Face à la hausse des prix de l'énergie, les petites entreprises du département se retrouvent en grande difficulté. A Marseille, un restaurateur au pied du mur ne voit pas comment passer l'hiver.
"Une catastrophe." La facture d'électricité est tombée pour Laurent Ceccarini, patron de plusieurs restaurants à Marseille. Et le verdict est sans appel. "EDF me propose un avenant. Ma facture augmenterait entre 700% et 900%."
En clair, pour le patron de la Côte de Bœuf, Cour Estienne d'Orves, les contrats arrivent à échéance. Et les fournisseurs envoient alors des avenants. La facture d'électricité s'élèverait à 200.000 euros pour cette année, contre entre 30.000 et 40.000 euros l'année dernière. "Ca remet en cause la vie de mes entreprises".
La proposition n'est pas plus avantageuse du côté de TotalEnergies. "1.400% d'augmentation", soit plus de 300.000 euros par an.
Comment je vais passer l'hiver ? Est-ce que je vais devoir liquider mes entreprises, mes salariés ?
Laurent Ceccarini
Le restaurateur n'a pas droit au bouclier tarifaire. Il ne fait pas partie des entreprises pouvant en bénéficier. Sa situation, beaucoup de restaurateurs risquent de la connaître cet hiver, au moment de la fin de leur contrat d'énergie. "Il va y avoir beaucoup de mauvaises surprises", craint Laurent Ceccarini.
A cette hausse des prix de l'énergie s'ajoute la hausse des coûts des matières premières. "La viande a pris entre 10% et 20%", déplore le spécialiste de la côte de bœuf. "L'huile de tournesol coûte trois fois plus cher. Ce matin, on a appris que la pomme de terre allait coûter 40 centimes de plus. C'est dément".
On vit un truc absolument fou. On sort de deux ans de Covid, on commence à rembourser les PGE (prêt garanti par l'État, ndlr)... C'est la mort.
Pour ce restaurateur, cette hausse de l'énergie ne peut pas être répercutée sur les prix de ses restaurants. "Si on monte les prix de la carte, on n'aura plus de clients".
Des mesures de sobriété "insuffisantes"
Pour ce patron spécialiste de la restauration, les efforts de sobriété ne pourront pas sauver la situation. Sur le site d'Engie, des "bons réflexes" sont listés à l'attention des professionnels pour réduire leur consommation d'énergie.
Utiliser un couvercle sur les casseroles, ne pas ouvrir la porte du four, mieux régler la température de friture, ne pas mettre un frigo à côté des points chauds, limitez l'ouverture des portes, privilégier l'éclairage par LED...
"On nous demande de faire plus attention, ce n’est pas possible, déplore Laurent Ceccarini. On sait déjà tout ce qu'il faut faire. On est déjà tous équipés en LED. On utilise même une cheminée à bois pour la Côte de bœuf et même le bois a pris 10%".
Une réunion prévue à Bruxelles le 30 septembre
Pour le patron marseillais Ceccarini, la solution ne peut venir que d'une décision gouvernementale.
Une réunion est prévue le 30 septembre entre les fournisseurs et les ministres européens de l’Énergie à Bruxelles. En attendant d'une solution, Emmanuel Macron a invité les entreprises à résister aux "prix fous" et à "la panique".
"En ce moment, parfois, quand vous êtes une petite et moyenne entreprise, une collectivité locale, un bailleur social, on vous propose des prix de l'électricité pour renégocier vos contrats à des prix fous. Ne les signez pas aujourd'hui !"
Seul point positif, peut-être dans ce tableau sombre, la solidarité. Laurent Ceccarini évoque notamment le soutien de l'UPE 13 (l'Union Patronale des Entreprises), qui depuis une semaine, reçoit de nombreux "appels au secours".
Le risque de la fracture sociale
Dans le territoire, plus de 80% des entreprises ont moins de 20 salariés. "Cette crise va les toucher. Elles n'ont pas forcément les reins solides pour faire face", explique Philippe Korsia, patron de l'UPE 13. Les risques sont nombreux : trésorerie tendue, risques de cessation de paiement, déstabilisation des collaborateurs, vagues de démissions de peur de voir les entreprises chuter... "On court à la catastrophe".
"Après le Covid, l'inflation, la guerre en Ukraine, les taux d'intérêt... les entreprises sont des 'putching-ball'. C'est de la folie. Le vrai risque, c'est la fracture sociale."
Pour répondre à l'urgence de cette crise de l'énergie, l'UPE 13 a mis en place lundi 26 septembre une "Task Force", cellule de soutien pour les TPE et PME qui sont touchées par cette hausse d'énergie.
Des petits gestes vont être proposés aux entreprises cet hiver : descendre la température des chauffages, prioriser le covoiturage, le télétravail. "On ne peut pas quantifier les petits gestes mais chaque geste peut compter."
"On est un territoire fort, qui résiste, un territoire qui s’entraide. Mais il y a une chose que l'on demande : qu'il n'y ait pas de contraintes. Pas de taxation supplémentaire".
"La solution du gouvernement, ne pas signer les contrats d'électricité, ce n'est pas une solution, conclut Philippe Korsia. Il faut une réforme du marché de l’énergie européenne. Il faut un accord global, cela va être compliqué pour 2023".
Du côté de l'UMIH (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie), il est encore trop tôt pour se prononcer. "Nous sommes en train d'observer ce qu'il se passe, explique son président Bernard Marty. Ca va finir par craquer mais pour l'instant, nous ne sommes pas trop sollicités. Cet hiver, ça va être un désastre."