"Nous nous sentons laissés pour compte" : six questions sur les raisons de la colère des policiers municipaux

Les policiers municipaux ont rendez-vous ce samedi devant les préfectures de France pour faire entendre leurs voix. Depuis octobre 2023, ils ont engagé un bras de fer avec le gouvernement pour une reconnaissance de leur métier avec une revalorisation salariale et un re-calcul des droits pour la retraite notamment.

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Samedi 3 février, devant toutes les préfectures de France des policiers municipaux se regroupent pour faire entendre leur colère qui gronde depuis début octobre 2023.

Parmi les revendications, les policiers souhaitent une meilleure reconnaissance de la dangerosité du métier. Et cette reconnaissance doit passer par une rémunération à leur juste valeur des nombreuses prérogatives qui viennent s'ajouter années après année.

Ils souhaitent également l'indexation de la prime "police" dans le calcul des retraites, "pour vivre dignement après le départ en retraite".

France 3 Provence-Alpes fait le point sur les raisons de cette colère.

Quelles sont les nouvelles prérogatives au coeur de la colère ?

Après les émeutes urbaines, l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne avait dit vouloir confier plus de prérogatives aux policiers municipaux.

"Pour les maires qui le souhaitent, et beaucoup d’entre vous nous ont déjà sollicités, nous allons permettre à certains de vos policiers municipaux d’accomplir des actes de police judiciaire", avait annoncé Elisabeth Borne, le 26 octobre dernier, lors de la présentation de son plan anti-émeutes.

"Nous ne sommes pas contre, mais en échange d’un volet social qui intègre les risques de notre profession, là, on en a ras-le-bol, on croule sous les charges et les prérogatives", explique Michel Choukri, secrétaire général FO police municipale à Marseille. 

Autre point de crispation, les Jeux Olympiques : "Une prime exceptionnelle, portée jusqu'à 1 900 euros pour les policiers et gendarmes travaillant en Ile-de-France, sera versée par l'État en compensation de leur mobilisation durant les Jeux olympiques et paralympiques", a annoncé ce mardi 30 janvier Gérald Darmanin.

Les policiers municipaux de Marseille savent qu'ils ne seront pas concernés alors que des épreuves auront lieu dans la cité phocéenne.

"Si rien ne change, on va devoir se faire entendre, avant et pendant les JO", prévient Philippe Angelelli, secrétaire général CFTC Ville de Marseille où les policiers municipaux pourraient mettre en action leur Acte 4 de la mobilisation entamée depuis octobre dernier.

"Sans, nous, il pourrait pas y avoir de matches de l'OM au vélodrome, de tournoi des Six nations ou ne pas avoir eu la venue du Pape, insiste Michel Choukri, "si tout s'est bien passé, c'est en grande partie grâce à nous, on a enlevé les voitures mal garées sur le trajet, on a fait place nette, donc on vient en complément de la police nationale et on est tout aussi important, nous restons la 3ᵉ force de sécurité du pays".

Pourquoi existent-ils des écarts de rémunération entre les policiers municipaux ?

Le Code général des collectivités territoriales (CGCT) stipule que "le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'État qui y sont relatifs" (art. L2212-1).

Et c'est le maire qui décide de la rémunération d'un policier municipal, ce qui provoque des disparités suivant les communes.

"Nous ce qu’on veut aujourd’hui, c'est une uniformisation des salaires, que tous les policiers municipaux touchent la même chose", indique Michel Choukri qui explique qu'"entre les policiers municipaux de Plan-de-Cuques par exemple et ceux de Marseille, il y a une différence de 400 à 500 euros en moins".

"Ces problèmes de rémunération sont en grande partie responsables du manque de vocation, d'ici à l'horizon 2026, il va manquer 11 000 policiers municipaux en France", indique Philippe Angelelli, secrétaire général CFTC Ville de Marseille. Actuellement, il y a 26 000 fonctionnaires de police municipale dans le pays et les départs en retraite ne vont pas tous être comblés par manque d'attractivité du métier.

Qu'est-ce que la "prime police" ?

Cette prime "police" comprend la dangerosité, la pénibilité et le risque que prennent les policiers.

Au sens du Décret n° 2006-1391 du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois, les agents de police municipaux sont classés en catégorie C de la filière sécurité.

