5 questions au photographe Raymond Depardon

Chaque semaine, une personnalité répond à 5 questions et propose une photo. Raymond Depardon inaugure ce nouveau rendez-vous sur notre site. A 72 ans, le photographe- documentariste propose une exposition de 137 photos au Mucem. L’entretien a lieu dans la galerie où sont exposées ses oeuvres..

• Votre première photo ?

Ma maman ou un chien, je ne suis plus très sûr. Un animal de la ferme. J’avais 10-12 ans, l’appareil appartenait à mon frère, c’était un 6X6 de marque Lumière. Et c’est un cousin qui l’a développée. Après, je participais à des tournois de foot et je faisais des photos. Tout le monde m’en demandait. Je les développais moi-même. Ce n’était pas facile, l’eau est très claire en France et cela faisait parfois des rayures sur la pellicule.

• Quand avez-vous su que vous alliez devenir photographe ?

Mes parents ont su avant moi que je n’allais pas reprendre la ferme. Elle faisait 40 hectares, avec de la polyvalence. De la culture, maïs, blé et des animaux. Cela n’existe plus  aujourd’hui. Ce n’est plus viable. J’ai passé mon certificat d’études. J’étais bon au catéchisme aussi. Peut -être étais-je un peu mystique ?
En 1958 (il avait 16 ans), je suis parti. J’avais écrit à des photographes, un Marseillais qui travaillait à Paris, Louis Foucherand m’a accueilli. Mes parents étaient effondrés. J’avais remarqué que les photos de Brigitte Bardot étaient très recherchées. J’ai appris que son mari, Jacques Charrier était hospitalisé, j’ai planqué devant la clinique ou il se trouvait et j’ai vu arriver BB dans une Floride dans une belle robe Vichy. Avec mon premier salaire, je me suis acheté un scooter (en photo dans l’exposition). Ensuite, je suis parti en Algérie. On embarquait à Marseille. Marseille, c’était l’antichambre d’Alger, l’Eden. La palmeraie où il faisait bon vivre.

• Quel est l'endroit de Marseille que vous préférez ?

La Joliette. Il y avait une cabine téléphonique où je donnais le dernier coup de fil aux fiancées. On ne pouvait plus téléphoner une fois en Algérie. La place a changé mais elle est toujours très vivante. J’ai une grande tendresse pour cette ville. Je viendrai peut être y vivre un jour (il habite actuellement en région parisienne). C’est une capitale, tournée vers l’avenir. Je dirais presque une ville orientale. Marseille me rappelle Alexandrie.

• Vous avez également réalisé des films, des documentaires. Près de soixante ! C’est rare des photographes qui passent à la caméra tout en continuant à faire des photos.

Oui, c’est rare. Des photographes sont devenus cameramen ou réalisateurs mais très peu font les deux. Filmer et photographier, ce n’est vraiment pas la même chose. Avec mes films, je voulais être libre. J’ai fait des films engagés. Ceux que je voulais. Sans avoir le souci de devoir en vivre.

• Avec quel(s) appareil(s) travaillez-vous ?

Un Leica et un Rollei. Pas de numérique. Avec de la pellicule. Le Leica, c’est dur. Le Rollei est un appareil un peu féminin, il crée une connivence avec les gens que l’on photographie. Parfois, je prenais des photos un peu volées avec et lorsque les gens s’en apercevaient ils venaient me voir et me parlaient du Rollei, me demandaient à la voir.

Exposition Depardon au Mucem du 29 octobre au 2 mars 2015