Pourquoi il va encore falloir être (très) patient avant de relier Nice et Marseille en train en 1 heure 40

La concertation publique pour la Ligne Nouvelle Provence Côte d'Azur a été officiellement lancée le 12 juin 2019. En 30 ans, c'est le quatrième projet pour tenter de rapprocher Nice de Marseille en train. La version 2019 a-t-elle plus de chances d'aboutir ?

Paris-Marseille en TGV : 3 heures.
Marseille-Nice : 2 heures 40, pour 3 fois moins de kilomètres.

En Provence-Alpes-Côte d'Azur, 150 trains circulent chaque jour sur une ligne datant de 1860. Ils transportent 65000 usagers quotidiens. La  ligne est parmi les plus pittoresques de France, comme le montre cette vidéo tournée à Villeneuve-Loubet par un conducteur de train, elle est aussi l'une des plus saturées. Et détient le titre 2016 de championne de France des retards.
 



Améliorer la desserte ferroviaire en Provence et en Côte d'Azur, cela fait 30 ans qu'on en parle. 30 ans que les projets se succèdent, les oppositions se musclent, les ambitions sont revues au gré des revers.
 

Retour en arrière 

  • Années 90 : le projet LGV Méditerranée a sa "branche Côte d'Azur".
Elle doit relier Aix-en-Provence au Muy. Le projet ne résistera pas à l'opposition des vignerons sur le tracé. La Ligne à Grande Vitesse, conçue pour une vitesse de 350 km/h, est inaugurée en 2001, mais s'arrête à Aix.
  • 2005 : place au projet LGV PACA, horizon... 2020.
Le débat public conclut à sa nécessité, mais par où doit-elle passer ? Par les grandes villes du bord de mer ? Plus au Nord par la campagne ? C'est là que les avis divergent. En 2009 le tracé des "Métropoles du Sud", Marseille-Toulon-Nice est officiellement retenu. Il allie TGV et TER. Son coût, entre 15 et 20 milliards d'euros. La concertation publique est lancée en 2011 et catalyse rapidement les contestations locales.
  • 2012 : Enterrée la LGV, place à la Ligne Nouvelle, horizon 2030.
C'est la conséquence des multiples contestations et de l'alternance politique. Le projet de LGV est démantelé en plusieurs phases. L'objectif premier n'est plus de réduire le temps de trajet total, mais de traiter les "noeuds ferroviaires" qui empoisonnent les déplacements du quotidien à Marseille, Toulon, Nice. L'objectif de vitesse est revu à la baisse : 200 à 250 km/h. La seconde priorité, créer des portions de nouvelle ligne pour mettre Nice à 1h40 de Marseille, est remise à plus tard. La concertation est lancée en 2016. Mais en juillet 2017, Emmanuel Macron annonce une pause dans le grand projet. Coup d'arrêt.Le projet a pour but ultime de doubler la ligne ferroviaire entre Marseille et Nice.
4 phases : les phases 1 et 2 s'attaquent aux noeuds ferroviaires, les phases 3 et 4 prévoient, pour plus tard, la création d'une gare TGV à Cannes La Bocca, d'une boucle ferroviaire à Sophia Antipolis et de sections de ligne nouvelle, là où il n'est pas pertinent d'aménager le réseau existant : entre Aubagne et Toulon, et entre le Muy et Cannes.
Seules les deux premières phases sont soumises à une nouvelle concertation publique, qui se déroule du 12 juin au 18 octobre 2019.
 
Pour leurs déplacements quotidiens, les attentes des usagers sont finalement assez simples : plus de trains en circulation, et des trains qui arrivent plus à l'heure. Dans le jargon de SNCF Réseau, cela se dit "améliorer la fiabilité et la fréquence du service". Pour y parvenir, les phases 1 et 2 du projet Ligne Nouvelle prévoient notamment :
  • A Marseille : la réalisation de la traversée ferroviaire de la ville.
  • A Toulon, la création d'une navette ferroviaire type RER d'Ouest en Est.
  • Sur la Côte d'Azur, la création d'une navette ferroviaire, avec notamment la création d’une gare TER/TGV à Nice Aéroport.
Les aménagements en détail sur cette carte :
Les premières réunions publiques ont eu lieu entre le 12 et le 18 juin. A Marseille, Toulon et Nice, elles ont été l'occasion pour les dizaines d'associations locales historiquement opposées à la LGV de prendre connaissance du projet dans le détail.

