Cinq ans de prison dont 2 avec sursis et un million d'euros d'amende ont été requis lundi 5 décembre contre Ange-Roméo dit "Lino" Alberti, principal prévenu, du procès devant le tribunal correctionnel de Marseille pour corruption, blanchiment et fraude.
Le parquet a dénoncé dans ses réquisitions "le pourrissement de l'activité économique" dû aux agissements présumés du principal prévenu, "un personnage dangereux". "Lino Alberti, c'est un peu l'ami qui vous veut du bien, il aime beaucoup de monde et après, c'est un peu la descente aux enfers pour tout le monde", a estimé l'une des représentantes du parquet, Sophie Mercier. Son collègue Ludovic Leclerc l'avait qualifié de "personnage de roman".
Ce self-made-man de 71 ans, né en Italie, aux relations multiples -élus, milieux d'affaires, entrepreneurs en bâtiment, mais aussi mafieux ou membres du grand banditisme présumés-, est le fil conducteur d'un vaste procès à plusieurs volets. Durant l'audience ont été évoqués les soupçons de corruption autour de la construction de la tour Odéon à Monaco, la plus haute de la principauté, d'abus de biens sociaux et de blanchiment de fraude fiscale pesant sur des membres de la famille de l'ancien sénateur-maire (UMP) de Saint-Jean-Cap-Ferrat René Vestri, décédé depuis, et de faux, usage de faux et de fraude fiscale dans le cadre du chantier du Grand Hôtel du Cap Ferrat.
Dans le volet de la tour Odéon, le parquet a requis trois ans de prison avec sursis et trois ans d'inéligibilité à l'encontre de Gérard Spinelli, maire (DVD) de Beausoleil et deux ans de prison avec sursis contre les frères Paolo et Claudio Marzocco, les promoteurs. Les deux frères italiens et résidents monégasques sont poursuivis pour avoir payé M. Spinelli, par l'entremise de Lino Alberti, pour faciliter la construction de la tour.
Le procureur Ludovic Leclerc a également demandé 65.000 euros d'amende à l'encontre de M. Spinelli et 100.000 euros pour chacun des frères Marzocco, poursuivis respectivement pour corruption passive et corruption active.
Document dactylographié
Beausoleil a abrité une partie du chantier de construction et aujourd'hui s'y trouve "un espace paysager" dépendant de la tour. Les accusations reposent notamment sur un document dactylographié intitulé "accord du 19 mars 2009", saisi dans la villa de la compagne du principal prévenu."La corruption est un délit particulier, c'est un délit clandestin", a observé M. Leclerc, "c'est assez peu fréquent qu'on retrouve un pacte écrit, la traçabilité des flux d'argent, des aveux, des écoutes". La justice avait également saisi une enveloppe contenant 60.000 euros avec une
liste de montants et une inscription "ODEON GERARD", correspondant selon lui à Gérard Spinelli. Il a demandé au tribunal de retenir ce "faisceau d'indices" contre les prévenus.
Pendant l'audience, les frères Marzocco et Lino Alberti se sont renvoyé la paternité du document dont ils n'ont pas contesté l'existence. Les Marzocco ont toutefois nié avoir donné suite à cette "proposition de corruption", présentée selon eux par Lino Alberti.
"Il n'y a aucun élément, c'est une construction", a plaidé l'avocat du maire de Beausoleil François-Xavier Vincensini, selon lequel le "Gérard" mentionné sur l'enveloppe n'est pas Gérard Spinelli, mais Gérard Comte, responsable de l'ancienne société de Lino Alberti, dont il est resté administrateur.
Dans le volet de blanchiment de fraude fiscale et abus de biens sociaux des membres de la famille Vestri où là encore, Lino Alberti est soupçonné d'avoir joué le rôle d'intermédiaire aidant à la mise en place de flux financiers passant par la Suisse pour soustraire de l'argent au fisc, le parquet a requis trois ans de prison avec sursis à l'encontre de l'épouse Lucette et de la fille Olivia du sénateur décédé.
"Depuis longtemps, les fonds des époux Vestri passent sur les comptes suisses de Lino Alberti", a dénoncé Mme Mercier. "C'est un système bien rôdé et très sophistiqué", a-t-elle dénoncé.