Organisé tous les quatre ans, annulé en 2020 à cause du Covid, le congrès mondial de la biodiversité se tient à Marseille à partir du 3 septembre. Pendant 8 jours, plus d'un millier de participants, chefs d’État, ONG et citoyens de 160 pays vont impulser des actions urgentes à mener pour la planète.
L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) présente son congrès, du 3 au 11 septembre au parc Chanot, comme "le plus grand événement mondial jamais organisé sur la biodiversité".
Une ambition qui se traduit d'abord en chiffres : 1.300 organisations membres de l’UICN venues de 160 pays, 15.000 experts de commissions, 20.000 personnes attendues...
Grand barnum de la biodiversité ? Forum où se décide le sort de la planète ? La vérité se situe sans doute entre les deux pour François Chartier, chargé de campagne Océan Greenpeace qui suivra le congrès en distanciel.
"L'UICN, c'est un objet un peu hybride avec des états qui en sont membres et des organisations non gouvernentales. Ce n'est pas un organe de décision internationale, mais en fait c'est le lieu où la science se met en position d'envoyer des messages politiques", explique-t-il.
Des recommandations qui doivent peser
S'il n'est pas dupe que l'évènement est un outil de communication et de visibilité pour les acteurs qui travaillent sur la biodiversité, c'est un rendez-vous important pour faire avancer les choses au niveau mondial.
"Ce congrès est important notamment pour les océans parce qu'on a un agenda politique international bien chargé pour l'année à venir. Une des résolutions qui doit être discutées et on espère votée à Marseille concerne un appel aux États de se mobiliser diplomatiquement pour que les négociations sur le traité sur la haute mer dans le cadre des Nations-Unies aboutissent avec un traité ambitieux."
À Marseille, des décisions fortes sont attendues, qui doivent permettre de "mettre fin au déclin alarmant de la biodiversité" et déployer massivement des solutions d'urgence sur des problématiques majeures comme la protection des poissons des récifs coralliens, des mangroves et des grands singes, les pratiques alternatives aux pesticides, la pollution plastique dans les océans, la déforestation importée ou l’artificialisation des sols ou encore la lutte contre le changement climatique.
Greenpeace espère ainsi notamment voir aboutir la création d'aires marines protégées en haute-mer avec un appareil juridique qui n'existe pas. Au dernier congrès il y a 4 ans à Hawaï, l'UICN a adopté des indicateurs pour définir ce qu'est une aire marine protégée et quels niveaux de protection sont nécessaires. Mais reste à définir quelles étendues doivent être protégées. Ce sera débattu à Marseille.
Les scientifiques de l'UICN disent que 30 % des océans doivent être protégés. La résolution marseillaise sera importante pour faire pression sur les pays. Notamment sur la France qui s'autoproclame un peu vite "champion de la biodiversité".
On va être vigilants parce qu'on a un double discours et un "green washing" de la part de Macron.
"La France a adopté en janvier une stratégie nationale sur les aires marines qui en apparence dit la même chose, que 30 % des eaux françaises seront protégées d'ici 2022, mais quand on regarde de près, on est loin des critères de l'UICN, c'est même ridicule ce qu'il propose. On va être vigilants parce qu'on a un double discours et un "green washing" de la part de Macron."
D'autant que dans le même temps, rappelle François Chartier, le gouvernement continue de soutenir la pêche industrielle et défend l'exploitation du minerai en grande profondeur. "Il y a des contresens qui sont importants à dénoncer à l'occasion du congrès", ajoute-t-il.
"Il y a des bonnes choses sur la table, mais il faut qu'elles soient votées", résume le chargé de campagne Océan de Greenpeace, qui se méfie des "consensus de façade" face à l'urgence climatique. "Maintenant, il faut de l'action concrète et des politiques ambitieuses."
Sensibiliser le grand public à ces enjeux
Le congrès mondial de la nature a aussi vocation cette année à sensibiliser le grand public. Il y sera accueilli pour la première fois. L'association marseillaise 1 déchet par jour qui mène des initiatives citoyennes depuis cinq ans attend beaucoup d'un tel événement international.
"On commence à voir très concrètement les effets du changement climatique avec toutes les catastrophes qu'on voit en ce moment, ça met quand même une pression sur les représentants des États", estime Aleandre Mounier, son président. Il espère voir sortir des avancées concrètes de la réunion de ces gouvernements "avec des experts qui viennent les inspirer et les influencer".
L'association marseillaise participera à l'une des 21 conférences gratuites dans l'espace Waste We Can, "lieu dédié aux solutions de sensibilisation et de gestion des déchets en circuit court et de transition vers le passage à l'action".
A l'échelle locale, ce congrès aura une portée importante selon Alexandre Mounier. "Je vois ça comme l'opportunité pour les Marseillais de s'approprier cette thématique de l'environnement et de la nature, parce que c'est un problème à Marseille."
Il compte aussi sur ce congrès pour nouer de nouveaux partenariats afin de multiplier l'impact de ses actions et donner de bonnes idées aux autres collectivités.
Pendant huit jours, c'est une vitrine extraordinaire pour la petite association."On a pas mal de choses à montrer comme "le tarpin propre" qu'on avait fait à Marseille en mai, et qui a été une belle réussite pour sa première édition, on a eu plus de 90 manifestations sur Marseille avec beaucoup de ramassage des déchets".
Le congrés marseillais doit déboucher sur 128 recommandations mondiales concrètes, 109 ont déjà été votées par les États et les ONG. Les 19 autres le seront à Marseille. L’ensemble de ces recommandations contribueront à définir les prochains objectifs pour la protection de la biodiversité à l'horizon 2030.
Ce congrès mondial, le premier sur l'environnement depuis le début de la pandémie, est aussi très attendu pour impulser une dynamique avant plusieurs autres rendez-vous importants comme la Convention sur le Biodivserité des Nations-Unies (CBD) et la conférence sur le climat de Glasglow en octobre et novembre 2021.