Les 4 principaux syndicats de l’énergie ont appelé à la grève des salariés d’EDF. Ils rejettent les mesures prises par le gouvernement pour faire baisser la facture des français, et notamment celle de vendre au rabais l’électricité à la concurrence. Selon eux, l’Etat « pille » EDF.
Plus d’un agent sur trois est en grève, selon les chiffres de la direction d’EDF. A Flamanville (Manche), la CGT nous indique que ce mercredi 26 janvier 2022, on compte 80,72% de grévistes. A Penly (Seine-Maritime), c’est une opération escargot qui a été organisée jusqu’à la sous-préfecture.
Nicolas Vincent, délégué CGT, souhaitait "demander au sous-préfet de se faire le portevoix de nos revendications, et demander une entrevue à Bruno le Maire qui viendra sur Dieppe ce vendredi." Leurs revendications : arrêter de vendre au rabais l’électricité à la concurrence et revenir à un service public de l’énergie. Explications.
Pourquoi EDF vend son électricité à bas prix à ses concurrents ?
Tout découle d’une promesse émise par Jean Castex en septembre 2021. Le premier ministre a annoncé un « bouclier tarifaire » pour contrer la flambée des prix de l’énergie. Il est question de limiter la hausse du prix de l’électricité sur la facture des consommateurs de 4%. Première décision : réduire la principale taxe sur l’électricité. Une perte fiscale de 8 milliards d’euros pour l’Etat.
Mais dans un contexte de haute inflation, cela n’est pas suffisant pour compenser la hausse – et honorer sa promesse. Alors le gouvernement a fait ce choix : contraindre EDF à vendre à bas prix jusqu’à 40% de sa production électrique en 2022. Selon Bruno Le Maire, ministre de l’économie, cela coutera entre 7,7 et 8,4 milliards d’euros à EDF. "C'est inadmissible car EDF est dans une situation très précaire", explique Mickael Delozier. Selon ce syndicaliste de Sud Energie Penly, "EDF doit investir, non seulement pour maintenir ses tranches nucléaires, mais aussi pour dans d’autres énergies renouvelable où nous sommes en retard".
Les agents EDF en grève craignent pour la santé de leur entreprise. Ils demandent la suppression de ce qui permet cette vente au rabais : L’ARENH.
L’ARENH, c’est quoi ?
L’ARENH (prononcer « A Rennes »), ça veut dire Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique. Le dispositif a été mis en place en 2011 dans le cadre de la loi NOME. Cette loi vise alors à améliorer le jeu de la concurrence sur le marché français. Sur son site, le ministère de la transition écologique explique que les fournisseurs alternatifs (c’est-à-dire Engie, Total Direct Energie, Eni, et des dizaines d’autres) peuvent bénéficier de l’ARENH : "Cette source d’approvisionnement en électricité est fournie dans des conditions de coûts équivalentes à celles de l’opérateur historique". Une manière de garantir une équité.
Johanne Debunne, déléguée CGT DPN à Flamanville 3, explique qu’"à la mise en place de l’ARENH, on avait négocié un volume maximal de 100 térawattheures (TWh) et un prix de vente de 42€/MWh", mais l’état se laissait la possibilité d’augmenter ce plafond de vente.
Et c’est ce qu’il vient de faire. Désormais, ce sont 120 TWt qui seront vendus à prix réduit par EDF à ses concurrents. Dur à encaisser pour l’opérateur public. Alors le gouvernement a également augmenté le prix de vente, passant de 42 à 46,2 € /MWh. Pas suffisant pour convaincre les syndicats.
Quels sont les failles de ce système ?
Pour Johanne Debunne, "le gouvernement pille EDF". Selon la syndicaliste, "entre les maintenances et les différents problèmes techniques, on a cinq centrales à l’arrêt en France. Donc on a des difficultés à fournir de l’électricité. Conséquence : on rachète à 300 euros du mega watt, et on le revend à 46 euros. Ça fait un trou de 8 milliards d’euros".
Cette semaine, les syndicats ne rejettent pas seulement cette mesure du gouvernement, mais toute l’ouverture du marché à la concurrence. "Le fait d’avoir mis l’électricité sur le marché, c’est une gageure, lance Mickael Delozier. On voit que depuis 10 ans, l’électricité a augmenté de 50 à 60%, et cela est dû à la mise en concurrence de ce bien commun qu’est l’électricité".
Et la situation n’est pas beaucoup plus rose chez les fournisseurs alternatifs, qui souffrent grandement de la flambée des prix. La société Oui Energy est entrée en procédure de redressement judiciaire pour son activité de fourniture d’électricité et de gaz, à cause de « la hausse mondiale et spectaculaire des cours de l’énergie ».
Comme le rappelle l’AFP, cette hausse des cours a déjà fait d’autres victimes. E. Leclerc Énergie avait arrêté de fournir de l'électricité à ses clients fin octobre. Le fournisseur Hydroption s'est retrouvé en liquidation judiciaire. La société Bulb, vient à son tour de perdre son autorisation de vente en France. Cdiscount Energie (groupe Casino) arrête de son côté la fourniture de gaz à compter du 6 avril.