"Arnaques, coke, et corruption"… Martigues fait ce vendredi la une du quotidien Libération. Depuis l'automne dernier, l'office HLM de la ville, plusieurs élus et des agents sont dans le viseur de la justice. On fait le point sur cette affaire.
Un pacte de corruption à l'office HLM
Selon l'enquête de Libération, un couple de salariés de la Semivim, l'office HLM de la ville de Martigues, serait au centre d'un réseau de corruption. Patricia Baptiste, co-directrice de la Semivim chargée patrimoine, et son compagnon, Adel Baha auraient lié un "pacte de corruption" avec un entrepreneur de la région, Alexandre Coulot.
Le couple aurait touché 10% du montant des marchés attribués à l'entreprise de Monsieur Coulot. Le couple aurait également bénéficié de pots de vin auprès d'autres entreprises.
Ce sont ainsi des dizaines voire des centaines de milliers d'euros que le couple aurait touché. Libération note ainsi que Adel Baha aurait joué 700 000 euros au casino en une année... Alors que son salaire mensuel à la Semivim s'élève à 1800 euros.
Le tribunal de Marseille a ouvert le 14 octobre 2021 une information judiciaire pour trafic d'influence, corruption, favoritisme et recel au sein de la Semivim. Patricia Baptiste et Adel Baha ont été mis en détention provisoire. Au total, dix personnes dont un élu municipal et la directrice générale de la Semivim ont été mis en examen.
Harcèlement chronique sur les salariés
A l'automne dernier, le mensuel satirique Le Ravi et le site d'information Blast ont révélé un climat de tension et de harcèlement au sein de la Semivim. Plusieurs salariés auraient été agressés.
Les premières alertes remontent à l'année 2020 mais c'est à partir de l'année 2021 que l'association SOS corruption 13 s'empare du dossier. Les témoignages de dizaines de salariés sont récoltés. Ils font état de "pression" et de harcèlement chronique.
Pour Xavier Monnier, journaliste pour Blast, corruption et harcèlement font partie de la même stratégie. "Pour pouvoir truquer les marchés ou s’organiser, il fallait éradiquer toute opposition en interne. Le harcèlement permet de faire régner un climat de terreur."
C’est un trafic de coke qui a mis les enquêteurs sur la piste
En 2020, les policiers de Bobigny enquêtent sur un vaste trafic de drogue. Ils pistent un chargement de 3,3 tonnes de cocaïne cachées dans un conteneur de purée de bananes. Les enquêteurs découvrent que leur destination est une villa dont le locataire est... Alexandre Coulot, l'entrepreneur soupçonné de corruption.
Les policiers décident d'interroger les proches de l'homme, dont un certains Adel Baha. "Il n’est pas mêlé à ce trafic, mais il raconte ses différents boulots à la Semivim et pour des entreprises privées" rapporte Xavier Monnier qui a lu les rapports d'audition. "J'ai trouvé ça bizarre. Alors quand des personnes ont commencé à m'appeler pour parler de problèmes de harcèlement moral et d’emplois fictifs à la Semivim, j'ai voulu en savoir plus".
L'implication du maire de Martigues, Gaby Charroux, n'est pas encore déterminée
Dans cette affaire, Gaby Charroux a été entendu par le juge d'instruction le 25 janvier dernier, en tant que président de la Semivim. Il a toujours nié.
Xavier Monier estime que le maire de Martigues n'a pas pu ignorer les faits de harcèlement moral. "Il y a eu des alertes de salariés, des rapports de cabinets indépendants qui décrivaient Madame Baptiste comme épicentre du problème".
Gaby Charroux, comme tous les élus de Martigues, a également reçu par mail une alerte de Jean Sansone, le président de SOS corruption 13.
Dans un mail adressé au personnel de la Semivim et que nous avons pu consulter, Gaby Charroux qualifie cette alerte " d'entreprise violente de déstabilisation" et nie tout problème de gestion du personnel.
Concernant les faits de corruption, Xavier Monier émet deux hypothèses : "S’il n’est pas au courant et c’est un problème d’incompétence, soit il est au courant et c’est de la complicité. Je ne suis pas juge, je ne peux pas trancher."
Un scandale qui éclabousse toute la ville
Les salariés de la Semivim sont les premières victimes de ce système. En plus du climat tendu, à cause de la mauvaise gestion de leur entreprise, ils ne toucheront pas cette année leur prime annuelle.
Mais le problème va bien au delà estime Jean Sansone. "Quand les travaux de réhabilitation des HLM sont fait par des sociétés qui versent des pots de vin, les travaux sont mal faits et ce sont les locataires qui en pâtissent".
Plus largement le système de corruption de la Semivim détourne de l'argent public. "C'est notre argent qui part dans leurs poches, rappelle Jean Sansone, ce sont des routes goudronnées, des écoles en moins."
" On a ici tous les ingrédients d'une comédie clientéliste, comme l'affaire des frères Guérini, ou Balkany à Levallois-Perret", estime pour sa part Xavier Monnier, La corruption, un scandale qui n'est pas propre à Martigues.