PORTRAIT. Lançon-de-Provence : Laetitia éduque les chiens pour devenir guides d'aveugles

Les écoles de chiens guides d'aveugles ouvrent leurs portes au public ces 24 et 25 septembre. L'une d'elle est à Lançon-de-Provence (Bouches-du-Rhône). Nous y avons rencontré Laetitia, éducatrice depuis 14 ans. Elle nous dit tout de son métier passion.

Summer, Rio, Twist… Ils ont tous le même point commun. En plus d'avoir une bouille à croquer, ils sont tous en formation pour devenir chien guide d'aveugle, à Lançon-Provence, dans les Bouches-du-Rhône. Et qui dit formation, dit éducateurs. 

Cela fait 14 ans que Laetitia éduque des chiens, et cinq ans qu'elle travaille au sein de l'Association Les chiens guides d'aveugles de Provence Côte d'Azur Corse, à Lançon.

C'est au lycée qu'est née cette "vocation", lors d'un stage dans une école à Aix-en-Provence. "Je me suis dit 'je veux faire ça'", raconte l'éducatrice de 41 ans, sur la photo à droite.

Après avoir travaillé comme assistante vétérinaire un temps, Laetitia a été embauchée en 2008. S'en sont suivies trois années de formation au sein de l'association. "On apprend tout ce qui est pratique et technique".

Cette formation en interne rémunérée comprend également une partie théorique sur le comportement du chien à l'école de Cibeins, à côté de Lyon, ainsi qu'un volet sur la déficience visuelle, à la FAFF (Fédération des aveugles et amblyopes de France). "On apprend ce qui est lié à la pathologie, à la psychologie. On travaille également sur la locomotion"

Les promotions d'éducateurs de chiens guides ne sont jamais très grosses. Une dizaine de passionnés tout au plus. "Avant de devenir éducateur, nous avons tous un lien avec les métiers canins". Une amie de promo de Laetitia était titulaire d'une licence en psychologie également. 

La pré-éducation en famille d'accueil

Concernant la pratique, le travail au contact du chien débute dès son plus jeune âge. Les petits chiots arrivent au centre à l'âge de deux mois. Ils sont reçus une semaine.

Ce sont des labradors, des golden retrievers, des labradors croisés golden, ou plus rare, des caniches royal ou bergers allemands. Mâles ou femelles, peu importe. Tous issus du Cesecah, le centre d'élevage pour chiens guides et handi-chiens. "Nous effectuons une sélection rigoureuse"

Ils sont ensuite placés en famille d'accueil. "Elle tient un rôle très important : socialiser le chiot, lui apprendre les bonnes manières en maison, ne pas monter sur le canapé ou le lit par exemple", explique Laetitia.

Les familles d'accueil sont elles-mêmes formées par les éducateurs. "Nous les accompagnons lors des déplacements en ville, nous leur apprenons le déplacement en laisse, comment se comporter quand on croise un autre chien, les escalators, s'asseoir au passage piéton..."

Un petit écolier à quatre pattes

Le chien reste en famille d'accueil un an. Mais à partir du 5e mois, le petit animal doit rentrer au centre une semaine par mois jusqu'à son premier anniversaire. "Mon rôle est d'observer comment il se comporte, de lui donner les prémisses de l'éducation." 

A la fin de chaque semaine en centre, Laetitia fait le point avec la famille d'accueil. "On a un cahier technique, comme son petit cahier scolaire", décrit l'éducatrice. "On résume les objectifs à travailler". Le chien rentre tous les week-ends au centre. "En internat la semaine, le week-end chez ses parents", dit-elle, amusée.

A l'âge d'un an, idéalement, le chien rentre en éducation, du lundi au vendredi. Un vrai petit écolier. Bien sûr, des temps de repos sont prévus chaque jour.

"C'est un travail de patience. Il faut savoir concentrer le chien".

Laëticia, éducatrice chiens d'aveugles

Laetitia lui enseigne tout ce qui est apprentissage avec le harnais. "On lui apprend toutes les techniques : s'asseoir au passage piéton, donner les directions, les remontées de trottoir, chercher les portes, des escaliers, contourner les obstacles, comme une voiture garée sur le trottoir."

Les éducateurs travaillent beaucoup à la récompense, comme des croquettes, et surtout par la répétition. Jusqu'à ce que le chien intègre les réflexes. Au total, le chien répond à 50 ordres une fois formé.

"C'est un travail de patience. Il faut savoir concentrer le chien". Et chacun a son petit caractère. "Certains sont plus distraits, certains plus motivés que d'autres". 

Et parfois, ça ne fonctionne pas. Et dans ce cas-là, le chien doit quitter la formation, il est "réformé". "On a réformé un chien car il était très attiré par d'autres chiens. Même si on a travaillé, il avait une pulsion plus forte que lui."

20% des chiens en formation sont réformés. Cela peut être lié au comportant mais également à ses problèmes physiques comme des problèmes de peau. 

