Témoignages. "Nous sommes les sherpas des premiers de cordée qui dépensent leur argent sans compter", réactions des maires au budget 2025

Publié le Écrit par Sidonie Canetto

Le gouvernement a dévoilé ce jeudi 10 octobre son projet de budget pour 2025. Près de 60 milliards d'euros d'économie sont prévus. Cela implique des hausses d'impôts, mais aussi un effort collectif demandé aux collectivités. Pour les communes, la décision a du mal à passer, comme en témoignent les présidents des associations des maires des Hautes-Alpes, des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse et des Alpes-de Haute-Provence.

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Pour ramener le déficit public de 6,1 % à 5 % l’an prochain, Antoine Armand le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie et Laurent Saint-Martin, ministre du Budget et des Comptes publics ont annoncé près de 60 milliards d'économie ce jeudi 10 octobre. Un projet de loi de finances qui va impacter les communes dans leur budget de fonctionnement et d'investissement. Un nouvel effort pour la nation, qui a du mal à passer pour des maires qui estiment qu'on leur en demande toujours plus. 

"Marre, qu’on soit les boucs émissaires"

"Depuis 35 ans, ils s’offrent le luxe de ne pas équilibrer le budget et nous imposent à nous de le faire, nous respectons la règle d’or qu'eux ne respectent. Nous, nous respectons nos habitants et eux ne respectent pas les Français", fulmine George Cristiani, maire de Mimet sans étiquette et président des maires des Bouches-du-Rhône. "Le déficit, c'est l'état qui le creuse et après on nous pointe du doigt alors que nous nos budgets sont tenus à l'euro près." Le sentiment de "colère et d'inquiétude" est partagé par la plupart des maires.

"C’est ingrat cette décision", insiste Daniel Spagnou, le maire de Sisteron et président des maires des Alpes-de-Haute-Provence. L’élu qui est maire depuis près de 45 ans et président depuis près de 30 ans, en a vu passer des gouvernements. " Il y en a marre, qu’on soit les boucs émissaires et qu’on nous accuse de faire partie de ceux qui font le trou de l’état alors que nous, on gère bien nos communes. Les collectivités ne sont pas endettées, l’État oui, et les collectivités doivent supporter une partie de cet endettement".

"On est prêt à rendre nos écharpes symboliquement"

"On nous dit que le maire est le pilier, le socle des collectivités locales et en fait, on est dénigré. On est toujours au front et en fait, on a l’impression que l’État, sans discernement, va mettre en grande difficulté certaines communes de France" ajoute Daniel Spagnou. "On est prêts à rendre symboliquement notre écharpe, pour dire stop". Et il est rejoint en ce sens par George Cristiani. Si les députés de tous bords ne défendent pas les communes, un jour les maires vont se soulever”, prévient George Cristiani qui sent le ras-le-bol monter en puissance. "Si les députés ne mesurent pas le problème, l'importance de nous soutenir, de comprendre que les communes sont déjà dans un état grave, ça va être la catastrophe. Nous sommes les fondations de la France, de la nation, on ne peut pas tout tenir à nous seuls, sinon, cela va s'écrouler".

"Nous n’acceptons plus d’être le bouche-trou de leurs tonneaux des Danaïdes"

Tous sont unanimes sur les efforts déjà faits, "les communes ont déjà participé, depuis 2012-2013, à l'effort commun, avec la baisse des dotations de l’état, la loi SRU qui pénalise les collectivités, pour ne citer que cela. On est dans une approche de toujours plus de services pour les communes, pour le service public, comme investir dans les maisons de santé, on est là en proximité avec l’idée de servir nos citoyens, mais on n'est jamais reconnu", explique Pierre Gonzalvez, maire de l'Isle -sur- la -Sorgue, et président de l'association des maires de Vaucluse.

Les reproches pleuvent envers le gouvernement, "eux bavardent depuis 35 ans et nous, on travaille et après, les travailleurs deviennent les sherpas des premiers de cordée, qui dépensent leur argent sans compter", explique le maire de Mimet. 

