Des parcelles de terrain prélevées dans les Alpes à 2.500 mètres d'altitude vont être descendues 600 mètres plus bas pour simuler le réchauffement climatique et étudier ses conséquences sur la biodiversité montagnarde.
"Les pelouses alpines et les éco-systèmes de montagne sont extrêmement sensibles au réchauffement climatique", explique Jean-Gabriel Valay, directeur de la station alpine Joseph Fourier (Hautes-Alpes) et professeur de physiologie végétale à l'Université Grenoble Alpes (UGA).
Une parcelle de 40 m2 va ainsi être prélevée mercredi à 2.500 mètres d'altitude sur les pentes du col du Galibier (Hautes-Alpes), puis descendue en hélicoptère sur 600 mètres de dénivelé pour être implantée sous le col du Lautaret, côté Briançon. Cette "descente forcée" devrait mimer un réchauffement climatique brutal, de l'ordre de 3 degrés. La parcelle sera ainsi descendue de l'étage alpin, principalement constitué de pelouses, à l'étage subalpin, où prédominent les forêts de résineux. La pelouse, prélevée avec 15 à 30 cm de terre, sera descendue en carrés de 67 cm de côté, en prenant soin de conserver toutes les espèces vivantes qui la composent. Les chercheurs examineront ensuite comment les plantes, les insectes, les micro-organismes du sol s'acclimatent à ce nouvel environnement sur une dizaine d'années.Le climat a toujours changé, mais jamais de manière aussi brutale. On essaie de mimer ce réchauffement brutal pour en observer les conséquences", ajoute Joseph Fourier.
Durant cette période, une trentaine de chercheurs (botanistes, modélisateurs, etc.) du laboratoire d'écologie alpine (LECA) devraient se relayer, aidés d'une centaine de doctorants ou chercheurs en post-doctorat. Les jardiniers de la station alpine du Lautaret leur viendront en aide. Parallèlement, une prairie de 40 m2 sera montée de 600 mètres pour étudier la capacité de la végétation à s'adapter en altitude.L'expérience a un intérêt scientifique si elle dure au moins cinq ans. Si on peut la prolonger dix ou vingt ans, ce sera d'autant plus intéressant", estime Jean-Gabriel Valay.
"L'idée est de produire ce genre d'expérience dans le monde entier, explique Jean-Gabriel Valay. L'accumulation des travaux dans différentes montagnes, sous différentes latitudes, permettra de faire avancer les choses." Une expérience similaire a déjà été lancée en Suisse et une autre est en projet dans le massif des Rocheuses aux États-Unis. La recherche menée au Lautaret est financée par l'Université Grenoble Alpes, le CNRS et l'Agence nationale de la recherche, avec des crédits européens (ETC). Elle est principalement dirigée par deux chercheurs du LECA: Tamara Münkemüller et Wilfried Thuiller.