Le tribunal correctionnel de Marseille a condamné à un an de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende un officier de marine jugé pour harcèlement moral après le suicide en 2010 d'un sous-officier lui servant de maître d'hôtel à bord d'une frégate.
En 2010, Eric Delepoulle, 43 ans, commandait la frégate La Fayette. C'est à cette époque que l'un de ses sous-officiers, Sébastien Wanke, qui lui servait de maître d'hôtel s'est suicidé. Le jeune homme avait été retrouvé le 15 juin 2010, pendu à bord de la frégate légère furtive, qui se trouvait alors au large de la Sicile.
Poursuivi pour harcèlement moral l'officier de marine a été condamné ce lundi par le tribunal correctionnel de Marseille à un an de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende.
Le tribunal a rejeté la demande du prévenu de dispense d'inscription au casier judiciaire.
A l'audience, le 18 novembre dernier, le procureur avait requis un an d'emprisonnement, "éventuellement assorti de sursis", et 6.000 euros d'amende, à l'encontre d'Eric Delepoulle, capitaine de frégate au moment des faits, promu depuis capitaine de vaisseau à l'état-major.
La famille soulagée
Dans son réquisitoire, le procureur Emmanuel Merlin avait souligné que les peines maximales prévues par le code pénal (un an de prison et 15.000 euros d'amende à l'époque des faits, deux ans et 30.000 euros aujourd'hui, ndlr) "ne semblent pas faire justice à ce qui s'est passé".En pleurs à la sortie de l'audience lundi, la mère de la victime, Martine Wancke, a exprimé son "soulagement" et lu un petit texte.
"C'est la victoire de Sébastien, qui a voulu par son geste ultime mettre au jour l'injustice dont il a été victime, sous les ordres de ce pacha qui ne pourra plus exercer son rôle de +seul maître à bord
C'est un énorme soulagement, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont eu le courage de témoigner. Sans eux, ce jugement n'aurait pas pu aboutir", a-t-elle dit, souhaitant que l'ex-capitaine "n'ait plus l'occasion de commander, de martyriser n'importe quel marin. Sébastien ne sera pas mort pour rien, c'est un peu sa vengeance".
Le bateau de l'enfer
M. Delepoulle, qui comme à l'audience n'était pas en uniforme, n'a pas réagi à sa condamnation.Les plus de 70 témoins interrogés à l'instruction avaient presque tous raconté la même histoire: dans le huis clos de la frégate commandée par Eric Delepoulle, régnait une "ambiance exécrable". Les "pressions permanentes", sous le commandement d'un gradé distribuant largement les punitions et "se prenant pour Dieu à bord" ou "Louis XIV", avaient conduit ce bâtiment à être surnommé le "bateau de l'enfer".
D'après l'enquête, le second maître faisait face depuis un an et demi à des "rythmes et charges de travail écrasants", jusqu'à 15 heures par jour, organisant les repas des officiers, le service à table, nettoyant les appartements du commandant, et réalisant même des travaux de peinture en plus de ses charges opérationnelles. Le tout avec, selon le juge d'instruction, un niveau d'exigence "excessif, voire abusif, au point de revêtir un véritable aspect vexatoire".
Après avoir eu connaissance de la mauvaise atmosphère à bord lors de l'instruction, l'officier de 43 ans avait tempéré, à l'audience, son appréciation. "Retracer l'ambiance sur 18 mois en disant qu'elle a été un long fleuve tranquille (...) ne reflète pas la stricte vérité", avait-il euphémisé à la barre, tout en affirmant avoir été "très content (des) services" du second maître Wancke.
Une autre partie civile, le maître Olivier Berger, chef de cuisine, qui avait développé un psoriasis, s'est vu attribuer 11.500 euros de dommages et intérêts.
Avec Afp.