Le réchauffement climatique modifie profondément l'environnement, particulièrement en montagne. Quand les glaciers fondent, de nouveaux écosystèmes se forment. Ainsi dans les Hautes-Alpes, le lac du Pavé est un objet de science inédit, suivi de très près par les chercheurs.
Le lac du Pavé se mérite, situé à 2820 mètres d'altitude, dans les Hautes-Alpes. Il est le plus haut du parc National des Écrins. Il est difficilement accessible, entre 5 et 6 heures de marche pour s'y rendre. " C’est le lac qui fatigue le plus les jambes. D'habitude, on est plus sur des lacs à deux heures de marche", explique Rosalie Bruel, chercheuse à l'Office Français de la Biodiversité.
Ce qui le rend intéressant à étudier, car assez peu fréquenté. Mais c'est son âge qui fait sa particularité, scientifique parce qu'il est très récent, à peine 70 ans d'existence. Chaque année, une équipe de chercheurs monte faire des prélèvements, des relevés pour étudier son évolution et la vie qui s'y crée. En ce début de mois de septembre, Lucie Robert et Fabien Madigou de France 3 Provence-Alpes ont accompagné les scientifiques de l'Office Français de la biodiversité.
Objectif de l'étude
Dans les années 80, le glacier des Cavales qui recouvrait le lac du Pavé s’est peu à peu entièrement retiré. Son dégel estival total n’est observé que depuis une quinzaine d’années. Les lacs d'altitude, peu affectés par les activités humaines, sont les premiers témoins du changement global qui impacte directement la biodiversité. C'est pour cela que des scientifiques étudient ce lac de près. Depuis 2010, une sonde de température est installée au centre du lac dont la profondeur se situe à 53 m.
Un refuge très rudimentaire, est installé au bord du lac depuis les années 50. Première étape, une fois arrivés au lac : récupérer le matériel d'étude, comme la barque qui passe tout l'hiver sous la neige. Accès difficile Les chercheurs ne peuvent venir qu'une fois par an.
" On a choisi septembre, c'est la fin de l'activité biologique. Le lac a eu quelques mois de bonne saison, avec les eaux qui se réchauffent un peu. Il y a toute la vie qui s'est développée et nous, on vient à la fin justement pour voir un peu l'état au meilleur moment du lac actuellement", précise Florent Arthaud, chercheur à l'Office Français de la Biodiversité.
Rechercher des traces de vie
Car les questions qu'ils se posent sont fondamentales. Comment se crée la vie dans un environnement vierge ? Pour y répondre, les chercheurs mettent à l'eau un premier instrument. "C'est le disque de Secchi qui nous permet de regarder la transparence de l'eau, on le descend au fond du lac, jusqu'à ce que nous ne puissions plus l'apercevoir. Ensuite, on note la profondeur, à laquelle il est. Là, on est à 2,05 m de transparence". Et c'est dans cet espace, où perce le soleil, que les organismes se développent. Le filet part à la pêche aux invertébrés.
La vie existe, elle est là.
Un scientifiqueFrance 3 Provence-Alpes
Toutes les données recueillies sont précieusement répertoriées, analysées en laboratoires et partagées. Un travail de patience, fascinant.
"C'est une science un peu pionnière, sur comment la vie s'installe dans un écosystème récent. Il y a très peu d'écosystèmes dans le monde, qui peuvent nous permettre de voir ainsi, à l'instant présent, de comment la vie s'installe", explique Florent Arthaud, chercheur à l'Office Français de la Biodiversité.
Des indicateurs du réchauffement climatique
Différents spécialistes participent à l'expédition, car le lac du Pavé est une sentinelle, un témoin des changements à l'œuvre dans notre environnement. Rosalie Bruel, analyse l'évolution de ses températures année après année.
"Sur le long terme, l'objectif, ce sera de pouvoir documenter l'impact du réchauffement climatique. Pour le moment, on reste prudent. On a seulement 11 ans de données, ce qui est à la fois énorme et pas suffisant pour vraiment qualifier ça", analyse Rosalie Bruel, chercheuse à l'Office Français de la Biodiversité. Un travail scientifique qui avance à petit pas, avec son lot de surprises. Voici les plus grandes découvertes faites par ces équipes, deux microalgues jamais observées ailleurs dans le monde. Elles ont pris vie dans ces eaux et portent désormais le nom de ce lac.
Article rédigé avec Lucie Robert et Fabien Madigou.