Marseille-Cassis 2022 : journaliste en immersion, je vous raconte comment j'ai vécu cette course, une première pour moi

Bon, ok, je n'ai pas couru. Mais j'ai suivi tout le Marseille-Cassis et j'ai croisé plein de courageux extraordinaires. J'ai donc pas mal d'histoires à vous raconter, vécues depuis l'arrière d'une moto électrique, sauf pour l'arrivée...

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Depuis que je sais que je vais couvrir le fameux "Marseille-Cassis", je croise des coureurs constamment. La veille du jour J, j'en rencontre sur le Vieux-Port, dans le métro, au Prado. Bref, ils sont partout. Et ils s'entraînent.

Mon rendez-vous est fixé à 6h, à la rédaction de France 3, ce dimanche 30 octobre 2022 pour suivre la course. Là encore, je croise un joggeur qui sort de l'arrêt de métro "rond point du Prado". Certains arrivent donc très tôt au point de départ de cette mythique course : première surprise.

Je n'ai jamais couru ni applaudi une course comme celle-ci, alors je découvre tout, et je compte bien tout vous dire. 

Courir pour la bonne cause

Les courageux arrivent au compte-gouttes, puis en masse au niveau du stade vélodrome où ils sont attendus. J'apprends alors qu'ils sont séparés par groupe de 2 500 et qu'ils partiront à cinq minutes d'intervalle chacun (le chrono de chaque coureur est déclenché individuellement). Dans la foule, je repère surtout des déguisements, des couleurs, des tee-shirt floqués… des centaines de groupes qui courent pour la bonne cause. 

Parmi eux, quelques membres de l'association "Je cours pour Tom", qui soutient des enfants autistes. 

Beaucoup de groupes sont constitués d'amis et de familles. Comme celui qui court avec et pour Christelle, atteinte de la maladie de Charcot.

Ce groupe amical et familial court pour Christelle, atteinte de la maladie de Charcot. ©FTV / K. Cassuto

Certains courent seuls, toujours pour la bonne cause. C'est le cas de Katia Bergamelli, présidente de l'association "Tcap21". Maman d'une jeune fille de 25 ans, atteint de trisomie, elle participe à ce Marseille-Cassis pour faire passer son message : "nos enfants doivent être inclus en société". Elle porte des ballons qui forment un oursin géant, "emblème de la côte bleue et de Tcap 21" rapporte Katia. 

Et puis il y a Alain, 37 ans. Il s'est inscrit pour l'association "guérir du cancer". Féru de sport et plus particulièrement de trail, il imagine déjà son après Marseille-Cassis 2022. "J'ai pour projet de relever un défi en 2024 : partir de notre Dame de la Garde jusqu'en haut de la Tour Eiffel, en courant" assure-t-il. Déterminé, il souligne : "l'essentiel c'est de partager et de parler de choses qui nous rassemblent et pas de choses qui nous divisent". 

Les sans dossards

Avant de prendre la route à bord de notre moto électrique, nous laissons les premières vagues passer dont celle des élites. Sur le bas côté de la route, deux joggeuses semblent prêtes à rejoindre la course. Elles n'ont pourtant pas de dossard. 

Dalila, d'un côté, vient de Paris. Elle n'a pas réussi à s'inscrire car les 20 000 places disponibles ont été vendues en six semaines seulement. "C'est une course de plus en plus populaire j'ai l'impression, tant pis… ou tant mieux d'ailleurs" rit celle qui essaie de rejoindre ses amis en route. "Ensuite on va déjeuner tous ensemble à Cassis. La seule différence entre eux et moi c'est que je n'ai pas le droit de passer la ligne d'arrivée" regrette-t-elle. Et de reprendre : "mais je ne suis pas déçue parce que l'objectif est ailleurs… je me prépare au semi de Boulogne."

De l'autre côté, Audrey est marseillaise. Une habituée de cette course mythique. Elle attend, elle aussi, sans dossard, de rejoindre son groupe d'amis. Pour elle, impossible de ne pas courir cette année.

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Audrey participe à la course, sans dossard. ©FTV / K. Cassuto

Tout m'interpelle. Et je suis curieuse des histoires des uns et des autres. Alors avant de prendre la route à moto, je discute, encore et encore. Et Daniel, mon pilote aussi ! Chaque coureur semble avoir un profil particulier, une anecdote, quelque chose à raconter. 

Quand nous décidons d'enfin prendre la route à moto, Daniel ralentit très vite car nous sommes encore attirés par quelqu'un sur notre chemin : Claude. 

Claude, 76 ans : mon coup de cœur

Nous roulons à son rythme, à sa gauche. Je lui tends mon micro. Claude, c'est un papi. Ce qui m'interpelle, c'est d'abord le dos de son tee-shirt. Un morceau de marcel d'un bleu-vert délavé, vieilli, qui indique : "10e Marseille-Cassis". La course existe depuis 43 ans. Il m'explique : "c'est mon 27e Marseille-Cassis" avant de reprendre son souffle, entre deux foulées. Et sur la face de son vêtement, ses petits-enfants, Octave et Alexandra, ont floqué : "Papy tu es le plus fort ! On t'aime !" En chemin, ce gardannais m'explique qu'il a perdu des amis, avec qui il avait couru. Il me raconte, non sans émotion. 