Pour Jean-Michel Arnaud, président de l'association des maires des Hautes-Alpes, ancien maire de Tallard devenu sénateur, "bien sûr qu'on va être obligé de faire l'effort, mais il faut qu'il soit raisonné, en proportion, de la taille de nos communes".

"De nombreuses communes, ont été touchées déjà par des catastrophes naturelles, 53 au total, et les travaux engagés sont importants, avec le projet de loi de finance de moins rembourser les frais avancés en termes de TVA, cela va impacter les communes" précise très concrètement l'élu haut-Alpin. 

"En asphyxiant de la sorte les collectivités, l’État contrevient aux principes de décentralisation et de libre administration des collectivités territoriales, principes constitutionnels qui font pourtant la singularité de notre démocratie et la force de notre Service Public à la française. Mais surtout, à ce rythme, c'est l'ensemble de nos concitoyens qui seront les victimes de cette austérité imposée par un Gouvernement ultra-libéral déconnecté des réalités de terrain et dont l’action n’a pas été plébiscitée par les électrices et les électeurs lors des dernières élections législatives", détaille Gaby Charroux maire de Martigues. 

Pour lui, "l’austérité, parce qu’elle assèche nos services publics, est une impasse. Et ce qui se dessine en creux, c'est la mort des communes et des Services Publics municipaux pourtant essentiels à la qualité de vie des habitants".

“On aimerait être aimé par le pouvoir en place”

"Ils étaient bien contents de nous trouver pendant la crise des gilets jaunes, pour organiser les réunions publiques. Ils étaient bien contents de nous trouver pendant le covid, quand on a continué à faire marcher les services municipaux et maintenir la démocratie. Quand on a besoin de nous, on sait nous trouver, mais ils oublient vite et nous laissent tomber", s'agace Daniel Spagnou. 

" On ne va pas tenir si on nous asphyxie", déplore George Cristaini. "Regardez ce que nous faisons et appliquez-vous à vous-même", insiste Pierre Gonzalvez pour démontrer que les maires sont de bons gestionnaires.

"On est sur le front 7 jours sur sept, 24/24h avec nos administrés, nous, on sait qu'il faut chauffer les écoles, recruter des policiers municipaux, investir, gérer, et avec le prix de l'électricité qui augmente, comment voulez-vous qu'on tienne nos budgets sans augmenter les impôts, c'est l'État qui gaspille et ce seront nous les méchants qui augmentent les impôts, alors que le problème, c'est l'État, depuis 35 rien n'est fait pour stopper la dette", déplore George Cristiani. 

"On aimerait être aimé par le pouvoir en place" cette phrase revient souvent dans les conversations avec les maires", indique Daniel Spagnou. "Chirac aimait les maires, on a l’impression que nous ne sommes pas appréciés à notre jute valeur et reconnu pour notre travail", se désole l'élu des Alpes-de-Haute-Provence. "heureusement qu’on a des relations privilégiées avec les préfets. On n'est pas reconnu, plus du tout apprécié, alors que le peuple et les Français nous mettent en tête des hommes politiques, et soutiennent les maires. On a au moins ce réconfort de la population, aucun réconfort du gouvernement et des hommes politiques de Paris". 

"Ils ne se demandent jamais comment économiser, juste comment récupérer de l’argent"

“On est dans une situation similaire à celle d’une famille humble française. On cherche à économiser de l’argent, pour dépenser le moins possible et pouvoir investir pour notre avenir, alors qu’au niveau national, il suffit d’augmenter les impôts, sans se priver, c’est ça qui nous insupporte. Pour nous, franchement, 1 euro, c'est 1 euro, c’est une nécessité, pour eux c’est un concept, ils ne se demandent jamais comment économiser, juste comment récupérer de l’argent. Nous, c'est l'avenir de nos administrés qui est en jeu", détaille George Cristiani. 

"Dans les ministères, ils se prélassent sous les dorures de la République, qu’ils travaillent un peu comme nous, on travaille", ajoute l'élu des Bouches-du-Rhône, très en colère. 

Outre le montant et la méthode, le calendrier pose un problème aux élus. La plupart des grandes villes ont de fait déjà arbitré leur budget pour 2025. 

Les débats en commission des finances à l'Assemblée nationale débuteront mercredi.

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