Témoignages. Prix de l'énergie : pour les arboriculteurs, "tout augmente sauf le prix du produit final"

Contraints de consommer du gasoil et de l'électricité pour la récolte et le conditionnement de leurs fruits, les arboriculteurs subissent de plein fouet la hausse des prix de l'énergie. Des augmentations qui ne sont pas ou peu répercutées sur les prix de vente. Témoignages dans les Hautes-Alpes et le Vaucluse.

Perchée sur une nacelle roulante, une poignée d'ouvriers relève les filets de protection installés sur les vergers : dans l'exploitation de Grégory Favier, en vallée de la Durance, la récolte des pommes et des poires se poursuit. La cueillette, qui s'étire de la fin de l'été à la fin de l'automne, nécessite l'emploi d'engins agricoles, consommateurs en carburants, tout comme l'entretien des vergers.

"Nous ne pouvons pas faire autrement. Le gasoil est un poste important sur nos exploitations, il faut en être conscient", résume l'arboriculteur, installé depuis une vingtaine d'années à La Saulce, près de Tallard, dans les Hautes-Alpes.

Sur ses 20 hectares de terrain, il cultive diverses variétés de poires et de pommes. Mais les récentes hausses du prix de l'énergie et de l'eau, cumulées à l'augmentation du gasoil, viennent fragiliser l'équilibre économique de son exploitation.

5 centimes de plus par kilo de pommes

Grégory Favier évalue à 40 centimes le coût de production d'un kilo de pommes, contre 35 centimes l'an dernier. "Tout augmente. Le prix de l'eau, du gasoil, des intrants et des engrais" énumère-t-il. Derrière, le prix d'achat ne suit pas, déplore l'agriculteur, avec un retour des coopératives entre 30 et 37 centimes le kilo, les années précédentes, estime-t-il. Presque à prix coûtant.

Cette année, il ne sait pas encore à quel prix sa récolte sera vendue. L'arboriculteur l'apporte dans une coopérative, où le prix d'achat est fixé par le marché.

"En tant que producteurs, nous sommes en bout de chaîne. La hausse des coûts, nous ne pouvons la répercuter sur personne", insiste-t-il. "Alors, c'est nous, les exploitants, qui la subissons".

Pour compenser ces hausses, cet arboriculteur est contraint à des ajustements. "Nous négligeons un peu nos vergers à certains moments. Nous attendons par exemple que l'herbe soit très haute pour la couper. Tout est calculé pour diminuer au maximum notre coût de production".

Face à ces hausses, certains producteurs mutualisent leurs moyens. Audrey Piazza, arboricultrice depuis trois ans à Châteauneuf-de-Gadagne, dans le Vaucluse, et présidente du syndicat départemental des Jeunes agriculteurs, vend une partie de sa production à la station fruitière "Sixfruits". Ainsi, elle n'a pas besoin de faire tourner des frigos pour conserver sa récolte : sur les 150 tonnes produites, une partie est écoulée en circuit court, l'autre est livrée à la station de fruits, qui s'occupe du conditionnement et de la vente aux centrales d'achat.

Mais cette année, les stations fruitières ne sont pas épargnées par la hausse des coûts de l'énergie. Paul Coynel, gérant de "Sixfruits" doit renégocier son contrat d’électricité en janvier 2023. Il craint le pire, alors qu’il a investi dans des chambres froides de dernière génération. Sans oublier les charges d’emballage, qui ont également augmenté.

"Les producteurs sont payés à perte"

"Cette année, on subit une baisse de nos prix de vente de plus de 20 centimes, sur le prix du marché. Avec les hausses de coûts, il manque plus de 40 centimes dans l'équation. Les producteurs sont payés à perte. Donc, si à partir de janvier nous avons notre électricité qui est multipliée par 5 ou 10, dans ces cas-là, on ne pourra pas survivre", alerte Paul Coynel.

En moyenne, Cédric Massot, arboriculteur et gérant d'une station fruitière à Sisteron, évalue les hausses de coûts à 15 centimes du kilo dans les stations fruitières, contre 5 centimes en verger.

Là encore, "ce sont des coûts que nous n'arrivons pas à répercuter à la vente. Sinon, le prix moyen par station grimperait de plus de 25%, avec des hausses considérables sur les étals. Les consommateurs ne pourraient plus acheter un kilo de pommes".

Des inquiétudes pour la pérennité des stations fruitières

Cédric Massot ne cache pas son inquiétude pour la pérennité des stations fruitières. Dans ces établissements, c’est l’augmentation du prix de l’électricité qui inquiète le plus. Pour les stations sous contrats énergétiques, le tarif est assuré jusqu’à échéance. Mais pour les autres, la négociation d’un nouveau contrat s’annonce terrible.

Le gérant de "l'Ecrin des Alpes" cite l'exemple d'un concurrent : "il payait environ 200 000€ d’électricité sur une année. A la fin de l'année, il va se retrouver hors contrat, avec un coût de plus d’un million d’euros".

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"S'il n'y a pas un plafonnement du coût de l'énergie pour avoir une pérennité une visibilité sur l'avenir de la filière, cela va devenir très compliqué", présage-t-il. 25 stations fruitières seraient prochainement concernées par des fins de contrats. "Si rien n'est fait demain, environ deux tiers des stations fruitières vont être confrontées à ce problème d'ici le mois de juillet".

Cédric Massot espère des aides de l’Etat pour passer rapidement aux énergies renouvelables. La pose de panneaux photovoltaïques permettrait de réaliser de l'autoconsommation et ainsi de réduire un peu la facture.

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