"Quoicoubeh", "quikiriki", "commandant de bord"... D'où viennent ces expressions qu'utilisent les enfants (et agacent leurs parents)

Toujours aussi inventifs pour s'approprier la langue française, les jeunes puisent aujourd'hui dans les réseaux sociaux pour se forger un discours bien à eux. Ajoutez-y l'argot de Marseille, et vous y perdrez votre latin.

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Autant jouer cartes sur table : l'auteur de ces lignes confesse ne pas avoir d'enfant. Mais il côtoie suffisamment de parents pour savoir combien ils peinent, parfois, à déchiffrer le langage codé de leurs ados. Non pas qu'ils bougonnent ou qu'il maugréent : ils argotent. Et s'amusent à faire de vos conversations du dimanche, autour du gigot, des dialogues de sourds : 

"Mon crush m'a nexté, j'ai trop l'seum alors je l'ai ghosté ! 

- Quoi ?

- Quoicoubeh !"

Et ainsi de suite.

(PS : pour la compréhension des lignes qui précèdent, on proposera la traduction suivante : "le mec / la nana sur qui je suis en kif est passé.e à autre chose, je suis deg, alors j'ai fait le mort".)

L'argot, ça fait belle lurette 

Si vos ados vous parlent chinois, ne leur jetez pas la pierre. Laissez béton, dirait Renaud. Et souvenez-vous du parler branché ou du parler cool post-Mai 68, aujourd'hui ringardisé ("Wah l'aut' eh, vise un peu la dégaine !").

Profitez-en aussi pour (re)lire Victor Hugo, celui des Misérables, étalant sur de (trop ?) nombreuses pages sa science de l'argot parisien, dans un souci de réalisme populaire :"Tonorgue tapissier aura été fait marron dans l’escalier. Il faut être arcasien. C’est un galifard. Il se sera laissé jouer l’harnache par un roussin, peut-être même par un roussi qui lui aura battu comtois."

Le français des réseaux

Si l'argot et le "parler jeune" sont choses banales et connues depuis le XIXe siècle, l'apparition des réseaux sociaux a favorisé leur accélération."Tout va plus vite, souligne Médéric Gasquet-Cyrus, maître de conférence en linguistique à l'université d'Aix-Marseille, auteur de En finir avec les idées fausses sur la langue française, paru cette semaine aux éditions de l'Atelier. Un mot qui sort aujourd'hui va mettre quelques jours à se diffuser, alors qu'autrefois, c'était quelques jours, quelques mois."

Ainsi de quoicoubeh, omniprésent chez les ado. Au départ, il s'agit d'un jeu, qu'un vidéaste ultra-suivi par les jeunes a popularisé sur Tiktok.

Le principe est simple : dès qu'un adulte conclut sa phrase par le pronom "quoi", l'ado lui répond du tac au tac "quoicoubeh"

De la blague initiale a émergé un raz-de-marée. L'expression est employée jusqu'à plus soif. À tel point qu'il est interdit de dire quoicoubeh dans cet établissement scolaire, comme l'a repéré le média Cerfia, destiné aux jeunes : 

Soulignons au passage l'usage irrégulier du pluriel, sur le mot retenue. Retenons-nous de rire, et revenons à nos quoicoubeh. Car il y en a d'autres : quikiriki, en réponse à qui ? ; apayinye, en réponse à hein ? ; commandant de bord, en réponse à comment ?.

"Cela fait nous sentir plus vieux, sourit Médéric Gasquet-Cyrus. Ce qu'il faut retenir, c'est que ce n'est ni bien ni mal : c'est normal. Il n'y a aucune raison de s'inquiéter : au contraire, lorsque les jeunes jouent avec le langage, c'est une bonne chose."

Et si votre ado est de Marseille et qu'il ponctue ses quoicoubeh par des tarpin ("beaucoup", "grave", "super") et autres le sang ("mon frère", "mon pote"), encouragez-le : il contribue ainsi à la diffusion du parler local à l'échelle nationale. Car aujourd'hui, on parle "jeune marseillais" de Strasbourg à Lille. Oui ma gâtée.  

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