Alors qu'une stèle est inaugurée à Eguilles ce vendredi, un an après l'attentat de la gare Saint-Charles à Marseille, Sylvie et Dominique Harel, les parents de Mauranne, expliquent pourquoi ils ont décidé d'attaquer l'Etat pour "faute" devant le tribunal administratif de Lyon.
Un an après l'attaque au couteau de la gare Saint Charles de Marseille, dans laquelle Mauranne et Laura, 20 ans, ont été tuées, une cérémonie sera organisée ce vendredi soir à Eguilles à la mémoire des deux cousines. Dans le village, des anonymes viendront rendre hommage aux deux victimes, autour de la famille de Mauranne et de ses proches.
Sylvie et Dominique Harel, ont décidé d'aller en justice. Les parents de la jeune fille veulent faire reconnaître la "faute" de l'Etat dans ce drame, qui selon eux aurait pu être évité.
Le tueur, un Tunisien de 29 ans, était en situation irrégulière. Interpellé à Lyon quelques jours avant l'attentat pour un vol à l'étalage, il avait été placé en garde à vue, puis remis en liberté alors qu'il aurait dû être placé en centre de rétention administrative, en vue de son expulsion du territoire.
Le témoignage des parents de Mauranne
Les parents de Mauranne ont reçu une équipe de France 3 Provence-Alpes ce vendredi matin, Noémie Dahan et Alban Poitevin :
Noémie Dahan : Comment vous vous sentez aujourd'hui ?
Sylvie Harel : Vous commencez par la question la plus difficile en fait. On essaie d'aller bien, de nous occuper des filles qui nous restent, d'aller de l'avant, d'essayer de remettre du sens dans nos vies, par ce que ça, c'est pas facile, de retrouver de la joie. Mais je vous cache pas que c'est compliqué.
- Noémie Dahan : On va parler de cette démarche que vous entreprenez aujourd'hui. Vous attaquez l'état. Pourquoi vous faîtes ça ?
- Sylvie Harel : Déjà, on a mis un certain à le faire parce que c'était pas possible pour nous de parler de tout ça avant, on était trop anéantis. Aujourd'hui, on fait ça essentiellement pour dire "non", également pour les familles qui suivront parce que le meurtrier n'aurait jamais dû être à Marseille ce jour-là. Il aurait dû être placé en rétention et ça ne s'est pas fait au niveau de la préfecture de Lyon. Donc c'est vraiment important pour nous que les choses ne se reproduisent pas.
- Dominique Harel : Sachant qu'en effet par rapport à ça, il y a eu un rapport de l'IGA (Inspection Générale de l'Administration, ndlr) produit début octobre. Des sanctions administratives disciplinaires ont été rendues à ce moment-là. Nous, ce qu'on souhaite aujourd'hui, c'est qu'il y ait aussi une sanction judiciaire. On attendait aujourd'hui qu'il y ait de la part de l'état la reconnaissance d'une faute avérée. Elle n'est pas arrivée et donc, malgré nous, on se lance dans des procédures qu'on sait longues et douloureuses mais on n'a pas le choix vis-à-vis de nos filles.
Noémie Dahan : Pourquoi est-ce que vous entreprenez cette procédure ? Comme vous dîtes, on aurait plutôt envie d'oublier, est-ce que c'est pas difficile ? Est-ce que ça ne fait pas revenir beaucoup de souvenirs à la surface ?
Sylvie Harel : C'est difficile, ça fait remonter les souvenirs, mais en même temps, je crois qu'on n'aurait pas pu se regarder dans une glace si on avait rien fait. On dit "non" pour nous, pour Mauranne et Laura et on dit "non" par ce qu'on veut que les choses changent. L'état ne peut pas agir en toute impunité. Quand il y a des erreurs, quand il y a des fautes avérées qui sont faîtes, l'état est comme tout le monde, l'état doit être sanctionné. Et c'est important qu'il le soit, et c'est important pour les citoyens que nous sommes.
Noémie Dahan : On a dit que Laura et Mauranne étaient au mauvais en droit et au moment et vous, vous refusez...
Sylvie Harel : Non, c'est l'assassin qui était au mauvais endroit au mauvais moment !
Dominique Harel : Il aurait pas du être là, il aurait dû être en centre de rétention et en aucun cas à la gare de Marseille.
Sur le parvis de la gare Saint-Charles, une plaque commémorative rappelle désormais aux passants qu'à cet endroit, Mauranne et Laura sont mortes, le 1er octobre 2017, victimes du terrorisme.