Selon les grilles indiciaires, un agent de police municipale débutant comme brigadier, qui est donc à échelon 1, a un salaire brut de base de 1 541,70 €. Pour un chef de service de police municipale à échelon 1, le salaire brut est de 1 607,31 €.

L’indemnité spéciale de fonctions (ISF), versée mensuellement, s’élève à 20% du traitement mensuel pour les Gardiens-Brigadiers et les Brigadiers-Chefs Principaux.

L'indemnité d'administration et de technicité (IAT), variable selon l'assiduité, la qualité du service rendu, etc. À titre indicatif, elle peut varier de 452 € à 493 € annuels.

Pourquoi vouloir intégrer la prime police au calcul de la retraite ?

Selon Philippe Angelelli, secrétaire général CFTC Ville de Marseille, "un policier municipal touche 1200 euros brut à la retraite, certains 950, alors que le seuil de pauvreté est à 1102 euros par mois ; ce n'est pas acceptable", et pour ce policier, cela pourrait différent, "si la prime police était intégrée dans le calcul des droits à la retraite, comme c'est le cas pour les policiers nationaux et les pompiers". C'est sur la base de ce constat que les policiers se disent "laissés-pour-compte malgré tous les risques".

"Nous intervenons en premiers sur le terrain, mais nous n’enquêtons pas. À un moment donné, on est soumis aux mêmes risques, on a une sur-exposition sécuritaire, il faut que l'association des maires de France dont nous dépendons reconnaisse ce métier comme dangereux", insiste Michel Choukri.

Nous avons perdus des collègues en service, on ne veut pas se lever le matin pour ne pas rentrer en vie le soir", lance Philippe Angelelli, secrétaire général CFTC Ville de Marseille qui milite aussi pour que cette prime soit également revalorisée.

Qu'est-ce que la bonification quinquennale ?

"Nos homologues de la police nationale et de la gendarmerie peuvent partir aux alentours de 57 ans en gagnant une année de retraite pour cinq ans travaillés. Pour nous, l’âge de départ est bien plus tardif si nous voulons partir à taux plein", regrette Philippe Angelelli, secrétaire général CFTC Ville de Marseille.

À la différence des policiers municipaux, les policiers nationaux bénéficient d’une bonification spécifique proportionnelle au temps de service accompli (article 1 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraite en faveur des personnels actifs de police).

Ainsi, ces derniers peuvent bénéficier, sous conditions, pour le calcul de leurs droits à pension, d’une annuité supplémentaire par période de cinq années de services effectifs sans que la bonification puisse être supérieure à cinq ans. Cette bonification dite du cinquième est soumise à des cotisations supplémentaires.

Vers une refonte totale du statut de policier municipal ?

Les contours de l'organisation de la police municipale découlent de la loi du 15 avril 1999 dite loi "Chevènement", du nom du ministre qui a porté cette loi.

Le rôle de la police municipale doit permettre d'améliorer la qualité de vie des personnes habitantes et présentes sur le territoire de la commune en travaillant en lien avec les administrés pour faire respecter les règles de bonne conduite, maintenir le bon ordre et réduire l’insécurité. Ils participent à la lutte contre les incivilités, mais aussi contre la délinquance et la criminalité.

Et c'est bien ce que dénoncent les policiers municipaux en 2024, " le boulot des policiers municipaux n'est plus le même en 2024 qu'en 1999, la société n'est plus la même depuis 30 ans, il faut tout remettre à plat", propose Michel Choukri, secrétaire général FO police municipale à Marseille.

"Le gros problème de la police municipale réside dans le fait que les gouvernements successifs et l'AME (association des maires de France), se renvoient la balle nous concernant, c'est pour cela que rien n'avance", regrette Philippe Angelelli, secrétaire général CFTC Ville de Marseille.

Après les mouvements lancés depuis octobre 2023, "des négociations avaient été ouvertes et les policiers municipaux devaient être par le premier ministre le 12 janvier dernier", indique Michel Choukri, "Avec le remaniement ministériel, tout a été annulé. C'est pourquoi, les policiers municipaux se rappellent aux bons souvenirs du gouvernement "pour tenter d'obtenir un nouveau rendez-vous et se mettre autour d'une table pour discuter des revendications et surtout reconnaissance du métier de A à Z et tout remettre à plat", conclut Philippe Angelelli, secrétaire général CFTC Ville de Marseille.

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