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Claude est mon coup de cœur, personnel et subjectif évidemment. ©FTV / K. Cassuto

Puis la course continue, sous le soleil du sud-est. Et ça, tout le monde le remarque, même Henri, posté au niveau du ravitaillement des 10 kilomètres, à mi-parcours donc. 

Il fait très très très chaud aujourd'hui alors ils boivent énormément. L'année dernière il restait beaucoup d'eau mais cette année je pense qu'il ne restera pas grand-chose.

Henri, bénévole distribuant de l'eau au ravitaillement du 10e kilomètre

Arrivés à son stand d'eau, les coureurs se jettent littéralement sur la toute première bouteille d'eau disposée sur une table en bois. Les bénévoles ne cessent de répéter : "il y en a sur toutes les tables, sur plusieurs mètres, avancez". 

Pour aider les coureurs à supporter cette chaleur, je croise deux habitants qui arrosent les participants avec leurs tuyaux de jardin. Sur les côtés, amis, familles et inconnus les encouragent.

Encouragements émouvants

Tout au long de la course, nous croisons des supporters. Il y a une famille : femme et enfants (deux jumelles) venue applaudir le mari et père donc. "On l'a vu ! Il m'a même fait un check!" se réjouit l'une des deux fillettes. L'autre ajoute : "quand j'aurai 17 ans, je ferai cette course avec lui!", sous le regard fier de sa mère. 

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Orchestres, familles, amis et inconnus encouragent de toutes leurs forces les participants. ©FTV / K. Cassuto

Il y a aussi un jeune Marseillais, venu faire la surprise à son amie. "Bravo Caro" indique, en lettres imprimées, sa feuille blanche qu'il tient fermement de ses deux mains, au-dessus de sa tête. "J'espère qu'elle me verra, et qu'elle sera contente" s'impatiente-t-il.

À côté d'eux, souvent, des orchestres. À une dizaine de reprises pendant la course, de la musique se fait entendre et semble vivement encourager, elle aussi, les sportifs. Percussions, rock, musique brésilienne, musique africaine… chaque rythme entraîne et motive.

Beaucoup d'émotions se lisent sur les visages, même sur le mien.

Malaises à répétition

Il est 11h13 quand une moto de police fonce, gyrophare et sirène à toute allure. Le pilote, un policier donc, fait des signes de la main. La foule s'exécute et s'écarte. Derrière lui, un camion de pompier transporte un blessé. Nous sommes presque au 14e kilomètre. 

Cette frayeur contraste avec les deux photographes, quelques centaines de mètres plus loin à peine, qui crient pour annoncer depuis leurs mégaphones : "souriez!" Ils s'adressent à chaque dossard individuellement. "Numéro 5632, souriez!"

Mais jusqu'à la fin de la course, les coups de frayeurs reviennent. J'aperçois à plusieurs reprises des sapeurs-pompiers courir vers la foule. À seulement un kilomètre de la fin, je remarque une, puis deux, puis six personnes au sol, couverture de survie sur le dos. 

Ce n'est pas pour rien que ces derniers jours, je voyais des coureurs s'entraîner partout ! "Il faut être prudent. Une course pareille, ça se prépare vraiment" m'explique un sapeur-pompier. 

La délivrance

Quelques pauses pipi sur la route pour les coureurs ou plutôt, face à des paysages somptueux… La mer à perte de vue et les calanques turquoises. Une montée, une descente… et des encouragements : "aller ! Ça sent le pastis là!". Deux fillettes, au milieu d'une petite route, chantent : "c'est bientôt l'heure, de l'apéro!" La foule, venue acclamer les sportifs, est de plus en plus fournie. 

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Les paysages sont à couper le souffle, de quoi motiver les coureurs. ©FTV / K. Cassuto

À trois cents mètres de la fin, je pense que c'est l'arrivée quand j'entends "en bande organisée, personne peut nous canaliser" depuis des baffles puissantes. Sourires aux lèvres des Marseillais au son de cette chanson pensée par le rappeur Jul, devenue mythique. 

Et soudain, la délivrance. L'arrivée s'effectue au cœur des vignes de Provence, c'est magnifique.

Sauf que juste après avoir franchi la ligne, chaque coureur s'arrête. Une file d'attente immense se forme alors. Je m'engouffre à l'intérieur parce que je décide de courir les 100 derniers mètres avec Jacques, un Marseillais exténué mais heureux. Il me faudra une heure pour sortir de ce couloir de coureurs, où  chacun récupère sa médaille et ses petits cadeaux. 

La prochaine fois, j'espère en avoir, moi aussi. Mais pour ça, il faudrait commencer les entraînements ! 

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