"Nous devons remettre des chiens en bonne santé et au comportement exemplaire. Des petits athlètes". 

L'épreuve finale du certificat d'aptitude

Que deviennent les petites boules de poils lorsqu'elles sont réformées ? Elles peuvent être replacées à Canidea pour devenir des chiens de médiation pour les personnes diabétiques, autistes ou en Ephad, par exemple. 

Si le profil ne convient pas, les chiens peuvent être adoptés par la famille d'accueil initiale. 

Pour tous les chiens qui ont poursuivi leur formation, jusqu'au bout, (six à huit mois), c'est l'épreuve du bac pour toutou : le certificat d'aptitude. 

Laetitia et le chien qu'elle a éduqué ont alors trois épreuves à passer. La première en ville : "Je porte un bandeau pendant une heure et je donne les indications au chien". 

Le duo déambule pendant une heure, rencontre des obstacles. "Mon chien doit faire le minimum d'erreur. Sinon on est recalés (rire)". 

Il y a également une évaluation dans la campagne et une épreuve d'obéissance, dans un parc. "Position, assis coucher debout pas bouger..."

Savoir former le bon duo maître-chien

Si le chien obtient son certificat, le travail de l'éducateur ne s'arrête pas là. Laetitia étudie les dossiers des personnes malvoyantes ou aveugles pour choisir celle qui correspond le mieux au chien. Et vice versa. 

"Je connais mon chien depuis l'âge de deux mois et j'ai fait toute son éducation. Je sais que s'il est plutôt rapide, il pourrait convenir à une personne sportive, plutôt jeune."

Pour chaque personne, un dossier de candidature est évalué. Psychologie, cadre de vie, autonomie, "tout est pris en compte". D'autres critères sont également pris en compte : la présence de chats ou d'enfants. 

Quand il y a un "match" entre une personne et le chien, il faut à présent faire un test, à domicile. Laetitia est présente, pendant deux jours. "Je regarde la prise en main, l'allure de marche, si le contact se fait bien". 

"Dans la majorité des cas, tout se passe bien", assure Laetitia. Mais ce n'est pas tout à fait terminé. 

Un suivi jusqu'à la retraite

La personne handicapée vient une semaine au centre, logée. Elle dort dans la même chambre que le chien. "C'est important, ce test coupé du contexte familial. Le lien se crée à ce moment-là."

La deuxième semaine, Laetitia est présente au domicile de la personne malvoyante. "On apprend les nouveaux trajets, tous les déplacements du quotidien. J'explique tout, je donne des conseils".  Si la personne a pris des habitudes avec un autre chien auparavant, il faut parfois rectifier. 

Et puis, vient la fin de ces deux semaines. Le dernier jour, Laetitia est cachée et observe à distance. Si tout va bien, "on signe le contrat". 

L'association reste propriétaire du chien mais la personne s'engage à lui fournir des soins. Le chien bénéficie d'un suivi vétérinaire tous les ans, et d'un rendez-vous annuel avec l'éducateur, "tout un suivi rigoureux". Pendant huit ans, jusqu'à la retraite du chien. 

C’est à l’éducateur de pas trop renforcer un lien d’hyper attachement. On doit garder une distance.

Laëticia

Huit ans de lien avec son éducateur, aussi. Et quand il faut couper le cordon, ce n'est pas forcément évident pour l'éducateur. Laetitia est bien consciente de sa place et de son rôle : "Ce chien ne m’appartient pas. Je suis juste éducatrice. C’est à l’éducateur de pas trop renforcer un lien d’hyper attachement. On doit garder une distance".

Laetitia Gatineau est guidée par sa passion, celle de travailler au contact des chiens et des personnes déficientes visuelle.

"L'important, c'est le lien social qui se crée. Lorsqu'une personne passe de la canne au chien, il se passe de belles choses. Comme cette personne qui m'a confiée que son voisin lui disait bonjour, désormais". 

Et quand l'un est adopté, un nouveau chiot est prêt à être formé. "Chaque année, nous remettons une vingtaine de chiens guides. Cela dépend du nombre de réformes".

L'association fête ses 50 ans cette année. 651 chiens guides ont été remis depuis le début de l'aventure, gratuitement.

Chaque chien coûte autour de 25.000 euros à l'association, financée en très grande partie par des dons et des legs.

En tout, il existe 16 associations de chiens guides d'aveugles en France, fédérées entre elles, pour environ 150 à 200 éducateurs. Mais mieux se faire connaître, les antennes de l'association propose des portes ouvertes ce samedi 24 et dimanche 25 septembre, comme à Lançon-de-Provence.

Au programme : des démonstrations, des parcours d'obstacles, une séance d'obéissance, une tombola et bien d'autres activités. Et bien sûr, c'est le moment de rencontrer les toutous guides d'aveugles en herbe. 

l'Association Les chiens guides d'aveugles de Provence Côte d'Azur Corse est également présente à la Foire Internationale de Marseille pour présenter le travail de ses éducateurs et de leurs chiens. 

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