Au procès "Tatoo", d'une filière internationale de cocaïne depuis l'Amérique latine, le parquet a requis de lourdes condamnations contre les 27 prévenus. La drogue était écoulée dans le Sud de la France et en Italie.
Deux filières alimentées par des trafiquants colombiens, "la fea" (la vilaine) et "la guapa" (la jolie), utilisaient la complicité de bagagistes. Les premiers, au Venezuela et en République Dominicaine, chargeaient des valises contenant 24 à 36 kg de cocaïne dans les soutes d'avions à destination de Paris. A l'arrivée, celles-ci étaient récupérées et exfiltrées par d'autres complices à Orly et Roissy.
Depuis le 2 novembre, le tribunal correctionnel de Marseille jugeait "la fea" et ses acteurs, dont les frères Seraf, Kamel, Abdelkrim et Abdelnasser, "une des plus importantes équipes de la capitale impliquée dans le trafic international", selon le procureur de la République Bastien Madelon.
Contre Kamel Seraf, hospitalisé en psychiatrie à la veille du procès, qualifié de "véritable général de cette armée d'importation", le magistrat a réclamé 14 ans de prison et une amende de 100 000 euros. Il a requis respectivement douze et huit ans de prison contre Abdelkrim et Abdelnasser, ainsi que des amendes de 15 000 et 50 000 euros.
Les douanes ont réclamé la condamnation des prévenus à une amende de plus de 2,5 millions d'euros, sur la base d'un prix de revente à 30 000 euros le kilo, alors que 84,9 kg importés par le réseau ont été saisis par les policiers.
"Ce dossier est d'une ampleur exceptionnelle en raison du pedigree des prévenus, de leur capacité financière mais aussi par leur pouvoir de corruption de bagagistes, (...) d'un douanier et d'au moins un policier", a souligné le procureur.
Auprès des fournisseurs colombiens, le réseau bénéficiait de l'entregent d'un émissaire, Francisco Jimenez Galvan, 66 ans, le seul des prévenus à avoir reconnu sa participation au trafic : "Je ne veux plus continuer à raconter des conneries", avait-t-il lâché devant le tribunal.
Camorra, N'Drangheta et milieu marseillais
Huit ans de prison et une amende de 50 000 euros ont été réclamés contre lui. Dix ans de prison ont été requis contre le Colombien James Cardenas Guisado, fournisseur du réseau, jamais interpellé et donc jugé par défaut.
Les importateurs bénéficiaient de plusieurs filières d'écoulement dans le Sud de la France et en Italie. Mafieux italiens de la Camorra et de la N'Drangheta, parrains historiques marseillais et membres du "milieu" de la Côte d'Azur figurent ainsi dans la liste des clients énumérés par le procureur.
Onze années de prison et une amende de 60 000 euros ont ainsi été réclamées contre Vincent Saccomano, 57 ans, figure du gang des Alpes, déjà condamné à de lourdes peines. Il passe pour l'un des rouages essentiels entre importateurs et réseaux de revente. "Ces réquisitions me semblent infondées et n'ont pas tenu compte du temps qui est passé depuis les faits qui remontent à dix ans", a commenté son avocat à l'issue de l'audience, au micro de France 3 Provence-Alpes.
Les faits datant de 2012 à 2014, les prévenus ont tous été remis en liberté depuis. Mais M. Madelon a demandé au tribunal de prononcer de très nombreux mandats de dépôt.
Un seul bagagiste complice, Baba Wague, avait pu être identifié. Le procureur a requis quatre ans de prison dont un an avec sursis contre ce prévenu, qui comparaissait détenu dans une autre affaire de stupéfiants.
Le dossier est appelé "Tatoo", du nom des petits appareils de messagerie électronique non traçables qui équipaient tous les prévenus. Ceux-ci échangeaient seulement par des cabines téléphoniques, afin d'échapper aux surveillances techniques des policiers.
Le procureur s'est d'ailleurs amusé à plagier le slogan commercial de cet opérateur, "Tatoo, votre tribu garde le contact avec vous", en le transformant en "Tatoo, votre réseau de stupéfiants garde le contact avec vous."
Les avocats des prévenus doivent plaider durant plusieurs jours.
Avec AFP.