Affichant un déficit de plus de 200.000 euros, la saison 2022-2023 sera la dernière du Saint-Raphaël Var Volley-Ball. La fin de ce club mythique du Var suscite autant d'émotion que d'indignation, après que l'agglomération Estérel Côte d'Azur n'a pas voulu sauver le Dauphin du naufrage.
"Voilà, c’est fini, après 76 années de présence, le Dauphin ne jouera plus au Volley-ball à Saint-Raphaël !". Le Dauphin, c'est l'équipe de volley-ball féminine du Saint-Raphaël Var Volley-Ball (SRVVB). Et ces mots, inscrits en rouge en haut d'un communiqué de presse publié par le club le 29 juin dernier, marquent la fin d'une époque.
À Saint-Raphaël, le ballon n'ondoiera plus de part et d'autres du filet sous les impulsions énergiques des douze joueuses de l'équipe. En état de cessation des paiements, le club a déposé le bilan le 5 juillet, faute de disposer de ressources financières suffisantes pour continuer à prospérer. Depuis, il se trouve en situation de liquidation judiciaire.
230 000 euros de déficit
Une mise en difficulté causée par deux facteurs.
D'abord, on nous a demandé d'avoir une structuration plus professionnelle au sein du club d'ici à 2025, afin de pouvoir continuer à évoluer en ligue AF (ligue A féminine, le championnat de France féminin de volley-ball, NDLR)
Christine Girod, présidente du SRVVB
"Concrètement, on nous demande de renforcer notre ossature administrative avec un manager général, un chargé de communication, un responsable marketing, un secrétariat... poursuit l'ancienne volleyeuse, présidente l'association sportive depuis plus de 28 ans. Cela qui implique des coûts salariaux supplémentaires.
À cela s'est ajouté une défection de certains partenaires, du fait de la conjoncture économique actuelle. "Après la crise liée au covid, plusieurs d'entre eux ne pouvaient pas s'engager autant que les années précédentes, voire pas du tout, continue Christine Girod, alors on s'est très vite rendu compte qu'il allait nous manquer 230 000 euros pour terminer la saison 2022-2023".
Audit sur la gestion des finances
Devant ce constat, la présidente du club raphaëlois appelle l'agglomération Estérel Côte d'Azur à l'aide. Celle-ci la subventionne à hauteur de 260.000 euros par an. "Une dotation bien inférieure à celles attribuées au handball ou au foot, qui sont de plus d'un million d'euros", note Christine Girod.
Selon elle, le maire de Saint-Raphaël et président de l'agglomération Frédéric Masquelier promet alors au club de volley-ball féminin une subvention exceptionnelle pour lui permettre de redresser la barre, tout en l'assurant de son plein soutien.
Au mois de mars, l'édile intime néanmoins au Dauphin de se soumettre à un audit du cabinet de conseil Deloitte, afin de vérifier qu'il n'y ait pas eu de malversation ou de détournement de fonds quelconque dans les comptes de l'association du club sportif.
Un bras de fer avec l'agglomération Estérel Côte d'Azur
Le rapport tombe mi-avril. Il démontre l'absence effective de trésorerie suffisante pour finir la saison. Le 7 mai 2023, Frédéric Masqulier fait savoir aux dirigeants des Dolphins qu'ils doivent renoncer au championnat professionnel pour se concentrer sur le secteur fédéral.
Pourtant, lors d'une entrevue en date du 11 mai, il leur laisse ensuite entrevoir la possibilité de se maintenir au haut-niveau, sous certaines conditions. Celles-ci ne seront, selon le maire de Saint-Raphaël, jamais remplies.
Fin mai, Frédéric Masquelier décide donc de conditionner la subvention exceptionnelle dont a besoin le SRVVB, dixième au classement de la ligue AF, à sa mise en état de cessation des paiements. Ce statut étant une clause de relégation, cette action acterait le cas échéant le retrait du Dauphin de l'élite du volley-ball féminin français.
Une mauvaise gestion budgétaire ?
