Alors que les prix de l’énergie explosent et que l’hiver arrive, il devient de plus en plus cher de se chauffer. Combiné avec l’inflation, certains s’interrogent sur la façon dont ils vont pouvoir régler les factures. Des solutions sont mises en place dans certains départements et communes, tandis que l’Etat vient de lancer un chèque énergie fioul, en complément du chèque énergie envoyé au printemps 2022.
"Il y a de la moisissure sur chaque fenêtre, et quand il pleut, ça fait une flaque d'eau au sol", explique Léa Zerbib. Mi-septembre, la jeune femme accueillait notre équipe France 3 dans son appartement d’Elbeuf en Seine-Maritime, où elle loge avec son mari et ses deux jeunes enfants. Son logement, qu’elle loue, est une passoire thermique. "C'est chauffé au gaz ici, et l'appartement n'est pas isolé, ni intérieur ni extérieur donc quand c'est l'hiver et qu'il faut chauffer, le chauffage va dehors", se désole Léa.
Et l’hiver est bientôt là, d’ici un peu plus d’un mois : si les températures sont encore douces pour la saison, se chauffer va devenir bientôt une nécessité. Les factures énergétiques flambent. Les aides financières et allocations dont la famille disposent, couplées au bouclier énergétique mis en place par le gouvernement, ne suffiront pas dans le cas d'une famille précaire.
+300 euros sur la facture de gaz
Depuis 2019, les prix du gaz ont fortement augmenté. Alors qu’en 2019 la facture annuelle pour un foyer moyen, au tarif règlementé s’élevait à 1150 euros, en 2022, elle s’élève à 1484 euros, soit une augmentation de plus de 300 euros en trois ans et cela avec le bouclier tarifaire. Sans lui, la hausse serait de 1056 euros à l’année soit 88 euros de plus par mois. Le bouclier tarifaire, décidé en fin d'année 2021 est poursuivi en 2023. Il limitera la hausse des prix du gaz et de l’électricité à 15%.
Si Léa Zerbib se chauffe au gaz, de nombreux ménage utilisent le chauffage électrique. Là aussi les prix flambent. Depuis 2006, la facture annuelle d’un foyer au tarif réglementé a augmenté de plus de 200 euros.
La facture augmente alors même que le chauffage est de loin ce qui consomme le plus d’électricité dans un logement. Il représente 27,6% de la part d’électricité consommé d’un logement contre 19,7% pour le chauffe-eau ou le froid avec 11,2% et 7% pour l’audiovisuel.
D'autres ménages se chauffent au fioul. Là encore les prix du fioul domestique connaissent une flambée de leur coût ces dix dernières années. En 14 ans, le prix moyen de vente de 1000 litres de fioul domestique livré à domicile a augmenté de plus de 1000 euros.
Prix de l'énergie : le cas des entreprise
La flambée des prix de l’énergie est due à plusieurs facteurs dont la guerre en Ukraine et la production réduite d’énergie nucléaire (due à l’arrêt de réacteur après la découverte de corrosion et du calendrier des maintenances retardé par la crise sanitaire). Elle touche aussi les entreprises. Certains commerces craignent même de devoir fermer l’hiver pour réduire leur facture d’électricité.
C’est le cas de Jean-Christophe Gréaume, un boucher de Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime). "On a éteint tous les luminaires au niveau de la caisse. Mais ce sont des économies de bout de chandelle", expliquait-il en septembre dernier. Pour le reste, les économies d'énergie sont impossibles. "Ce qui consomme le plus, ce sont nos chambres froides. C'est incompressible, on est obligé de maintenir les températures, donc on ne peut pas les arrêter."
Le contrat d'électricité de ce boucher arrive à terme, et les tarifs annoncés sont explosifs. Jusqu'à 15 fois plus chers. "Avec le fournisseur Engie, en 2021, on payait 9 centimes les heures pleines d'hiver, qui était notre tarif le plus cher. On nous indique qu'en 2022 on sera au minimum à 32 centimes", indique-t-il. Les tarifs de la concurrence sont encore plus importants. Avec 10 salariés, le couple de commerçants ne sait pas s'il tiendra : "On ne peut pas faire face à de telles augmentations ! En plus on vient d'employer deux petits jeunes. La seule solution, ce serait qu'on soit aidé. Sinon, on va travailler à perte ou fermer tout l'hiver."
