Deschamps pour prendre les rênes de l'équipe de France ?
Après la décision de Laurent Blanc de ne pas poursuivre l'aventure avec les Bleus, la question de sa succession se pose urgemment . Le Président de la FFF Noël Le Graët doit faire une déclaration en ce sens mardi. Le nom qui revient avec le plus d'instance est bien sûr celui de Deschamps, mais une surprise n'est pas à exclure.
Chronique d'un départ
Dans le microcosme du football français, on a du mal à regarder avec détachement la nouvelle séquence de l'histoire de l'équipe nationale. Depuis 2010, on pensait Laurent Blanc installé et susceptible d'être reconduit dans son projet jusqu'au Mondial brésilien voire le rendez-vous européen en France en 2016. Voilà que tout est à refaire.
Certes l'Euro qui vient de se terminer ne fut une grande réussite, notamment en terme d'image et de comportement, mais sportivement Laurent Blanc a respecté son objectif en atteignant les quarts de finale. On aurait pu repartir sur ces bases en fixant un nouveau cap. Mais il était dit que les dés étaient pipés avant d'être jetés.
L'idée même de devoir attendre la fin de l'Euro pour évoquer la suite de son contrat mettait le coach des Bleus en porte-à-faux. Dans le même temps, Noël Le Graët, nommé à la présidence de la Fédération, postérieurement à la désignation de Laurent Blanc, lequel n'eût peut-être pas été son choix personnel, en profitait donc pour défendre ses prérogatives. Après l'Euro, ce fut encore la même partie d'échecs entre les deux hommes. Blanc avait un projet et des exigences même s'il était prêt à quelques compromis, Le Graët lui imposait de nouvelles conditions qu'il savait inacceptables comme s'il eût voulu pousser Blanc à partir. Voilà maintenant qui est fait. Le Président de le FFF reprend donc la main. A lui désormais d'assumer les conséquences de ce bras de fer qu'il vient de gagner. Et de désigner un nouveau sélectionneur pour redonner une identité et une âme à une équipe de France qui, si l'on en croit un sondage paru dans le "Journal du dimanche" n'a plus la faveur que de 20% de la population.
Avantage Deschamps
Pour beaucoup, tant chez une une grande majorité des supporteurs que chez les observateurs, Didier Deschamps, qui semble en passe de quitter Marseille, apparaît comme le candidat N.1 à la succession de son ancien coéquipier chez les Bleus. L'ancien capitaine des champions du monde et d'Europe présente le profil idéal pour prendre les rênes de la sélection: un vécu incomparable au niveau international (103 sélections), une connaissance parfaite du fonctionnement et des arcanes de l'équipe nationale, une légitimité d'ancien grand joueur et 11 années d'expérience au poste d'entraîneur (Monaco, Juventus Turin, Marseille).
Difficile également de rivaliser question palmarès: finaliste de la Ligue des champions en 2004 avec Monaco et vainqueur de 6 trophées avec Marseille en 3 ans, dont un titre de champion de France (2010) et 3 Coupes de la Ligue (2010, 2011 et 2012).
"DD" n'a jamais caché que diriger l'équipe de France faisait clairement partie de son plan de carrière. Il avait d'ailleurs fait acte de candidature après l'échec de l'Euro-2008 pour prendre la suite de Raymond Domenech.Mais le soutien médiatique très actif des membres de "France-98" avait dissuadé la Fédération française de le promouvoir, le président de l'époque Jean-Pierre Escalettes évoquant même "une campagne indécente" et le poids d'un "clan". Depuis Blanc est passé par là, et a ouvert la voie. Aujourd'hui, à 43 ans, Deschamps pourrait être tenté par ce challenge. Mais si cette piste semble à beaucoup évident, sa désignation pour diriger l'équipe de France ne va pas de soi.