Enfin, on nous parle d'amélioration des trains du quotidien. 

se réjouit Didier Cade, au nom du collectif Stop LGV Sud Sainte Baume. Il était présent lors de la réunion publique de Toulon ce lundi 17 juin. Depuis 2012 le collectif se bat contre la LGV devenue Ligne Nouvelle, jugée trop coûteuse, trop destructrice de l'environnement, et trop éloignée dans le temps. Cette fois-ci, Didier Cade se dit "plutôt favorable" aux phases 1 et 2 du projet. "Elles permettront de passer de 2 à 4 TER par heure à Toulon". Avec toujours une inquiétude : "On met tout-de-même les jalons d'une ligne nouvelle dans le futur. Si l'on accepte la première étape, est-ce qu'on sera amené à accepter la suite ?"

Oui, la concertation publique sert à quelque chose

estime de son côté Catherine Sens-Meyé, secrétaire de Basta Ligne Nouvelle Biot. Elle a fait partie de la centaine de personnes présentes lors de la réunion de concertation à Nice. "On n'en est plus au choix du tout-TGV, les préoccupations quotidiennes des citoyens sont davantage prises en compte". Avec, là encore, beaucoup de questions : "En quoi les choix qui sont faits aujourd'hui vont-ils rendre obligatoire la fameuse boucle azuréenne ?" Cette boucle qui figure dans la phase 3, desservirait le technopole de Sophia Antipolis. Elle impliquerait la construction d'une nouvelle gare qui pourrait s'intégrer au futur méga-centre commercial Open Sky. "Une hérésie environnementale" selon Catherine Sens-Meyé.

La ministre des transports nous a dit "Allez-y". 

Le vice-président de la Région PACA en charge des transports, Philippe Tabarot, a participé aux réunions à Nice et Marseille. Son impression : les oppositions locales sont moins virulentes qu'auparavant. Du côté des Bouches-du-Rhône, "la question de la voie supplémentaire dans la vallée de l'Huveaune dans les Bouches-du-Rhône, qui catalysait le plus d'inquiétudes, n'est plus une certitude. Elle est soumise à concertation".

Pour ce représentant de la Région, qui appelle ardemment de ses voeux une amélioration du service ferroviaire, la version 2019 du projet est "réaliste et réalisable".

"J'ai rencontré début juin, avec le Président de Région Renaud Muselier, la ministre des Transports Elisabeth Borne. Elle nous a dit : "Allez-y". Il me semble qu'il y a une vraie volonté gouvernementale de mettre les financements nécessaires sur le ferroviaire." La loi mobilité a été adoptée mardi 18 juin en première lecture par l'Assemblée Nationale, elle viste justement à l'amélioration des trajets du quotidien. Le projet de Ligne Nouvelle Provence Côte d'Azur en fait partie.
 

Le financement ?

Le projet total de Ligne Nouvelle Provence Côte d'Azur est évalué à 26 milliards d'euros. Mais pour les phases 1 et 2, il se "limite" à 3,5 milliards, dont la moitié serait prise en charge par l'Etat. L'Europe pourrait elle-aussi participer, allégeant d'autant la facture des collectivités locales.

La concertation publique s'achèvera le 18 octobre 2019. Si les oppositions locales ont pu être conciliées et si la volonté du gouvernement se confirme, une nouvelle décision ministérielle pourrait intervenir avant la fin de l'année 2019 pour mener à l'enquête publique. Dans une version optimiste, les travaux de la phase 1 pourraient débuter en 2021, pour la livraison des premiers ouvrages dès 2024.

La Ligne Nouvelle, phases 1 et 2, est sur les rails. 

Alors... Nice à 1h40 de Marseille ?

"Nous ne sommes pas dans la même temporalité", précise SNCF Réseau. En améliorant les déplacements du quotidien, les phases 1 et 2 de la Ligne Nouvelle ne réduiront que de 15 minutes le trajet entre les deux métropoles, soit 2h25 pour relier Marseille à Nice. On l'a bien compris, c'est à ce prix que le projet peut espérer voir le jour. L'objectif d'1h40 n'a pas disparu du dossier Ligne Nouvelle, simplement remis au mieux, à la décennie... 2040.

 

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