EXCLUSIF : Comment une fiche «S» passe à travers les mailles du filet

Au mois d'avril à Marseille, les policiers mettent la main par hasard sur un individu faisant l'objet d'une fiche "S". Il est actuellement en liberté sans que l'on puisse le localiser. Comment, 3 mois après les attentats de janvier à Paris, les services spécialisés ont-ils pu le laisser filer?  

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Le 21 avril, à Marseille dans le 8ème arrondissement, peu avant quatre heures du matin, un homme portant capuche, foulard, lunettes de soleil, et gants s’affaire devant un distributeur automatique de billets. La nuit est fraîche à la Vieille Chapelle, en bord de mer. Au même moment, une patrouille de la BAC passe dans le quartier. Les policiers intrigués par l’attitude et la tenue vestimentaire de l’homme décident de le contrôler. A leur vue, l’individu, qui marche tête baissée, accélère le pas, tente de dissimuler un objet dans la poche de son pantalon et lance des coups d’œil furtifs en direction de ses poursuivants.

 

Fiche "S"

L’interpellation se fait sans incident. La fouille est fructueuse. Dans la poche du pantalon se trouve 900 euros et une carte Visa, provenant d’un organisme de crédit, au nom de Pascal S. L’individu déclare s’appeler Samy A., être né à Clermont-Ferrand le 27 juillet 1984 et demeurer à Roubaix. En vérifiant l’identité du jeune homme, les policiers découvrent qu’il fait l’objet d’une fiche de recherche pour documents non restitués, suite à une décision ministérielle du 9 mars 2015, faisant état de «son adhésion aux thèses les plus extrémistes de l’Islam…qu’il évolue au sein d’un groupe d’islamistes radicaux présents à Roubaix dont plusieurs membres ont rejoint ou tenté de rejoindre la Syrie pour y mener le Jihad», et d’une fiche « S » (Sûreté de l’Etat) n°S13075…, précisant  «Individu susceptible d’appartenir à la mouvance islamiste radicale internationale" et lui refusant " la délivrance ou le renouvellement du passeport". Et de poursuivre :"le déplacement de l’intéressé à l’étranger est de nature à compromettre la sûreté nationale ou la sûreté publique(...)" . Il fait également l’objet d’une interdiction de sortie de territoire pour une durée de 6 mois.

Garde à vue

La garde à vue commence. Il est quatre heures du matin. Une demi-heure plus tard, les enquêteurs appellent l’officier de garde de la DGSI (Direction Générale de la Sécurité Intérieure). Le fonctionnaire de permanence demande à ses collègues de lui envoyer par fax le début de la procédure concernant Samy A. Même démarche auprès de la DGPN (Direction Générale de la Police Nationale). L’officier de garde fait parvenir par mail les documents nécessaires à l’exécution d’une fiche de recherche concernant Samy A. et indique que le suivi devrait être effectué aux heures ouvrables par le service concerné. Les services spécialisés se contentent de traiter administrativement ce dossier.
Lors de premières auditions, le jeune homme est peu bavard, il ne répond pas aux questions. Entre temps, un capitaine de police de l’Unité de Coordination de la Lutte Anti-Terrorisme (l’UCLAT)  prend contact avec les enquêteurs et donne instruction de récupérer auprès de l’intéressé ses documents d’identité, et en cas d’impossibilité de les récupérer, de lui notifier qu’il doit les restituer dans les plus brefs délais.

Les auditions reprennent

- Question : Comment êtes-vous venu à Marseille ?
- Réponse : Je souhaite garder le silence à ce sujet.

Sofinco, l’organisme de crédit figurant sur sa carte bancaire, indique que le compte a été ouvert au nom de Pascal S. demeurant au 93, boulevard des neiges dans le 8ème arrondissement de Marseille, et qu’un crédit de 5 300 euros a été accordé à l'intéressé avec une carte de crédit adossée au compte.

Perquisition

Le lendemain, 22 avril, le logement marseillais où vivait Samy A. est perquisitionné. Les enquêteurs découvrent une dizaine de cartes bancaires avec des noms différents (certaines portant des identités volées ou fausses), des documents frauduleux, quatre ordinateurs portables, un routeur, des téléphones mobiles, 1500 euros et des ouvrages sur l’Islam.
A l’issue de ces découvertes, le jeune homme choisit de s’expliquer sur l’ouverture des comptes bancaires : "par rapport à une annonce de location pour avoir des documents, j’ai mis une annonce pour offrir un appartement à louer et du coup, j’ai utilisé le dossier qui m’a été envoyé… j’ai juste modifié l’adresse sur ces documents pour mettre la mienne, en l’occurrence le 93, Boulevard des neiges ». Au sujet du matériel informatique et des téléphones, il ne donne pas ou peu d’explications.
La garde à vue prend fin. Samy A. est déféré au parquet de Marseille. Une enquête pour escroquerie est ouverte.
D’après nos informations, le jeune homme serait actuellement sous contrôle judiciaire.
Pour obtenir plus d’éléments, sur cette affaire, nous avons contacté le préfet de police de Marseille qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, "ne pouvant pas communiquer sur ce cas."
JFGiorgetti. France 3 Provence Alpes.









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