Deux frères, auteurs présumés d'un triple homicide sur fond de trafic de drogue à Marseille sont jugés à partir de demain devant les assises des Bouches-du-Rhône. Ils encourent la perpétuité. Leur procès s'ouvre ce mercredi à Aix-en-Provence et doit durer jusqu'au 18 décembre.
Les faits remontent à Noël 2011. Une voiture est incendiée dans une pinède au nord de Marseille. Trois cadavres sont sur la banquette arrière. Les trois hommes ont été tués par balle pour le contrôle d'un trafic de drogue. Quatre ans plus tard, les auteurs présumés de ce "barbecue marseillais" risquent la perpétuité devant les assises des Bouches-du-Rhône.
Avant de mourir, Sonny Albarello, 20 ans, a garé sa voiture cité Bassens, dans les quartiers nord de Marseille. Les connaisseurs appellent
ce point de deal "le drive" : comme au fast-food, pas besoin de descendre de voiture pour être servi. Albarello a rendez-vous. Il est un acheteur en gros et vient pour "affaires". Selon les témoignages recueillis par les enquêteurs, avec ses compagnons Nouri Oualan et Mohamed Bouhembel, 19 ans chacun, ils ont emporté dans leur Audi 60.000 euros en billets. De quoi refaire les stocks de cannabis de leur propre réseau de revente.
Un guet apens
Oualan et Bouhembel sont assis à l'arrière. Bâtiment scolaire désaffecté, voie de chemin de fer, le genre de lieu où les rares voisins ne s'inquièteront pas du bruit des armes à feu. L'endroit tout trouvé pour un guet-apens. Selon le déroulé des faits retracé par l'accusation, le tireur, installé sur le siège passager, a fait feu à quatre reprises, dont une dans la tête, sur Albarello. Avant de se tourner de quelques degrés pour exécuter, toujours au 9 mm, Oualan et Bouhembel, sur la banquette arrière.Le corps d'Albarello est basculé vers l'arrière, entre ceux des deux autres victimes, libérant le siège conducteur. En route, avec les trois cadavres, pour les Pennes-Mirabeau, sa pinède et ses routes isolées, à 10 km plus au nord. Le feu doit y effacer les traces du crime.
Le "barbecue" est un mode opératoire régulièrement constaté dans les règlements de compte à Marseille, tant pour échapper à la police que
pour impressionner les rivaux. Mais dans cette affaire, à force d'écoutes téléphoniques et de recueil de témoignages, la plupart sous "X", les enquêteurs sont convaincus d'avoir retrouvé les auteurs et le commanditaire du triple meurtre.
Contrat à 150.000 euros
Les frères Abdelatif et Mohamed Laribi, 25 et 26 ans, risquent la prison à perpétuité pour "meurtres en bande organisée", comme celui que les enquêteurs désignent comme le commanditaire, Sami Ati, 33 ans, qui comparaîtra pour "complicité" de ces crimes. Plusieurs procès-verbaux témoignent de la haine que se vouaient Albarello et Sami Ati, qui faisait figure de "boss" local de la drogue. Albarello était l'un de sesanciens affidés.
Alléché par le juteux trafic, il s'était émancipé et entendait faire de l'ombre à son ex-mentor, ce qui lui aurait valu la mort. Dans les mois précédent le triple meurtre, les armes avaient déjà parlé, Albarello blessant Ati par balles. Ce dernier avait lancé un "contrat", à 150.000 euros, sur la tête de son rival. Selon l'enquête, il aurait chargé les frères Laribi, les "gérants" du drive de Bassens, d'en finir avec Albarello.
Signe de l'extrême tension qui régnait, Bouhembel, l'une des victimes, se déplaçait vêtu d'un gilet pare-balles, à la surprise des policiers qui l'avaient contrôlé deux jours avant sa mort. Pour les magistrats instructeurs, "le triple homicide s'inscrit dans une lutte sans merci eu égard aux enjeux financiers entre deux groupes rivaux pour la mainmise" sur un réseau de trafic de drogue dans les quartiers Nord de Marseille.
La défense, de son côté, a dénoncé au cours de la procédure une enquête reposant quasi-exclusivement sur des témoignages anonymes. L'un des rares témoignages à visage découvert est celui de la mère de Bouhembel qui, bravant la loi du silence, a mis les enquêteurs sur la piste des frères Laribi.