La pâte à tartiner El Mordjene, produit phare de la société algérienne Cebon, a récemment été frappée d'une interdiction d'importation en Europe. Elle a connu un succès fulgurant, particulièrement en France où elle a été popularisée cet été grâce aux réseaux sociaux. Mais ce produit a été jugé non conforme aux normes européennes.
El Mordjene, interdit d'accès sur le sol français. Le ministère français de l'Agriculture a confirmé ce jeudi 19 septembre que cette interdiction repose principalement sur le non-respect des normes sanitaires européennes, particulièrement en ce qui concerne les produits contenant des dérivés laitiers. L'Union européenne impose des règles strictes en matière de traçabilité et de sécurité alimentaire, que l'Algérie n'aurait pas entièrement respectées pour les exportations de ce produit spécifique.
Une cargaison est bloquée sur le port de Marseille
"Une cargaison est bien bloquée au poste de contrôle frontalier de Marseille, dont l'activité relève du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Le refus d’admission sur le territoire de l’Union a été adressé à l’opérateur", explique le ministère de l'Agriculture.
En effet, la pâte à tartiner El Mordjene, bien que fabriquée avec de la poudre de lait importée de France et transformée en Algérie, ne remplirait pas les exigences de l'article 20, troisième alinéa, du règlement n°2202/2292 de l'UE, qui régit l'importation de produits laitiers. Cette non-conformité a conduit au blocage de plusieurs cargaisons au port de Marseille, empêchant leur distribution en France.
"Le secret commercial ne nous permet pas d’apporter des précisions sur la quantité", détaille le ministère de l'Agriculture.
Les raisons du blocage
L’Algérie n'est pas autorisée par l'Union européenne pour exporter de tels produits. En effet," l'Algérie n'est pas inscrite sur l'annexe -I du règlement (UE) 2021/405 listant les pays tiers ayant mis en place un plan de contrôle approuvé par la Commission européenne concernant les substances pharmacologiquement actives, les pesticides et les contaminants dans certains produits d’origine animale destinés à la consommation humaine, conditions nécessaires pour autoriser l'importation de ce type de marchandise dans l'UE", détaille le ministère. De plus, l’Algérie ne dispose pas d’établissement agréé et listé par la Commission européenne pour la transformation et la production de produits laitiers. Les listes de pays tiers sont établies depuis de nombreuses années dans la réglementation européenne, elles ont fait l'objet d'une actualisation en 2022 (Règlement d’exécution (UE) 2022/2293 du 18/11/2022).
Comme les autres envois non conformes qui ne sont pas admis sur le territoire de l'UE, ils peuvent faire l'objet d'un refoulement ou d'une destruction, selon la décision entre l’importateur et l’exportateur.
Pourquoi elle n'a pas été interdite d'importation avant ?
Cette interdiction a provoqué un tollé en Algérie, où elle est perçue comme une mesure protectionniste visant à limiter la concurrence pour les produits européens bien établis comme le Nutella. Mustapha Zebdi, président de l'Association algérienne de protection des consommateurs (Apoce), a dénoncé ce qu'il considère comme un acharnement contre un produit étranger devenu soudainement menaçant pour les marques locales après avoir conquis une part de marché significative.
"C'est suite à une demande d'information d'un transitaire (opérateur en charge d'assurer les formalités de passage de la frontière pour les marchandises importées), la semaine dernière, sur les conditions d'importation de cette marchandise, qu'une expertise a été menée et a conduit à informer l'opérateur que l'importation de cette marchandise n'était pas autorisée", indique le ministère de l'Agriculture.
En précisant qu'"à ce stade de l'enquête, il semble probable que la marchandise ait pu être importée jusqu'à présent en raison de déclarations à l'importation erronée".
La situation est également surveillée de près par les autorités algériennes, qui estiment que cette interdiction pourrait être motivée par des intérêts économiques plus que par de véritables préoccupations sanitaires. Une enquête a été ouverte par les autorités françaises pour vérifier les conditions dans lesquelles ces cargaisons ont été expédiées et les éventuels contournements des réglementations en vigueur.
Y a -t-il un risque sanitaire pour les consommateurs ?
À ce stade de l’enquête, aucun élément n'a permis de "caractériser un danger sanitaire pour le consommateur de ces marchandises", assure le ministère de l'Agriculture, précisant que "l'interdiction d'importation est liée au fait que le pays tiers d'origine n'a pas apporté les garanties nécessaires à la Commission européenne pour s'assurer que ce type de marchandise est produit dans des conditions permettant de s'assurer qu'ils ne présenteront pas de danger pour la santé des consommateurs, ni pour la santé animale".
À Marseille, la pénurie commence à se faire sentir, impossible de s'en procurer chez certains revendeurs. Le prix d’un pot de 700 grammes va jusqu'à 13 euros, alors qu'en Algérie, il est vendu autour de 795 dinars algériens (environ 3,50 euros). À titre de comparaison, un pot de 750 grammes de Nutella coûte en moyenne 6 euros. Nocciolata, marque bio, propose les 650 g pour 8,5 euros. Alors que la pénurie de pâte à tartiner El Mordjene échauffe les esprits sur les réseaux sociaux depuis plusieurs jours, un employé d'épicerie s'est fait agresser ce vendredi 13 au soir dans une cité du 11ᵉ arrondissement de Marseille où il était venu prendre commande d'un stock de pâte à tartiner.