Depuis mardi, les agents de la fonction publique dit vulnérables sont appelés à faire du télétravail. Dans l'éducation, cette mesure implique un enseignement à distance compliqué, voire impossible. A Marseille, les parents d'élèves réclament le remplacement des maîtresses en quarantaine.
Depuis quelques jours, Thibault doit suivre ses cours par correspondance, en autonomie. Alors que la deuxième vague de coronavirus touche la France, cette situation pourrait sembler banale. Mais Thibault a 7 ans, il est écolier en CE1 à l'école de Sainte-Anne de Marseille.
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Son enseignante a été mise en télétravail, car considérée comme personne vulnérable au Covid-19. Les dernières directives ministérielles l'imposent aux agents de la fonction publique atteints de certaines pathologies. Thibault et ses camarades ont donc été répartis dans les classes d'autres niveaux, où ils doivent plancher de manière autonome sur les devoirs transmis par la maîtresse.
"A cet âge, réviser seul c’est impossible, se désespère Stéphanie, sa maman. Hier, quand j’ai comparé ce qu’il était censé avoir fait et ce qu’il avait fait, il y avait un énorme écart. Il n'avait rien compris à la leçon, on a dû refaire toute la journée d’école à la maison".
Jusqu'à 21 heures, la maman a dû reprendre la leçon d'orthographe avec son fils. "Et encore, on n'a pas fini. Il reste les maths qu'on fera ce week-end. Il me disait 'Maman je suis fatigué, j'arrive plus a réfléchir'", soupire-t-elle.
"Il est livré à lui-même"
Placé dans une classe de CM2, Thibault est officiellement pris en charge par l'institutrice de ce niveau. Dans la pratique, la maman raconte une situation plus compliqué. "La maitresse des CM2 ne peut pas prendre de temps pour lui. Il est livré à lui-même. En plus, il a été séparé de tous ses copains, donc il passe les journées seul."
Pour elle, cette situation ne peut pas durer. "Il est très inquiet, raconte-t-elle au sujet de son fils. Le contexte n'est déjà pas très drôle. Les enfants sont fatigués, anxieux et nerveux, donc nous aussi."
A cela s'ajoutent les couacs techniques de communication. "On s'est rendu compte que seulement la moitié des devoirs donnés par la maîtresse leur avait été transmis. Il faut vraiment tout vérifier derrière." Une situation ingérable pour les parents, qui rappelle de mauvais souvenirs. "Comme au premier confinement, on doit faire l'école à la maison, sauf que cette fois on n'est pas en télétravail", se complaint la mère de famille, dont le métier ne permet pas le distanciel.
Comme elle, les parents d'élèves de la classe se montrent très inquiets pour leurs enfants. Chez Mounya Faghil, maman d'Amyr, la crainte est double. Dyspraxique, son fils a besoin d'un accompagnement particulier. "Il n’est pas autonome, il a besoin d’être soutenu, rassuré, qu’on lui explique et réexplique. [...] Ces derniers temps il est anxieux, à fleur de peau", témoigne la jeune femme.
"Il faut urgemment recruter"
Dans cette école, tous les parents souhaitent un remplacement d'urgence de la maîtresse mise en quarantaine. "Il y a plein de personnes en capacité de travailler et qui ne demandent que ça. Des étudiants, des contractuels... Même s'ils n'ont pas eu le concours de l'Education nationale, on est prêts à les accepter vu l'urgence", se lamente Audrey Cardona, maman du petit Evan.Furieuse de cette situation, elle a écrit une lettre au recteur d'académie. Pour elle, chaque jour sans maîtresse est "dramatique" pour les écoliers. "L’éducation, c’est ce qu’il y a de plus important, et on ne peut même pas leur offrir ça. Avec cette crise, le système éducatif s’effondre. S'ils mettent encore deux semaines à trouver un remplacant, les enfants auront perdu un mois de cours."
Face au retard scolaire accumulé par certains élèves au premier confinement, la maman espère une solution rapide. "Au minimum, on veut quelqu’un en présentiel avec les élèves. La maîtresse, qui par ailleurs est remarquable, pourrait leur donner les consignes, et un intermédiaire sur place servirait d'encadrant."
Une revendication que porte également le syndicat d'enseignants SNUIPP-FSU. Virginie Akliouat, secrétaire départementale, s'insurge : "Il faut urgemment recruter des enseignants. Il y a la possibilité de le faire grâce aux listes complémentaires des concours, mais le rectorat s’y refuse."
La syndicaliste parle d'une situation qui existait avant le reconfinement. "Il n’y a pas assez de remplaçants depuis septembre. Avec la mise en distancielle des professeurs vulnérables, il va encore plus en avoir besoin. Il faut recruter, la situation n'est pas tenable." Au-delà du problème d'embauche, elle évoque un manque de moyen général. "Les écoles n'ont aucun équipement pour pratiquer l'enseignement à distance de façon viable", dénonce-t-elle.
Pas d'embauche au programme
Interrogé par France 3, le rectorat d'Aix-Marseille est catégorique : "On ne remplace pas les gens en télétravail." Aucune embauche d'enseignants n'est donc prévue pour l'heure. Idem pour le recrutement de surveillants ou d'aide scolaire. "Cela implique des moyens supplémentaires qu'on n'a pas forcément".
L'académie balaie d'un revers de main les demandes des parents : "La continuité pédagogique est assurée. Les élèves sont répartis dans les classes et pris en charge par d'autres enseignants."
Concernant le manque de moyen techniques et numériques, l'administration assure y travailler avec le ministère de l'Education. "On envisage l'avenir avec un mode d'éducation tourné vers le numérique. Les grenelles de l'éducation sont là pour ça. Tout ne peut pas se faire du jour au lendemain". Pour cette année, les CE1 de l'école de Sainte-Anne peuvent encore attendre.