Les essais cliniques d'un vaccin curatif contre le sida vont commencer à Marseille auprès de 48 séropositifs volontaires, un nouvel espoir dans la lutte contre le virus même s'il faut rester "très prudent", a annoncé mardi le professeur Erwann Loret, à l'origine de l'expérimentation.
"Ce n'est pas la fin du sida. Ce n'est même pas le début de la fin du sida", souligne le chercheur, même si l'espoir est, à terme, de remplacer la trithérapie, aux effets secondaires souvent très lourds, par une piqûre. "Pour les patients, ne plus avoir à prendre une trithérapie, ce serait déjà un progrès", estime M. Loret, qui présentait, mardi à l'hôpital de la Conception l'essai clinique autorisé le 24 janvier par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l'agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) prône également la prudence: "il faut être prudent dans les messages que nous donnons aux patients et au grand public", a-t-il déclaré au cours d'une conférence de presse téléphonique. "Si tout marche bien, on peut imaginer que certains patients contrôleront leur virus", a expliqué le Pr Delfraissy. Il a toutefois estimé que le vaccin marseillais n'allait "pas remplacer la trithérapie" mais seulement permettre de "s'en passer
pendant quelques mois".
La cible des essais marseillais est une protéine dénommée Tat (pour "transactivating", ndlr). Chez les personnes séropositives, elle joue le rôle de "garde du corps des cellules infectées", explique le professeur Loret. Or, leur organisme n'est capable ni de la reconnaître, ni de la neutraliser, ce que le vaccin testé vise à permettre.
Quarante-huit patients séropositifs et sous trithérapie participeront à l'étude.
Les essais commenceront dans quelques semaines, le temps de sélectionner les volontaires, de leur expliquer les risques de l'expérience et d'obtenir leur consentement éclairé. Ils seront ensuite divisés en quatre groupes de 12: trois recevront les vaccins à des doses différentes, le quatrième un placebo. Le tout sera fait en "double aveugle", c'est-à-dire sans même que la responsable du protocole sache qui a reçu quel traitement. Les premières ébauches de résultats sont attendues d'ici cinq mois. Les patients seront vaccinés trois fois, à un mois d'intervalle. Puis ils devront arrêter leur trithérapie pendant deux mois. "Si au bout de ces deux mois, la virémie (le taux de virus dans le sang, ndlr) est indétectable", alors l'étude remplira les critères établis par l'Onusida, précise le professeur Loret. En cas de succès, la troisième phase de l'étude pourra commencer: élargir le nombre de personnes vaccinées pour arriver à un échantillon statistiquement significatif. Ce seront alors 80 personnes qui participeront aux tests, une moitié recevant levaccin, l'autre un placebo. Il faudra donc encore plusieurs années pour savoir si ce vaccin constitue ou non une avancée. Pour Marie Suzan, présidente régionale de l'association Aides de lutte contre le sida, il est donc sage "d'attendre de voir ce que cela va donner, il est trop tôt pour s'emballer".
"Beaucoup d'essais vaccinaux existent et très peu accèdent à l'étape supérieure. Je voudrais appeler à la prudence, même s'il est normal que les malades s'accrochent à cet espoir", souligne-t-elle, ajoutant "qu'aujourd'hui, il ne faut pas perdre de vue que le seul moyen d'aller bien, c'est la trithérapie, un traitement très efficace".
Un fait que ne nie pas le professeur Loret, qui affirme cependant que "le vaccin est la seule approche thérapeutique viable". Parce que, explique-t-il, "rendre la trithérapie accessible à 40 millions de personnes touchées, c'est louable mais probablement peu réaliste".
La société Biosantech de Sophia-Antipolis cherche, depuis deux ans, des financeurs à ce projet, exclusivement des particuliers.