actes.
Richard Martin, directeur du théâtre Toursky à Marseille, a entamé une grève de la faim le 7 février pour signifier son opposition aux décisions de la Ville, incarnées par l'adjoint à la culture Jean-Marc Coppola, concernant l'avenir de son théâtre, situé au cœur du 3e arrondissement. Le décor est planté.
Acte I : la grève de la faim, prise n°4
Premier coup de théâtre, la suppression de 80 000 euros de subventions par la mairie, sur un total de près d'un million, pour un budget d'environ 2 millions d'euros.
"Ces subventions, pourtant, indispensables à la création, à l’accueil et la diffusion des œuvres deviennent une sorte de chantage à la soumission", déclare Richard Martin, 79 ans, dans un communiqué publié le 13 février, au 7e jour de sa grève de la faim.
"La grève de la faim, est pour moi, l’ultime façon non violente de résister quand la pression est trop forte."
Richard MartinCommuniqué du Toursky le 13 février
Richard Martin s'oppose également à la signature d'une convention d'occupation demandée par la Ville, propriétaire du lieu dans le quartier Saint-Mauront (3e). Le théâtre étant occupé sans convention depuis 2014.
La municipalité souhaiterait signer avec la compagnie une convention d'occupation temporaire d'un an, avant un appel à projets, pour se remettre en conformité avec la loi.
Le metteur en scène et comédien s'appuie sur une convention d'occupation signée avec la municipalité Vigouroux dans les années 1980, "reconduite tacitement" depuis. Et il occupe toujours le bâtiment, moyennant 283 euros par an, pour un lieu dont la valeur locative s'établit à 75 000 euros selon Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture de la mairie de Marseille.
Enfin, se pose la question de l’avenir du théâtre et de l’éventuelle succession de Richard Martin.
"Jean-Marc Coppola veut m’éjecter. Il invoque n’importe quoi avec un cynisme qui me choque", déclare-t-il.
"Il était comme mon frère, je l'aimais, je ne comprends pas !"
Richard MartinConférence de presse
"Il me reproche une mauvaise gestion car le Toursky est en déficit. Mais le Toursky est en déficit parce qu’il me coupe en 2022 les subventions en plein exercice, au moment où il y a une baisse de fréquentation historique due à la crise sanitaire dans tous les théâtres de France, (…) mais aussi au moment où l’inflation explose…"
C'est la 4e grève de la faim de Richard Martin depuis la fondation du théâtre, en 1971. En 2009, il était allé jusqu'à Paris pour plaider sa cause et avait gagné. Mais la plus spectaculaire remonte à 1981. Le directeur était alors suspendu à une nacelle pour signifier sa protestation. La dernière en date remonte à 2019.
Acte II : la mairie veut "remettre de l'ordre"
De son côté, Jean-Marc Coppola explique vouloir remettre de la "légalité", via cette nouvelle convention d'occupation.
"Nous essayons de remettre de l’ordre et de développer la culture à Marseille.(…) On remet de la transparence, et aussi de la sécurité. Pour le théâtre Toursky, on fait la même chose. Je ne comprends que le directeur veuille rester dans l’illégalité et surtout refuse la solidarité", a-t-il déclaré devant la caméra des reporters France 3 Provence-Alpes Christian Pesci et Patricia Séard.
Quant à la baisse des subventions : "On lui a expliqué, c’est en solidarité pour permettre à 160 associations culturelles d’avoir un soutien de la part de la Ville."
En 2019, l'élu communiste était venu soutenir Richard Martin contre l'ancienne municipalité. "Dénonçant ces pratiques d’étranglement que sont ces coupes en plein exercice", selon Richard Martin. "Aujourd’hui il me retire la même somme mais pour cacher sa trahison, son retournement, il argumente d’une mauvaise gestion et affirme partout que mon théâtre manque de transparence."
Acte III : réminiscence d'une trahison politique
En 2020, aux dernières élections municipales, le comédien s'est inscrit sur la liste de Bruno Gilles. Le coup de grâce ? Pour l'équipe de Richard Martin, tout partirait de là.
"On pense qu’il s’agit d’un règlement de compte politique, explique Marc Cohen, assistant de Richard Martin. Tout le Printemps marseillais est en ordre de marche derrière Benoît Payan. (…) On est en train de faire payer à Richard Martin le fait qu’il n’était pas aux côtés du Printemps marseillais aux dernières municipales".
"Cette liste de Bruno Gilles n’était pas une liste de droite. Richard Martin s’y est mis parce qu’il a été sollicité par Lisette Narducci, une femme de gauche. Il l’a suivie sur cette liste ouverte."
Acte IV : Renaud Muselier vole au secours du Toursky
Ce à quoi Jean-Marc Coppola a immédiatement répondu sur Twitter, évoquant l'amitié entre le président de la Région et Richard Martin.
Acte V : hospitalisation
Mercredi 22 mars, Richard Martin a été hospitalisé après seize jours de grève de la faim. "L'état de santé de Richard Martin se détériore sur le plan physiologique et devient préoccupant", avaient alors annoncé les médecins à son chevet dans un communiqué.
A ce jour, mercredi 1er mars, Richard Martin se remet "petit à petit" de sa grève de la faim. "Il reprend du poil de la bête. Il est prêt à mener la bataille", souffle son assistant.
Epilogue : un terrain d'entente impossible ?
La troupe de Richard Martin souhaite que "chacun fasse un pas en avant."
Ce mercredi 1er mars, un concert de soutien pour Richard Martin et le Toursky est organisé dans le théâtre. Ce même jour, un courrier du directeur du théâtre a été déposé au cabinet du maire, avec des propositions. Notamment la demande d'une convention de trois ans.
Pour laisser Richard Martin "terminer son aventure" au Toursky.