Pendant trois ans, le maire de Toulon, Hubert Falco, aurait vu ses repas payés par le conseil départemental du Var. Des accusations de "recel de détournement de fonds public" que l'élu entend démentir au procès dit du "frigo de Falco", prévu ce mardi 11 avril à Marseille.
Maire de Toulon depuis 2001, Hubert Falco, 75 ans, ex-LR désormais rallié au président Emmanuel Macron, a également dirigé le département du Var, de 1994 à 2002.
Bien après son départ, l'élu toulonnais, seulement président honoraire de cette collectivité, aurait pourtant continué de venir manger à la cafétéria, très régulièrement. Aux frais de l'institution.
Plus grave, selon Laurent Defraize, ex-responsable des cuisines du Département, les repas du soir et du week-end de l'élu et son épouse étaient toujours préparés par le personnel, avec des ingrédients achetés sur le budget du conseil départemental.
"Le frigo de Falco"
Un maître d'hôtel et un cuisinier étaient affectés à ces tâches, occasionnant aussi le paiement d'heures supplémentaires par le conseil général. Ces repas et les aliments nécessaires à leur confection étaient stockés dans un frigidaire dédié au maire de Toulon. D'où "le frigo de Falco", le nom à l'origine de cette affaire judiciaire qui sera traitée par la justice marseillaise à partir de ce mardi 11 avril.
Entendu par les enquêteurs le 26 février 2020, ce témoin s'est suicidé moins d'un mois plus tard, le 11 mars 2020.
Si, devant les enquêteurs, plusieurs témoins à décharge l'avaient qualifié de "manipulateur" voire de "consommateur de cannabis et de cocaïne", l'accusant d'avoir en fait voulu dissimuler des "prestations privées", Laurent Defraize a vu ses affirmations corroborées par de nombreux autres salariés du Département, dont au moins un ancien directeur général des services.
Poursuivis dans cette affaire, trois d'entre eux ont d'ailleurs déjà été condamnés, en mars 2022, dans le cadre d'une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité, a souligné auprès de l'Agence France-Presse Maître Alain-David Pothet, avocat de l'association anticorruption Anticor, partie civile dans le procès d'Hubert Falco.
1500 euros par mois entre avril 2015 et octobre 2018 ?
Au total, selon les enquêteurs, ces repas privés servis à M. Falco et son épouse sur les fonds publics du Département se seraient montés à plus de 64.500 euros, sur une base de 1.500 euros par mois. Et ce sur la seule période visée par le dossier, entre avril 2015 et octobre 2018.
Hubert Falco est aussi accusé d'avoir fait laver son linge personnel aux frais du conseil départemental.
"Fourberie judiciaire"
Face aux parties civiles, Anticor et le syndicat départemental UNSA des territoriaux du Var, à l'origine de ce dossier par un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale, il n'y aura plus que deux prévenus mardi, devant le tribunal correctionnel de Marseille : Hubert Falco et Marc Giraud.
Président du conseil départemental du Var à l'époque des faits contestés, ce dernier a été contraint d'abandonner son fauteuil en 2022, après une condamnation pour détournement de fonds publics. Le même chef de mise en examen qui le conduit une nouvelle fois devant la justice.
Poursuivi de recel de détournement de fonds publics, M. Falco est "impatient de s'expliquer", a assuré à l'AFP son avocat, Me Thierry Fradet, dénonçant des "accusations grotesques, fondées sur la base d'une entente entre différents personnages".
"Aucune enquête contradictoire"
Complot politique ? Vengeance personnelle ? "Nous réservons nos explications au tribunal", a précisé l'avocat du maire de Toulon, regrettant que dans ce dossier il n'y ait eu "aucune enquête contradictoire" : "Cela va donc nous obliger à refaire l'enquête à l'audience", a expliqué Me Fradet, en annonçant qu'il fera citer 21 témoins en défense.
Evoquant "une fourberie judiciaire", sur la base d'une simple citation directe du parquet, l'avocat de Marc Giraud affirme : "La moindre des choses serait que le tribunal renvoie au parquet pour une information judiciaire et qu'il y ait une vraie enquête, par un juge d'instruction".
"Des plateaux à deux euros à la cantine, on voit la gabegie", ironisait Me Jean-Claude Guidicelli auprès de l'AFP, à quelques jours de l'audience, affirmant, rapports de la chambre régionale des comptes à l'appui, que M. Giraud avait quitté le département avec un solde positif de 250 millions d'euros, contre un déficit de 50 millions à son arrivée en 2015.
Et pas question pour lui de s'exprimer sur ce supposé frigo: "M. Giraud n'était pas gardien de nuit et n'allait pas dans les cuisines".
Ce procès qui s'ouvre ce mardi 11 avril à Marseille doit se tenir jusqu'à vendredi.
- Avec AFP