Le propriétaire d'un hôtel meublé vétuste de Marseille, fermé par la Ville pour insalubrité a été relaxé lundi par le tribunal correctionnel. Ce dernier a estimé que la vulnérabilité des locataires n'était "pas suffisamment démontrée". Le parquet a fait appel.
Lors du procès le 4 octobre dernier, le procureur avait requis trente mois de prison avec sursis et une amende de 75.000 euros contre l'exploitant de cet hôtel meublé dans le quartier du Panier, au-dessus du Vieux Port de Marseille.
Il était jugé pour avoir soumis des personnes vulnérables à des conditions de logement incompatibles avec la dignité humaine. Mokrane Sai, 87 ans, louait ses 28 chambres à des travailleurs immigrés.
Les sept "chibanis" tunisiens qui s'étaient constitués partie civile ont été déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts. Certains résidaient dans cet hôtel depuis 35 ans.
Le 30 novembre 2018, moins d'un mois après l'effondrement des immeubles de la rue d'Aubagne ayant causé la mort de huit personnes, la Ville de Marseille avait signé un arrêté de fermeture de ce meublé.
"Des conditions de logement incompatibles avec la dignité humaine"
Chambres non chauffées, tuyauterie et robinetteries jamais refaites depuis l'ouverture en 1972, installation en 2018 seulement d'une seule douche collective - payable 5 euros par utilisation... Différentes opérations d'éradication de l'habitat insalubre avait pointé l'insalubrité de cet immeuble.
"Incontestablement, l'immeuble était dans un état de vétusté avancée dès 2011", a confirmé le tribunal. Dans sa motivation, il indique que "les conditions de logement des plaignants sont bien qualifiables d'incompatibles avec la dignité humaine".
"Il y a tout lieu de penser que Mokrane Sai profitait directement de la rentabilité de l'immeuble sans jamais avoir investi dans l'entretien courant", a ajouté la présidente du tribunal Laure Humeau.
Le parquet a fait appel
En quatre années, Mokrane Sai avait encaissé sur ses comptes pour 189.000 euros de loyer sans justifier d'aucune facture prouvant un entretien de l'immeuble.
Tout en imaginant la "fragilité économique" des locataires, les problèmes de santé évoqués par certains, l'impossibilité pour des hommes seuls ayant leur famille à l'étranger de prétendre à un logement social, le tribunal a pourtant estimé qu'"il n'y a pas d'élément concret en procédure" à même de démontrer cette vulnérabilité.
Le parquet dont la lutte contre l'habitat indigne est l'un des priorités a fait appel de cette première relaxe, après une série de jugements ayant condamné des marchands de sommeil depuis l'automne 2020.