En réponse au film "Bac Nord", et pour briser les préjugés qui stigmatisent les jeunes des quartiers, Marina Gomes, chorégraphe marseillaise, les met en scène dans son œuvre "Bach Nord".
"J’ai été heurtée par l’image qu’on renvoie des jeunes de cité, comme le mauvais objet de la société." Ce sont les paroles de Marina Gomes, chorégraphe marseillaise. Cette jeune femme, qui a vécu de nombreuses années à Felix-Pyat, veut véhiculer, à travers son art qu’est la danse, une autre image des jeunes des quartiers qui "sont juste des jeunes comme ailleurs".
Pour Wiame, 14 ans, qui participe au projet, "c'est important de dire aux gens que ça suffit de juger sans connaître. Ce n’est pas parce qu'on habite les quartiers nord qu'on est des mauvaises personnes. Voir tout le monde nous applaudir, ça montre que quand on est ensemble ça se passe bien."
"Ce film justifie qu'une police ne respecte pas la loi, comme si on ne méritait pas mieux"
Du côté de Marina, tout est parti d’un tag sur un immeuble de son quartier qui disait "écoutez Bach, évitez la Bac". Alors, avec des "minots" qu’elle a rencontrés lors d’ateliers et sa compagnie de danseurs professionnels, elle construit son œuvre chorégraphique Bach Nord. Un titre en référence au film Bac Nord sorti en 2021. "Il nous a heurtés parce qu’il justifie qu’une police ne respecte pas la loi, comme si on ne méritait pas mieux", souligne Marina Gomes.
On dirait qu’il n’y a pas d’émotion autour de tout ce qui se passe dans les quartiers nord
Marina Gomes, chorégraphe marseillaise
Avec le compositeur Arsène Magnard, ils sont partis de la Sonate pour violon n°1 BWV 1001 du célèbre Jean-Sébastien Bach. Ils se la sont appropriée en "naviguant entre la guitare, la drill, la shatta… qui sont des évolutions récentes de la musique hip-hop". Une volonté également de mettre en avant l’évolution de la culture hip-hop dans les quartiers. La guitare n’a pas été un choix anodin non plus, puisque c’est le surnom que l’on donne à la Kalachnikov dans les quartiers.
Riposte au film Bac Nord
En riposte à la réputation du film et pour briser les préjugés sur les jeunes de cité, elle a donc créé cette œuvre Bach Nord avec une quinzaine de "minots" qu’elle a rencontré lors d’ateliers. Younes est l’un d’eux. À 20 ans, son retour d'expérience est sans équivoque : "J'ai voulu participer au projet de Marina parce que c'est rare qu'on nous donne la possibilité de prendre la parole, avec Marina on s’est rencontré sur des ateliers rap, je lui fais confiance. C'était important de répondre au film bac nord parce qu’il rabaisse les quartiers, je voulais montrer qu'on est capable de bien plus que ce que tout le monde croit. Même moi je ne croyais pas que j'étais capable de danser ! "
C’était là aussi une volonté de Marina Gomes. "Mettre ces jeunes-là sur scène, c’est ouvrir le champ des possibles. À aucun moment ils ne s’imaginaient pouvoir le faire". Ils se sont représentés pour la première fois au Festival de Marseille, un grand rendez-vous de la danse contemporaine. Le message est clair : "la jeunesse et les habitantes méritent une vision nuancée. Il se passe aussi des choses magnifiques dans les quartiers, c’est toute une palette de personnes, d’histoire de vie, de belles choses." À travers cette performance, Marina Gomes espère "susciter un regard empathique, voire de la tendresse". Si vous les avez manqués, vous pourrez les voir au festival d'Avignon au CDCN les Hivernales du 10 au 20 juillet 2023.