Après l'impressionnante saisie de drogue, la semaine dernière, dans la cité de l'Olivier A, à Marseille, les enquêteurs s'interrogent sur le retour de l'héroïne dans les quartiers. Une drogue qui avait quasiment disparu depuis quelques années.
L'héroïne, a-t-elle fait son retour à Marseille ? C'est la question qui taraude les enquêteurs, une semaine après une saisie de près de 3 kilos d'"héroïne" dans les quartiers Nord, au cœur d'une ville longtemps marquée par son étiquette de capitale de la "French connection".
Quelque 200 kilos de pains de résine de cannabis, 6 kilos "d'herbe", 9 kilos de cocaïne. Les quantités saisies le 2 juillet à l'aube, cité des Oliviers A, sont importantes, mais la brigade des "stups" est habituée à ce type de produits.
Retour de l'héroïne à Marseille ?
Ce qui intrigue le plus du côté de l'Évêché, au siège de la police marseillaise, ce sont ces 2,8 kilos "d'héroïne". Car "le marché de l'héroïne n'existe presque plus sur le département", confirmait mardi la commissaire divisionnaire Marjorie Ghizoli, cheffe de la sûreté des Bouches-du-Rhône: "La vraie question est donc de savoir à qui c'était revendu".A Marseille, la dernière saisie notable de "blanche" remontait à trois ans déjà, en juin 2016, avec un kilo trouvé cité de la Castellane. Brice Robin, alors procureur de la République de Marseille, exprimait alors l'inquiétude des autorités face "au regain (des importations) en provenance des Balkans", via la Suisse.
Coordinatrice à Marseille du dispositif TREND (Tendances récentes et nouvelles drogues) pour l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), Claire Duport est également surprise par cette saisie aux Oliviers: "Je me pose la même question que les policiers. A Marseille, on ne trouvait a priori plus de "plan héro" stable".
Via le dispositif TREND, la résurgence de la "blanche" depuis 2012 a été clairement documentée en région parisienne et dans le nord de la France, près des marchés belge et néerlandais, "deux grands pays de stockage en provenance de la route des Balkans".
Marseille semblait préservée, 45 ans après le démantèlement définitif des labos de la "French", où la morphine base était transformée pour être vendue aux États-Unis.
Dans son rapport de décembre 2017, l'OFDT tirait cependant la sonnette d'alarme en notant l'apparition de cette poudre blanche ou brunâtre (qui se sniffe, se fume ou s'injecte) dans les quartiers Nord. Et si l'Observatoire ne parle toujours pas de "tendance", les volumes des saisies ne peuvent qu'inquiéter.
Avec 1.080 kilos en 2018 à travers le pays, contre un point bas de 570 kilos en 2013, l'augmentation est notable. Elle l'est encore plus dans les Bouches-du-Rhône, avec 155 kilos saisis l'an passé, contre 1 kilo seulement les deux années précédentes, selon les chiffres de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCTRIS).
Mais pour Claire Duport, qui est aussi sociologue, auteure notamment de "Héros(s)", un abécédaire sur l'histoire de la "blanche" dans la cité phocéenne, publié en 2016, "il n'y a pas un vrai marché de l'héroïne à Marseille pour l'instant. Et nous n'avons pas encore constaté d'augmentation du nombre d'usagers d'héroïne et de points de vente".
De l'héroïne coupée jusqu'à 70 % de paracétamol et de caféine
Dans le cadre du dispositif SINTES (Système d'identification national des toxiques et substances), l'OFDT a fait analyser quatre échantillons d'héroïne achetés dans la rue à Marseille. "C'était des arnaques, avec jusqu'à 70% de paracétamol et de caféine", explique Mme Duport.La poudre trouvée aux Oliviers, début juillet, est encore en cours d'analyse. Les enquêteurs restent mobilisés, dans un contexte national et mondial où les signaux passent au rouge.
De nouvelles filières albanophones sont apparues en Rhône-Alpes et à Lyon. En 2018, la superficie mondiale cultivée de pavot à opium, la base de l'héroïne, était 60 fois plus grande qu'il y a dix ans, selon le dernier rapport de l'organisme des Nations unies contre la drogue et le crime.