La rentrée universitaire "hivernale" devait se dérouler le 5 février, puis le 4 janvier, le 11, le 18 et enfin le 25 janvier. Comme pour les cours, il faut suivre… Des étudiants vont mal, des professeurs sont assommés par l'enseignement à distance.
La rentrée universitaire est prévue le 25 janvier, par groupes d’élèves, c'est-à-dire par demi-classes. Les élèves de première année arriveront les premiers, suivis une semaine ou dix jours plus tard par leurs aînés. Selon la présidence d'Aix-Marseille Université, ce nouveau report de date de rentrée se justifie par la mauvaise courbe du nombre de malades de la Covid et la variante britannique du virus.
Eric Berton, président d'Aix-Marseille Université se dit "extrêmement préoccupé par l’état psychologique de certains étudiants." Quant aux professeurs, ils s’épuisent depuis l’automne à suivre des consignes sans cesse modifiées.
"D’habitude, nous recevons des consignes très strictes", décrit Olivier Morizot, maître de conférence en physique à Aix-Marseille Université "Mais là, dans cette situation abracadabrante, on nous a juste demandé d’être responsables et de nous adapter". La première semaine de rentrée, nous avons donné cours en présentiel, la seconde, avec des classes divisées par deux, tout changeait tout le temps. L’université nous a fourni des masques mais pas de gel, les étudiants étaient censés se laver les mains aux toilettes. On nous a proposé de faire un cours sur deux salles en même temps, en passant d’une pièce à l’autre… Finalement, je suis venu avec ma caméra et un micro prêté par un étudiant, j’ai fait cours sans vraiment savoir si on me voyait, si le son était bon…"
A la Toussaint, la fac de science donne des cours uniquement en distanciel. Les enseignants avaient demandé des caméras, on leur fournit des tablettes avec stylet. "Quand Emmanuel Macron parle du deuxième confinement, la fac a annoncé depuis une semaine qu’elle s’apprêtait à rouvrir progressivement…" raconte Olivier Morizot.
"Parler tout seul à mon ordinateur, ça commence à bien faire" s'agace Laurent Pezard, professeur de neurosciences à Aix-Marseille Université. Cet enseignant dit s’adapter à peu près à la situation mais le contact avec les étudiants lui manque. "L’absence de retour est évidente, on ne sait pas tellement si le message passe."
"A la rentrée, nous étions tous cachés derrière un masque," se rappelle le scientifique, "C’était une vraie épreuve. Après deux heures de cours, j’avais l’impression d’étouffer, j’étais obligé de couper mes phrases." Devant son écran d’ordinateur, il ne sait pas si les étudiants sont vraiment attentifs, s’ils comprennent ce qu'il dit.
"C’est extrêmement pénible d’enseigner face à un écran noir. Je me rends compte à quel point mon enseignement repose sur l’interaction", commente Olivier Morizot. "Les étudiants, eux, passent parfois 6 à 8 heures par jour devant des cours en distanciel. Certains se plaignent de maux de tête et de fatigue."
La neige est tombée abondamment sur la faculté de droit d’Aix-en-Provence dans la journée de lundi. A tel point qu’il a fallu annuler une épreuve de droit constitutionnel concernant 600 élèves. C’était un peu la panique à la fac.
Lorsque le professeur de droit, Jean-Philippe Agresti répond au téléphone, il prévient tout de suite que sa fonction de doyen l’obligera à tenir des propos modérés. "Oui, les professeurs sont fatigués, on sent une lassitude. Mais ce sont les jeunes qui souffrent de ne pas étudier sur le campus. A la fac, on crée des contacts, des amitiés, des amours. Ce temps perdu ne se rattrapera pas. Ce qui leur manque, c’est le sel de la vie."
Le sel de la vie semble être absent des deux côtés de l'ordinateur.