Expérimentation du cannabis thérapeutique : bientôt des tests à l'hôpital de La Timone, à Marseille

Les députés ont adopté le 25 octobre un amendement pour expérimenter le cannabis thérapeutique. À Marseille, à l'hôpital de la Timone, des tests cliniques sont déjà en voie d'application. 

Après des années de turpitudes et de débats houleux, les députés ont tranché. Ils donnent leur feu vert à l’utilisation du cannabis à des fins médicales. Une expérimentation qui va durer deux ans et concerner environ 3000 patients.

Le cannabis thérapeutique pourra être prescrit chez des patients dits en "impasse thérapeutique", c’est-à-dire qui ne trouvent plus aucun traitement afin d’être soulagés.

Sont concernés les malades atteints de certaines formes d'épilepsies résistantes aux traitements, de douleurs neuropathiques (résultant de lésions nerveuses) ou d'effets secondaires des chimiothérapies.

Il pourra être également utilisé dans le cadre de soins palliatifs et de contractions musculaires incontrôlées de la sclérose en plaques ou d'autres pathologies du système nerveux central.
  

Le "joint médical" n’est pas autorisé

Pour les députés, il ne s’agit pas non plus d’autoriser les "joints sur ordonnance". Les produits prescrits seront inhalés sous forme d’huile, de fleurs séchées ou ingérés avec des solutions buvables, gouttes, capsules d'huile voire tisanes.
 
La prescription sera faite par un médecin spécialiste à condition qu’il se porte volontaire pour participer à l’expérimentation. Une formation en ligne, dont les modalités restent encore à déterminer, sera mise en place et obligatoire.

Un projet d'expérimentation à Marseille 

Du côté de Marseille, depuis le début de l'année, un projet d’expérimentation sur les malades de Parkinson est en cours de réalisation."Tout ce qui permet de donner un cadre légal est bienvenu", se réjouit le professeur Olivier Blin, directeur de Dhune, un programme de recherce sur les maladies neurodégénératives à l'initiative de l'étude.

Depuis des années, le médecin étudie les caractéristiques médicinales du cannabis. Mais jamais une étude sur des malades n'a été menée en France.

"Des études sérieuses ont été publiées et validées par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui permettent de dire que maintenant, on peut aller dans cette direction", explique celui qui est aussi chef du service pharmacologie à l'hôpital de la Timone.

À l'heure actuelle, l'équipe de recherche, composée d'une quinzaine de personnes - dont des membres du service de neurologie et de pathologie du mouvement et l'Institut de neurosciences de la Timone -, est en phase de finalisation du protocole.

"On a demandé une rencontre avec l'ANSM pour finaliser le protocole, en espérant le déposer en décembre, pour commencer les expérimentations cliniques au premier trimestre 2020", confie ainsi Olivier Blin.

L'objectif sera alors d'étudier les principes actifs du cannabis pour élaborer un produit à base de cannabis, en cherchant la combinaison optimale de cannabinoïdes (THC et CBD), afin d'avoir "des statistiques sur l'efficacité sur les différents symptomes de la maladie." Une vingtaine de malades volontaires testertont alors des combinaisons de molécules, par inhalation, pendant une semaine.

Si les résultats de ces tests techniques sont probants sur les malades de Parkinson, les chercheurs marseillais envisagent d'ores et déjà de se pencher sur d'autres maladies dégénératives, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA), plus connue sous le nom de "maladie de Charcot".

Selon le professeur Blin, "des patients de Parkinson ont pu expérimenter par eux-mêmes une amélioration de certains symptomes et de leur qualité de vie. L'amélioration pourrait se reporter sur les symptomes moteurs, comme les raideurs et les tremblements, et non moteurs, tels que l'anxiété, la dépression, le bien-être et les émotions.

Tout l'enjeu des études est de trouver les proportions permettant "d'obtenir un effet optimal, en minimisant les effets indésirables", explique le médecin.

Le résultat d’un long et difficile parcours 

Jean-Pierre Door, député LR du Loiret ne cache pas que cette expérimentation va faire grincer des dents. Mais selon l'élu, "il faut passer outre les critiques qui sont faites autour de cette proposition puisqu’un groupe d’experts avait validé le principe d’une expérimentation."

En effet l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) avait déjà donné son accord pour un accès au cannabis à usage médical pour les patients. Elle s’était ainsi rangée à l’avis formulé en Décembre 2018 par le CCST (Comité Scientifique Spécialisé Temporaire).

Après avoir évalué l’intérêt thérapeutique, analysé les expériences menées dans d’autres pays et vérifié la réglementation nationale et internationale sur le sujet, celui-ci avait estimé qu’il était pertinent d’autoriser l’usage du cannabis à visée thérapeutique pour les patients dans certaines situations cliniques.

Une expérimentation encadrée

Pour la mise en œuvre de l’expérimentation, un comité pluridisciplinaire composé de professionnels de santé et de patients a été créé. Il est chargé de déterminer les produits à utiliser, le contenu des formations dispensées aux médecins et les conditions du suivi des patients.

Les travaux de ce comité seront poursuivis au cours de l’expérimentation afin de suivre, analyser les données du registre, notamment les données d’efficacité et de sécurité, et de rédiger un rapport d’analyse.

Deux obstacles encore à franchir 

Le souhait du gouvernement serait de voir cette expérimentation débuter au cours du 1er semestre 2020. Mais il reste le problème de l’approvisionnement puisque la France n’autorise pas la production de cannabis.

Selon certains députés, le Ministère de la Santé envisagerait de lancer un appel à projets à l’échelle nationale et internationale.

Mais pour débuter au plus vite l’expérimentation, il devra faire appel à des producteurs étrangers avant d’envisager le développement d’une filière de production sur le territoire national, peut-être en 2021… C’est en tous cas le souhait du rapporteur de l'amendement Olivier Véran.

"Il faudra en effet créer les conditions de développement d’une production française afin de ne pas être dépendants de groupes étrangers et pour permettre à ceux qui le souhaitent et l’attendent, de développer une filière française," explique le député LREM de la 1ère circonscription de l'Isère. 

Deuxième obstacle, la position du Sénat. Cet amendement est inscrit dans le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2020. Mais il doit encore faire l’objet d'une lecture au Sénat avant d’être définitivement adopté. Pour l'heure, nul ne connaît la position des sénateurs sur le sujet.

Dans l’Union européenne, 17 pays ont déjà autorisé des traitements à base de cannabis médical.
 
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