L'agglomération Estérel Côte d'Azur - qui regroupe les cinq communes des Adrets de l’Estérel, Fréjus, Puget sur Argens, Roquebrune-sur-Argens et Saint-Raphaël - justifie son action en pointant une mauvaise gestion des finances du club :
"La seule réalité est que si le club se retrouve en état de cessation de paiements et au bord de la liquidation judiciaire, c’est parce que les organes dirigeants ont dépensé, en toute connaissance de cause, de l’argent qu’il n’avait pas en recourant à des artifices comptables et financiers", a commenté Frédéric Masquelier dans un communiqué.
Il ajoute : "ainsi, l’audit confié au cabinet DELOITTE a montré que pour la saison 2022-2023, les dépenses ont considérablement augmenté par rapport à la saison précédente, notamment les frais de personnel en raison d’embauches dans l’encadrement sportif et administratif pour 85 000€ et la prise de fonction d’un nouveau directeur général à mi-temps pour 60 000€.
Des raisons politiques ?
Pour Christine Girod, l'abandon des Dolphins par l'agglomération serait également lié à l'ancien co-président du SRVVB. Démissionnaire en décembre 2022, celui-ci aurait fait la campagne d'un autre candidat à la mairie de Saint-Raphaël lors des dernières élections municipales.
Plusieurs membres du club évoquent aussi une opportunité de destruction de son gymnase historique, la salle Pierre Clere, envisagée depuis déjà trois ans pour permettre d'autres constructions sur le terrain. "C'est à se demander si ça n'arrange pas tout le monde que nous n'existions plus ?", s'interroge Christine Girod.
"Je tiens à rappeler que les subventions publiques représentaient 70% du budget total du club, ce qui montre que l’on est bien loin des allégations relatives à un prétendu désintérêt des collectivités locales", se défend Frédéric Masquelier, toujours par voie de communiqué.
"Pour conclure, j’aime le sport, tous les sports, masculin et féminin, et c’est pourquoi la ville de Saint-Raphaël et l’agglomération poursuivront leurs efforts chaque année pour développer le sport professionnel et amateur", appuie-t-il.
Le SRVVB, la belle histoire d'un club aux multiples succès
Ces manœuvres entachent la fin d'un club de sport qui aura marqué son époque. Fondé en 1947, le SRVVB a été sacré champion de France en 2016. Il a aussi remporté la Coupe de France en 2019. Ses résultats nationaux lui ont en outre permis de participer à deux reprises à la Coupe d'Europe.
Ce lundi 24 juillet, l'émotion était donc au rendez-vous à la salle Pierre Clere. "Forcément, c'est une page qui se tourne, confie tristement un salarié du club, on a vécu de belles soirées ici". "C'est la fin d'une belle histoire", s'émeut une autre.
Mais la gravité du moment vient effacer la nostalgie : "on est ici pour faire l'inventaire de tout ce qu'on a, trouver des acquéreurs et avec l'argent, combler le déficit du club et payer les joueuses", explique un licencié. En effet, les salaires n'ont pas été versés aux joueuses depuis le mois de mai.
"Je suis écoeuré de voir comment finit ce club" témoigne Albéron Matteucci. Arrivé à 14 ans, aujourd'hui âgé de 90, il en est membre depuis sa création en 1947. "Avec le palmarès que nous avons et les sacrifices que nous avons faits, je trouve qu'on ne méritait pas ça".
"Il n'y a plus rien"
Et ce n'est pas seulement le secteur professionnel qui disparaît. Il en est de même pour les secteurs fédéral et amateur. En tout, le SRVVB comptait 449 licenciés dont 96 compétitrices. Maintenant, "il n'y a plus rien", déclare Christine Girod.
Les problèmes d'argent auront eu raison du Saint-Raphaël Var Volley-Ball. Des difficultés pécuniaires impossibles à surmonter pour les Dolphins, qui n'ont pu relever le ballon avant que celui-ci ne touche le sol.
"C'est dommage, c'est le sport féminin qui en pâtit", conclut Christine Girod, amère.