Comme lui, la moitié des entreprises françaises vont devoir renouveler leur contrat d'approvisionnement début 2023, avec le risque de prix multipliés. Le bouclier tarifaire poursuivi pour l’année 2023 a été étendu aux entreprises sur les prix du gaz et de l’électricité. Il concerne les TPE de moins de 10 salariés dont le chiffre d’affaires annuel de dépasse pas les deux millions d’euros. Les autres, devront faire face à cette hausse exponentielle des tarifs énergétiques.
Hausse des prix de l'énergie : la solution du biogaz
Face à cette situation, pour éviter la fluctuation des prix, des solutions sont mises en place en Normandie pour se détacher de la dépendance au gaz, notamment russe, et trouver d’autres solutions pour chauffer les logements. Dans la région, le département de l’Orne est à la pointe de la production de biogaz avec 11 unités de méthanisation en service sur son territoire.
Fin 2021, la part de gaz vert dans les réseaux était de 10% dans le département. Et à la fin de l’année 2022 entre 20 et 30% de la consommation du département en gaz sera verte, estime GRDF. Pour un objectif d’autosuffisance en gaz du département à l’horizon 2030. L’Orne deviendra alors le premier département autosuffisant en gaz en France.
La commune d’Argentan dans l’Orne est déjà 100% autonome en gaz grâce aux unités de méthanisation présentes à Fontenai-sur-Orne (Methacance) et d’Argentan (Methanergie). Elles alimentent en totalité les 3650 foyers raccordés au gaz naturel.
Le projet de construction d’une station de rebours à Mortagne-au-Perche permettra, lui, de relier plusieurs unités de méthanisation. Sa mise en service est prévue avant l’été 2023. Six méthaniseurs généreront l’énergie nécessaire pour alimenter 12 300 logements.
En Normandie, 22 sites injectent du bio méthane aujourd’hui dans les réseaux de distribution de gaz public : l’équivalent de la consommation de 60 000 logements, soit 2,4% de la consommation régionale. À la fin de cette année ce sont 40 sites qui injecteront l’équivalent de la consommation de 100 000 logements soit 4,3% de la consommation régionale.
À terme, l’objectif de GRDF étant de doter la France de 5000 unités de méthanisation est de rendre le pays 100% autonome en gaz.
Hausse des prix de l'énergie : des polaires pour passer l'hiver
Les communes aussi font face à la hausse des prix de l’énergie et toutes ne bénéficient pas du bouclier fiscal. Alors elles tentent de réduire leur consommation d’énergie notamment avec des plans de sobriété pris depuis le mois de septembre dernier. La baisse des températures dans les bâtiments publics font partis des mesures des mairies. A Périers dans la Manche, les classes seront maintenues à 19 degrés cet hiver. Alors le maire a décidé d’acheter des polaires pour ses 350 écoliers et à tous les agents des établissements scolaires de la commune. Elles seront distribuées à partir du mois de novembre. L'école publique ne sera pas la seule concernée. "Pour moi, tous les enfants sont égaux, expliquait le maire en octobre dernier. Je donnerai aussi des polaires aux enfants de l'école privée. Ça ne passera pas par les établissements, d'ailleurs, ce sera un don aux familles."
L’achat des 350 polaires, fabriquées en France, coûtera 6000 euros à la commune. Cette initiative pour adoucir les mesures de sobriété énergétique s’inscrit dans une politique d’économie d’énergie plus large de la commune. "En 2010, rappelle Gabriel Daube, le maire de Périers, nous avions fait un diagnostic avec Manche Energie. Tous nos bâtiments municipaux se sont avérés être des passoires thermiques : la mairie, les écoles, la maison des associations. Pour leur isolation, nous avons bénéficié de nombreuses aides de l'Etat (à hauteur de 80% du total). Les bâtiments ont vu leur efficacité énergétique augmenter de 40%. Et puis on a aussi refait tout l'éclairage public. Dès 2010, nous sommes passés à l'éclairage LED, ce qui nous a permis de faire 50% d'économie d'énergie sur ce poste." A cela s'ajoutent des achats groupés de gaz effectués avec le SDEM (syndicat des énergies de la Manche) pour alléger la facture.
Périers va également éteindre les éclairages publics à 23 heures, y compris sur ses axes principaux (Saint-Lô et Carentan-Coutances) : "À Noël, précise le maire, nous installerons des illuminations dans la ville, parce que je veux qu'il y ait quand même la fête, mais nous les éteindrons aussi à 23 heures."
Pour retrouver toutes les aides de l’Etat (chèque énergie, prime de rénovation du logement, et prime pour améliorer l‘habitat) c’est ici.