Dans l’archipel des Baléares, l’île de Cabrera est un véritable joyau, protégé pour sa faune et sa flore. La beauté des lieux cache pourtant un lourd secret : Cabrera fut le théâtre d’une tragédie historique méconnue. Entre 1809 et 1814, plus de 11.000 soldats de Napoléon y furent déportés. Pendant cinq longues années, ces hommes seront complètement livrés à eux-mêmes et seulement 3500 prisonniers survivront à cet enfer à ciel ouvert. Deux cents ans plus tard, ce film s’intéresse à ces soldats déchus.
L’armée française est en Espagne. Napoléon nomme son frère José roi du pays. Le peuple espagnol se soulève et la France subit alors une lourde défaite lors de la bataille de Bailén en Andalousie ; un échec important pour les armées napoléoniennes et une victoire décisive pour les espagnols. Le Général Dupont accepte de signer la capitulation de la France, mais sous certaines conditions, dont celle de renvoyer les prisonniers dans leur pays.
L'Angleterre impose ses règles
Pour affaiblir l’armée de Napoléon, le royaume Outre-Manche, alors ennemi de la France, fait pression sur l’Espagne pour que les prisonniers restent sur le sol espagnol. L’Espagne ne sait que faire de ces hommes. Plus de 10.000 soldats seront finalement confinés dans d’anciens pontons du port de Cadix, avant d’être transférés sur l’Ile de la mort.
"Les malheureux étaient dépourvus de tout. Ils n’avaient aucune ressource" - Claude Camous, historien et écrivain
Le destin des prisonniers de l'armée Napoléonienne est alors scellé
Dépossédés de tout, ils sont déposés à Cabrera via plusieurs convois. Abandonnés, ces prisonniers français, belges, suisses, polonais ou encore italiens, périssent rapidement par milliers sur cette île-prison, infertile et inhospitalière.
Pour ceux qui réussissent à rester en vie et afin de faire face au désespoir, ils établissent alors, tant bien que mal, une forme de société, qui durera cinq longues années.
"Il y a une économie qui se reconstitue avec une monnaie de fèves, parce que de toute façon, les fèves qu’on leur donnait étaient immangeables" - Nathalie Petiteau, historienne et professeure d’université
Les survivants débarquent à Marseille
Après 5 ans de captivité, une flotte française arrive à Cabrera pour embarquer le reste des prisonniers et les ramener à Marseille.
"A l’annonce de leur libération, ils mettent le feu au camp" - Maria Magdalena Riera Frau, archéologue
En mai 1814, la cité phocéenne et le monde découvrent cette tragédie pour la première fois, lorsque les rares rescapés débarquent dans le port. Les marseillaises et les marseillais, abasourdis par l’état de misère et les récits de ces hommes qui reviennent de l’enfer, leur réservent un accueil chaleureux et généreux.
"Très vite, les habitants de Marseille prennent conscience de ce qu’ont vécu ces hommes" - Nathalie Petiteau, historienne et professeure d’université
"Ils sont rapatriés à Marseille. Le ministre de la guerre en place est le Général Dupont, celui même qui a signé la capitulation de Bailén. Ce dernier est enclin à faire tout son possible pour que le sort de ces hommes de Cabrera ne soit pas ébruité" - Nathalie Petiteau, historienne et professeure d’université
Le rôle important des marseillaises
Une fois les rescapés débarqués à Marseille, ils sont mis en quarantaine au Lazaret. Le projet est ensuite de les transférer sur les Iles du Frioul, prétextant une habitude à l’air de la mer. Pour les habitants de Marseille, ce serait comme les emprisonner une seconde fois. Leur sang « ne fait qu’un tour ». Les marseillais et particulièrement les marseillaises, réussissent à forcer les portes de l’établissement et libèrent les soldats. La foule se répand alors dans toute la ville.
"Les femmes ont été, je pense, l’élément moteur de cette accueil et de cette reconnaissance" - Claude Camous, historien et écrivain
Une histoire honteuse, occultée par les deux pays concernés jusqu'au 21è siècle
Ce film raconte l’histoire de ces « grognards », délaissés sur cet ilot des Baléares. Des hommes et quelques femmes, oubliés des autorités espagnoles et françaises, qui les ont abandonnés dans des conditions abominables ; oubliés aussi de la postérité, qui, longtemps se désintéressa de cette page d’histoire.
"Ces rescapés vont s’intégrer à la population de Marseille et ils ne feront pas parler d’eux, ni de leur souffrance, ce qui explique que, progressivement, l’oubli va s’installer et se prolonger" - Claude Camous, historien et écrivain
Cabrera, un secret révélé
Un film de 52’ de Luis Ortas
Une coproduction 13 Productions / France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur
Diffusion jeudi 13 octobre vers 22.50 sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur