Des milliers de fausses micro-entreprises, pourtant déclarées au registre du commerce, sont utilisées pour permettre notamment à des sans-papiers d'exercer comme livreur de plateformes comme Uber ou Deliveroo.
Il y a les cadres qui commandent des salades pour déjeuner dans leurs grands bureaux. "Sinon les autres, les familles, les amis, c'est McDo et KFC. Un peu partout. Et sauf dans les quartiers Nord", analyse Ahmed, 28 ans, en France depuis deux ans, sans-papier, qui exerce pourtant le métier de livreur de repas au pied de la Bonne-Mère. Comme lui, ils sont nombreux dans la même situation, à Marseille, à travailler chaque jour clandestinement pour le compte de plateformes comme Uber ou Deliveroo, révèle une enquête édifiante de Marsactu, en ligne mercredi 5 avril 2023.
Ce travail d'investigation a été mené conjointement avec des titres de presse quotidienne régionale, sur la base de données des livreurs français. A Marseille, Julien Vinzent et Clara Martot-Bacry, journalistes de Marsactu, ont enquêté dans les coulisses de ces plateformes et ont mis à jour un système d'économie parallèle.
"On compte 12 000 micro-entreprises de livraison de repas inscrites au registre au commerce à Marseille, et parmi elles 9 000 sont actives", résume Jean-Marie Leforestier, rédacteur en chef du site d'information indépendant. "On est en mesure d'affirmer que plusieurs milliers de ces micro-entreprises sont aujourd'hui utilisées de façon frauduleuse", poursuit le journaliste.
Concrètement, à chaque micro-entreprise est lié un compte Uber ou Deliveroo. Lequel compte est "loué" à des travailleurs qui, faute de disposer de papiers, ne peuvent en ouvrir un à leur propre nom. Il faut compter 1 000 euros pour un compte Uber. 1 600 euros pour un compte Deliveroo, car "plus rare", révèle l'enquête de Marsactu. Dès que le plafond de revenus atteint 5 000 euros sur un compte, celui-ci est bloqué. Et il faut alors en "acheter" un nouveau.
Marseille est la seule ville où une telle fraude est constatée de façon aussi massive, assurent les auteurs de l'enquête, qui la déclinent sous forme de trois articles très documentés sur le site Marsactu.