Les enquêteurs de la police ont mis au jour une connivence entre le club de supporters de l'OM South Winners et José Anigo, l'ancien directeur sportif, pour déstabiliser l'entraîneur en 2012, Didier Deschamps. L'enquête pointe le rôle trouble de cette association de supporters fondée en 1987.
Dans un rapport de synthèse d’octobre 2014, les policiers de la Brigade Nationale de Lutte Contre la Criminalité Organisée Corse, installée à Paris, s’intéressent aux South Winners. Ce club de supporters de l'OM a fait l’objet d’investigations poussées, les enquêteurs ont passé au crible le fonctionnement et l’organisation de cette association fondée en 1987.
27 000 places cédées à prix réduit
Le capitaine de police s’interroge sur l’organisation générale des clubs de supporters qui est une source de déficit pour l’OM. A l’époque de la rédaction du rapport, l’Olympique de Marseille "fait un cadeau annuel unique en France" en ne vendant pas ses billets directement aux abonnés, comme c’est le cas pour les tribunes latérales, un usage mis en place en 1987 pendant la période Tapie. Les 27 000 places sont cédées à prix réduit aux neuf groupes de supporters organisés en associations.Un manque à gagner de 900 000 euros
Le manque à gagner financier pour l’OM est évalué à environ 900 000 euros. Le club a mis fin à cette pratique le 4 février dernier en passant un accord historique avec les associations de supporters. Dans leur enquête, les policiers ont constaté une connivence entre certains dirigeants du club et ceux des associations de supporters pour faire pression sur l’entraineur et les joueurs.Les South Winners, leur vice-président et leur influence
D’après les enquêteurs, Rachid Zeroual, le vice-président des South Winners, entretient des relations ambigües avec les dirigeants de l’OM. Il est régulièrement présent dans les bureaux de la Commanderie (le siège du club), participe quelquefois à des réunions d’état-major ou participe à la préparation du journal d’OMTV. C’est un proche de José Anigo, le directeur sportif, il déjeune souvent avec Vincent Labrune.Une rixe avec des supporters
Le profil de Rachid Zeroual est détaillé. On apprend qu’il a été salarié de l’OM en 2003, son contrat est rompu au 1er trimestre 2004 suite à une rixe avec d’autres supporters dans le stade Vélodrome. Six faits de violences sont répertoriés et sa condamnation en 2012 à un an de prison et deux ans d’interdiction de stade. Sous le chapitre "Les South Winners : un groupe de supporters pas comme les autres du fait de la personnalité de son vice-président Rachid Zeroual", les enquêteurs parisiens relèvent l’influence exercée par les South Winners sur le club et ses dirigeants, notamment à travers des écoutes téléphoniques. Le 22 octobre 2011, Didier Deschamps appelle Jean-Pierre Bernès (son agent). Au cours de la conversation, l’entraîneur parle de son entrevue avec Rachid Zeroual :Et le Zeroual, là, tu sais ce qu’il me dit à un moment ? Tu sais le vrai Marseillais un peu quoi ? Il me dit : (Deschamps imite la voix de Zeroual) toi, au moins, tu es tranquille, tu vas pas te prendre une gifle comme Fernandez ! Toi, tout le monde sait qu’on ne peut pas t’approcher (rires)"
Le 3 mai 2012, autre conversation téléphonique entre les deux hommes. Didier Deschamps reprend des propos tenus par Vincent Labrune concernant Rachid Zeroual et ses liens avec le trafic de drogue :
tu crois que moi je vais m’attaquer à lui après, je vais avoir des représailles, quoi…"
Commentaire de Didier Deschamps : "Tu sais qui c’est Rachid ? C’est le seul qui tient par les couilles José, quoi…"
La guerre Anigo/Deschamps et l’épisode de la banderole anti-Deschamps
28 mars 2012, l’OM reçoit le Bayern de Munich en quart de finale de Ligue des Champions. Une banderole portant l’inscription : "Deschamps et tes joueurs cassez-vous" est déployée dans le virage sud, la place forte des South Winners. La banderole restera en place pendant toute la première mi-temps du match. D’après les enquêteurs, Rachid Zeroual a apporté une grosse contribution à l’affichage de cette banderole tout en n’étant pas l’instigateur de l’idée. José Anigo aurait encouragé les supporters à se rebeller contre l’entraîneur, et savait, avant même le coup d’envoi du match, que la banderole allait être affichée à la vue de tous.La peur de Labrune
Suite à cet épisode, dans une conversation téléphonique du 3 mai 2012, Didier Deschamps rapporte à Jean-Pierre Bernès, que Vincent Labrune n’était pas intervenu immédiatement pour faire retirer la banderole parce qu’il craignait pour sa personne :Non mais qu’est-ce que vous croyez que je vais aller là-haut moi, enlever cette banderole ! Je vais me prendre deux balles dans le dos"