Les communes ne sont pas protégées par le bouclier tarifaire et leurs factures d'énergie augmentent, dans des proportions jamais vues. Certaines, comme Oissel (Seine-Maritime), ont mis en place un plan pour tenter d'encaisser le choc.

Ils ont manifesté devant la préfecture de Rouen le 6 octobre 2022. Rejoints par un député et une sénatrice PCF, des maires normands sont venus exprimer leur colère, face à l'explosion des prix de l'énergie. Ils ont demandé à être reçus par le préfet de région, pour que l'Etat vienne en aide aux communes, dont l'équilibre des budgets est mis en péril par la flambée des tarifs exigés par les fournisseurs de gaz et d'électricité.

C'est qu'une collectivité locale ne paie pas son énergie comme le fait un particulier pour son logement. Par obligation légale, et depuis l'ouverture à  la concurrence du marché de l'énergie, une commune doit passer un appel d'offres, puis signer un contrat avec un fournisseur. Mais, contrairement à un particulier, la société qui va vendre du gaz ou de l'électricité à un commune, va le faire sans appliquer les tarifs réglementés, ni les prix bloqués, mais en fonction des prix du marché.

Et les tarifs demandés peuvent être revus (à la hausse) d'une année sur l'autre.

Des montants de factures qui explosent

C'est ainsi qu'au début de l'année 2022, avant le début de la guerre en Ukraine, des maires avaient déjà eu la mauvaise surprise de voir leurs factures d'énergie être multipliées par trois. Exemple en Seine-Maritime avec Pavilly où le mégawatt/ heure était passée (entre 2021 et début 2022) de 40 à 253 euros, faisant monter la facture de 150.000 à 500.000 euros !

Idem dans la commune voisine de Barentin, avec une augmentation de la facture d'énergie comprise entre 245 et 295% avec, pour conséquence, la nécessité de devoir réaliser dans l'année une économie de consommation d'électricité d'1,5 million d'euros.

Dans un courrier en date du 28 janvier 2022, l'association des petites villes de France (présidée Christophe Bouillon, maire de Barentin) avait interpellé le gouvernement sur ces "hausses qui ne cessent de s'accentuer", pour demander une compensation avec la création d'une "dotation énergie, afin de préserver l'équilibre financier des budgets locaux."'

Mais, début février, au nom de "l'autonomie financière des collectivités locales", le ministre des comptes publics avait écarté l'idée d'un soutien de l'Etat aux communes confrontées à ces dépenses imprévues.

Faire des économies en réduisant la consommation d'énergie, mais est-ce suffisant ?

Comme ses collègues de Barentin et de Pavilly, Stéphane Barré, le maire (PCF) de Oissel (Seine-Maritime) s'est lui aussi inquiété, au début de l'année 2022, de la hausse du coût de l'énergie et des conséquences pour les finances de sa commune.

"On a imposé une dérèglementation des tarifs aux collectivités, et on s'aperçoit aujourd'hui que cette dérèglementation nous coûte horriblement cher !"

Stéphane Barré, maire (PCF) de Oissel (Seine-Maritime)

Dès le mois de mars, conscient que la crise énergétique allait avoir "un impact très fort sur sa collectivité et allait la mettre en difficulté financière", le maire de Oissel a réuni son bureau municipal pour étudier ce qui pouvait être fait pour réaliser des économies, notamment sur le gaz :

"On avait estimé le surcoût de la facture de gaz à 900.000 euros. Donc on a listé un tas de mesures, avec une décision des élus, et c'est un choix qui n'est pas toujours facile à assumer. Ca peut être aussi dans la douleur, parce que vous changez le service, mais il nous paraissait important. On ne voulait pas refacturer ça à notre population qui a des revenus modestes, ni par une augmentation drastique des services de la Ville (de l'ordre de plus de 30 %), ni par des augmentations importantes des impôts fonciers (là-aussi de l'ordre de 30%)."

C'est ainsi que le conseil municipal de Oissel a voté un plan d'économies avec, parmi les mesures, une baisse de un degré de la température des bâtiments administratifs (à l'exception des écoles, maintenues à 20 degrés), la fermetures de plusieurs salles des fêtes énergivores (coûtant plus cher à chauffer que de ce qu'elles rapportent en location). Une autre mesure avait été largement médiatisée : la fermeture de la piscine pendant six semaines (notamment pour travaux anticipés).

