L'été s'annonce chaud sur le front des incendies. Les pilotes de la Sécurité civile ont déposé un préavis de grève pour le 1er juillet. Salaires, primes, reconnaissance des risques, manque de moyens, les pompiers du ciel tirent la sonnette d'alarme.
Le 1er juillet, Canadair et Dash de la Sécurité civile resteront-ils cloués au sol sur leur base à Nîmes ? C'est la menace qui plane sur la région Paca.
La colère gronde depuis septembre. Jusque-là dans une certaine indifférence. Mais à trois mois d'une saison estivale qui s'annonce à haut risque sur le front des incendies, les pilotes ont monté le ton.
"Ça fait des années que nous tirons la sonnette d'alarme, rappelle Stéphan Le Bars, secrétaire général du syndicat national des personnels navigants de l'aéronautique civile (SNPNAC). Ça fait des années que nous demandons à ce qu'on reconnaisse notre travail, à ce que les pilotes n'aillent plus au feu sans être payés, on n'a jamais été écoutés."
Un préavis de grève a été déposé pour le 1er juillet, premier jour de la saison des feux pour ces pompiers du ciel.
"On adore notre métier, voler ça fait partie de notre ADN, donc déjà, dire "on ne sort pas les avions", en tant que pilote, ça nous fait mal", précise Stéphan Le Bars.
Le syndicat dénonce la centralisation de la gestion financière à Paris depuis trois ans, qui a engendré de multiples dysfonctionnements, notamment des retards importants dans le versement des primes de vol qui représente 65 % du salaire.
"Des retards de quatre mois, six mois", indique le secrétaire général du SNPNAC, et jusqu'à 10 ou 20 % manquants sur la fiche de paie.
"Ici l'angoisse, c'est le 25-26 du mois, on voit tous les mecs au boulot regarder leur portable en attendant que la paie tombe sur l'application de la banque, je n'ai jamais vu ça!".
Pour Stéphan Le Bars, ces manques à gagner récurrents sont générateurs de tensions et de stress pour les pilotes, et des facteurs de risques supplémentaires en vol. "Les gens arrivent avec des soucis, nous, on a besoin d'avoir des gens qui montent dans les avions en étant sereins, apaisés et tranquilles".
Les 88 pilotes de la Sécurité Civile se battent aussi pour faire reconnaître qu'ils risquent leur vie. Le syndicat rappelle que les noms des 34 pilotes morts en service aérien commandé sont gravés dans le marbre, à l'entrée de leur base.
Notre métier n'est toujours pas reconnu comme un métier à risque, c'est juste incroyable... c'est quelque chose qui doit être rapidement réglé.
Stéphan Le Bars, secrétaire général SNPNAC
"Pour nous, y a rien, on est pilote, si demain je n'ai plus ma visite médicale à jour parce que j'ai un problème, la direction me dit "merci au revoir", je n'ai pas de capacité de reclassement dans mon administration", ajoute Stéphan Le Bars.
Le syndicat demande aussi la reconnaissance du statut de personnel navigant pour le personnel sécurité cabine. "Les statuts ne peuvent être pris à la légère dans une activité comme la nôtre", insiste Stéphan Le Bars.
Autre problème primordial soulevé par le syndicat : la flotte. Depuis dix ans, il réclame des avions pour l'entraînement des pilotes. "Quand ils partent au feu, il n'y a plus d'instruction", résume Stéphan Le Bars.
Coup de pression avant l'été
Perdus au milieu des 290.000 agents de leur tutelle, le ministère de l'Intérieur, les 88 pilotes de la Sécurité Civile ont du mal à peser.
"Sauf quand on dit, cet été il n'y aura pas d'avion, corrige Stephan Le Bars, là on se rend compte qu'on est une arme, une assurance plus qu'utile".
Surtout que l'été qui arrive à déjà de quoi inquiéter ce spécialiste de feux de forêt. "Quand je vois l'état des dernières pluies, néant pour les deux derniers mois, quand je vois ce matin 14 degrés à 8h du matin, un vent qui souffle entre 50 à 60 km/h dans le Var, on a eu du vent d'est et du vent de sud pendant trois semaines qui a séché les végétaux, moi je suis très très inquiet".
Dans un tel contexte et face à la détermination des pilotes, la direction de la Sécurité civile s'est engagée sur un protocole d'accord. Il doit être signé au plus tard le 26 avril.
Les pilotes ont notamment obtenu un contrôle mensuel et trimestriel et non plus annuel sur le versement des salaires, le respect des primes de vols, les recrutements, les passages de niveau et d'échelon.
Une première avancée, "mais on ne lâche pas la pression", avertit Stéphan Le Bars, qui attend de voir ce qui ressortira des discussions qui seront menées au cours de 15 prochains jours.
Depuis dix ans, chaque été a été marqué par un incendie dévastateur. En août 2021, 7.000 hectares de végétation sont partis en fumée à Gonfaron, dans le massif des Maures. C'est le plus gros feu de ces 30 dernières années dans le Var.
Pendant sept jours, les pompiers ont combattu les flammes appuyés par les Canadair. Le feu a fait deux morts et une vingtaine de blessés.