Amine Kessaci est en Terminale au lycée Jean-Baptiste Brochier de Marseille. Il a entamé une grève de la faim, lundi 3 mai, pour protester contre la tenue des épreuves du baccalauréat. Les confinements successifs auraient justifié, selon lui, le passage au contrôle continu.
On n'est pas sérieux quand on a 17 ans, écrivait Rimbaud (mort à Marseille, en 1891). 17 ans, c'est pourtant l'âge d'Amine Kessaci, un lycéen marseillais des plus sérieux.
Élève de Terminale au lycée Jean-Baptiste Brochier, il a décidé d'entamer une grève de la faim lundi, pour protester contre la tenue des épreuves de baccalauréat, du brevet des collèges, du CAP et du BTS.
"Demain, j'arrête, prévient-il aussitôt. Il y a les épreuves de bac blanc, il faut que je m'y prépare." Le garçon a la tête sur les épaules, il ne ferait pas n'importe quoi. C'était une grève de la faim pour le symbole.
Au même moment, ailleurs en France, un lycéen de Normandie faisait lui aussi la grève de la faim. Pour lui non plus, elle n'a pas duré.
Pour le contrôle continu
Par ce coup d'éclat, Amine Kessaci aura cherché à obtenir la mise en place du contrôle continu pour le baccalauréat 2021 (et du BTS, et du CAP, etc.)
Impossible dit-il de maintenir les épreuves écrites : après trois confinements successifs, les élèves n'auraient pas le niveau. Un combat largement partagé parmi les associations lycéennes.
Sur sa page Facebook, Amine Kessaci, par ailleurs fondateur et président de l'association "Conscience", s'est adressé directement au président de la République.
En réponse à la colère des lycéens, le ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer s'est dit prêt à lâcher du lest.
"Je reste ouvert sur les aménagements possibles", a-t-il déclaré lundi, tout en restant ferme sur le contrôle continu : c'est non.
Il est vrai que si le baccalauréat était annulé cette année, au profit d'un contrôle continu intégral, il risquerait d'être dévalorisé : quel crédit aura-t-il auprès d'éventuels futurs employeurs ?
Quand nous lui soumettons cette remarque, Amine Kessaci réplique, goguenard : "De toute façon, aujourd'hui, le bac est déjà clairement dévalorisé. Il est du niveau d'un brevet des collèges d'il y a quinze ans."
Il ajoute : "L'an dernier, le bac s'est fait en contrôle continu, cela n'a pas empêché les élèves de trouver des petits boulots derrière."
Blocus réguliers
En attendant, Amine Kessaci poursuit les blocus : une petite quarantaine d'élèves a bloqué le lycée Jean-Baptiste Brochier, mardi. Une autre opération est prévue jeudi 6 mai, jour où se déroule une session de bac blanc.
Dans les Alpes-Maritimes, le mouvement est venu des vallées sinistrées. Au lycée de la Montagne à Valdeblore, pendant deux jours, les élèves ont bloqué l’une des entrées pour faire entendre leur voix, leurs problèmes et leurs inquiétudes sur ce BAC 2021, un bac surnommé ‘BAC noir’ sur Twitter.
Ils demandent eux aussi l’annulation des épreuves du bac en terminale, dont le grand oral.
Pour ces lycéens qui suivent leur scolarité dans la vallée de la Vésubie, c’est la double, voire la triple peine : entre la tempête Alex, les interruptions de cours en présentiel à cause du Covid et les spécificités du nouveau BAC… difficile d’envisager cet examen avec sérénité.
Trouver des stages
Dans ce lycée professionnel, les élèves en section tertiaire devaient aussi trouver deux stages en octobre et en mars. Ils se sont heurtés au confinement et à la fermeture des hôtels et des magasins « non essentiels ». D’habitude, certains faisaient leurs stages au centre commercial Cap 3000 à Saint-Laurent-du-Var.
Une année particulière. Certains redoutent de ne pas obtenir le précieux sésame à cause du flou qui règne pour le « grand oral », une épreuve coefficient 10. Une professeure a calculé qu’il lui restait 10 heures de cours pour la travailler. Les épreuves de spécialités sont coefficient 16. Mieux vaut ne pas se rater !
"Anxiogène"
« Ça a été une année très hachée », reconnaît le proviseur Philippe Vallée, « à leur décharge, ils entendent des choses pour le bac général mais rien sur le BAC pro, ils ont l’impression que l’on n'a rien fait pour eux. » Une inquiétude bien réelle et justifiée : « Comme tout change tout le temps, c’est très anxiogène », confie-t-il.
Même si pour certains contrôles, qui comptent pour le baccalauréat et sont notés par leurs professeurs, « la bienveillance est de mise », assure-t-il. En français, deux sujets leur seront proposés au lieu d’un seul. Mais visiblement, ça ne suffit pas.
Ce mercredi 5 mai, les banderoles ont été enlevées et la barricade a été démontée aux abords du lycée de la Montagne. Mais d’autres lycées pourraient poursuivre le mouvement :
Albert Calmette et les Eucalypytus à Nice, les Côteaux à Cannes. Des mouvements qui seront surveillés, à quelques semaines des premières épreuves.
Enseignants inquiets
Les deux principales organisations lycéennes (UNL et MNL) appellent également au blocus partout en France ce jeudi 6 mai.
Un combat relayé par une partie des enseignants, qui ont fait part eux aussi de leur inquiétude quant à la tenue des épreuves, d'un point de vue sanitaire notamment.
Le bac, un rituel qui n’est plus intouchable. Ses modalités peuvent être modifiées par le ministre de l’éducation jusqu’à 15 jours avant les épreuves.
Selon un sondage du magazine L'Étudiant, 76 % des lycéens sont pour l’annulation des épreuves de français, 79 % pour l’annulation de la philosophie et 61 % pour l’annulation du grand oral.
Seules ces trois épreuves ont été maintenues en présentiel pour le bac 2021.