Mais comme le précise Stéphane Barré, ces actions n'allègent qu'en partie la facture :
"Elles ont permis une économie sur le gaz de plus de 100.000 euros, entre le 20 mars et le 30 juin . Mais ce n'est pas suffisant, face à des dépenses astronomiques. Il faudrait donc revenir à des tarifs réglementés, sur le gaz et sur l'électricité. Et que l'Etat mesure qu'il est nécessaire d'aider les collectivités, qui sont le relais par rapport à la population : on est en première ligne ! C'est nous qui allons subir tous les problèmes de nos habitants. Et donc il faut bien nous aider à passer cette crise."

 

Pas de bouclier tarifaire pour les communes

Contrairement au budget d'un ménage, celui d'une commune ne bénéficie pas de la protection du bouclier tarifaire pour acheter du gaz ou de l'électricité.

"Il ne faut pas laisser croire aux gens que baisser d'un degré le chauffage des bâtiments publics ou la température de la piscine suffira, pour boucler les budgets des communes !"

Nicolas Langlois, maire (PCF) de Dieppe

A Dieppe, la très importante hausse des tarifs de l'énergie réclamée par les fournisseurs à partir du 1er janvier 2023 représente une augmentation de plus de 3,3 millions d'euros ! Nicolas Langlois, le maire (PCF) de Dieppe, explique que, dans le budget de la ville, cette somme correspond "à l'ensemble de mon budget de soutien à la vie associative ou à celui de mon service d'aide à domicile qui intervient auprès de 900 personnes, dans le cadre de leur perte d'autonomie. 3,3 millions d'euros, c'est aussi le budget cumulé de mon service espaces verts et de ma propreté urbaine, dans une ville balnéaire et touristique !"

Nicolas Langlois fait partie de ces maires qui ne souhaitent pas répercuter les nouvelles dépenses d'énergie sur les habitants de sa ville en augmentant les impôts locaux (taxe d'habitation et/ou taxe foncière) ou le prix des prestations communales. Il estime qu'il faut revenir à un service public de l'énergie régulé. Très énervé, il se lance dans une diatribe :

"Pendant que Total et ENGIE se gavent et revendent de l'énergie plus cher qu'ils ne l'achètent à EDF, on est train de dépecer EDF, de faire les poches de notre entreprise publique, et tout ça au détriment des investissements nécessaires dans les centrales [nucléaires] sur les barrages hydroélectriques, sur les nouveaux modes de production d'énergie. Les tarifs et les factures augmentent : on fait non seulement  les poches d'EDF, mais aussi celles des familles, du service public et de l'industrie. Les spéculateurs, eux, s'engraissent ! Moi ce qui révolte, c'est que pendant que les familles paient leur chauffage  plus cher, il y en a qui se distribuent des dividendes et qui se gavent d'argent."

 

"Le col roulé c'est bien, mais on a quand même froid au cul"

Présent devant la préfecture de Rouen aux-côtés des maires pour s'opposer à l'explosion des tarifs, protéger les familles et demander le retour à un grand service public de l'énergie, Sébastien Jumel, député NUPES-PCF de la 6e circonscription de la Seine-Maritime a pris la parole pour interpeller le gouvernement. Le député dieppois a réclamé la création d'un bouclier social et a appelé, au-delà des partis politiques, tous les maires à réagir à la baisse constante des moyens pour les communes et exiger de l'Etat des mesures à la hauteur de la crise car "La commune, c'est le pilier de la République quand tout fout le camp".

Une baisse des dotations de l'Etat aux collectivités locales que Sébastien Jumel a comparé aux 5% d'augmentation du budget de l'Elysée en 2023. Et évoquant les mesures d'économies de chauffage demandées par le gouvernement, le député dieppois a déclaré que "le col roulé n'est pas la solution. Le col roulé, c'est bien, mais on a quand même froid au cul ! La régulation des prix de l'énergie c'est mieux."

Quelques heures plus tard, la Première ministre Elisabeth Borne a présenté le plan de sobriété énergétique de son gouvernement. Parmi les mesures annoncées : la baisse de la température dans les lieux publics et la limitation, voire l'extinction, de l'éclairage public.

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