D'abord, Deschamps doit déjà mettre un terme à son contrat avec l'OM, qui se termine en 2014. Selon plusieurs médias, il aurait annoncé à la direction du club son intention de partir fin mai et, depuis, des tractations essentiellement financières se feraient en coulisses. Les clauses figurant dans le contrat de Deschamps pourraient être les principaux enjeux de la négociation. L'OM refuse de lui verser les 7 millions d'euros correspondant à ses deux années de contrat, une autre clause stipulant qu'en cas de départ pour un autre club, c'est lui qui devra 3,5 millions à Marseille. De fait, la Fédération qui avait déjà consenti à un effort il y a deux ans pour libérer Laurent Blanc de ses obligations avec Bordeaux (1,5 million) acceptera-t-elle de débourser encore 3,5 millions pour récupérer Deschamps, dans une période où les instances fédérales s'appliquent aussi à faire des économies ? Dans cette même optique, alors que Le Graët a fait de la réduction des coûts et de la taille du staff, pléthorique durant l'ére Blanc (22 membres), des impératifs pour le sélectionneur, Deschamps (qui émarge à 300.000 euro mensuels à Marseille, alors que les appointements de Blanc n'étaient "que" de 100.00 euros) acceptera-t-il ces conditions draconiennes et une réduction drastique de son salaire ?
Autre sujet épineux: le rôle de Jean-Pierre Bernès, agent de Blanc et de Deschamps et dont les relations avec le président de la FFF Noël Le Graët sont notoirement mauvaises depuis l'affaire VA-OM en 1993. Une proximité gênante pour Le Graët. A contrario, Guy Stephan, adjoint de Deschamps à Marseille, et proche du président de Guingamp peut servir de relais dans le dialogue. Les choses ne sont donc pas aussi simples ni aussi complexes et si Deschamps apparaît comme l'homme idoine pour les prochaines échéances, il faut aussi intégrer les questions extra-sportives.
Enfin, parmi les griefs jamais vraiment formulés mais qui constituaient une pierre d'achoppement entre Le Graët et Blanc, il y a évidemment ce halo de notoriété et de gloire dont se sont parés les champions du monde 98, apparaissant comme intouchables. Ce qui, dans le fonctionnement d'une FFF où les dirigeants veulent fixer leurs propres doctrines et imposer leurs règles -d'autant plus cette année avec une assemblée générale à l'automne où Le Graët joue sa réélection - est parfois mal vécu comme si l'équipe de France échappait à ses instances. Par conséquent, difficile de penser que le Graët prendra une décision à l'emporte-pièces, sans avoir peser toutes les conséquences.
Quelles alternatives ?
Si la piste Deschamps venait à avoir du plomb dans l'aile, voire si elle était écartée pour des raisons économiques ou relationnelles -on l'a vu les interrogations ne manquent pas- la Fédération devra composer avec de nouveaux paramètres. Et les alternatives ne sont pas si nombreuses. Comme celui que beaucoup considèrent comme le meilleur technicien français Arsène Wenger semble intouchable (est-il d'ailleurs intéressé ?), que l'on ne soit pas chaud pour relancer des pistes anciennes (Tigana) ou pour tenter l'aventure (Hervé Renard), la rumeur Paul Le Guen devient de plus en plus audible. Le nom de l'ancien entraîneur de Lyon et du PSG, plutôt dans les petits papiers de Le Graët, a circulé dans les couloirs de la Fédération. Ce serait un homme intègre avec du caractère, mais manquant peut-être de charisme et d'un palmarès éclatant. Reviennent également les noms habituels de Guy Lacombe ou René Girard, blanchis sous le harnais de la L1. Ce dernier aurait aussi l'avantage de venir du sérail de la DTN. Filière mise en sommeil après les échecs de Domenech mais qu'il est aussi possible de réactiver. Dans cette possibilité, on peut aussi penser à Alain Boghossian. Adjoint de Domenech puis de Blanc, il pourrait franchir un palier. Mais est-il taillé pour la fonction ?
La parole est maintenant est maintenant à la Fédération. La décision aussi. Mais il ne faut plus tarder. Le Graët à un mois pour trancher car les Bleus retrouveront le terrain dès le 15 août contre l'Uruguay, avant d'attaquer trois semaines plus tard en Finlande les éliminatoires du Mondial 2014. Il ne sera alors plus temps de tergiverser.