"Un bordel joyeux" : on vous raconte les coulisses du concert de Bob Marley à Toulon en 1980

Lors de la dernière tournée de Bob Marley, quelques mois avant sa mort, le chanteur jamaïcain se produit en juin 1980 dans un stade Mayol envoûté. À l'occasion de la sortie de son biopic ce 14 février, et de l'anniversaire des 79 ans de sa naissance le 6 février, retour sur l'étape azuréenne du roi des rastas.

Bob Marley aurait eu 79 ans le 6 février. Le chanteur jamaïcain continue d'alimenter l'actualité avec la sortie d'un biopic qui lui est dédié, “Bob Marley : One Love” le 14 février prochain, jour de la Saint-Valentin. Il est produit et réalisé par son fils, Ziggy, qui voulait dévoiler les dessous de la vie du roi du reggae.

Les amoureux de reggae n'ont pas oublié cette figure qui a permis de populariser le mouvement rastafari aux côtés d'Alton Ellis, Peter Tosh, Toots and the Maytals, et bien d'autres.

Le 26 juin 1980 est un jour marqué d'une pierre blanche pour les fans de Bob Marley. Ce jour-là, le compositeur et interprète le plus célèbre du reggae donne de la voix dans la rade toulonnaise, à l'invitation d'une association culturelle locale : Albatros. Son terrain de jeu ce jour-là, le Stade Mayol.

Lui, le grand fan de football, se produit dans l'enceinte des rugbymen, antre du RC Toulon. 

Parmi les Toulonnais qui l'ont suivi durant les trois jours de son passage dans la plus grande ville du département, il y a Claude Ardid. Ancien journaliste de Var Matin, il commence à peine sa carrière quand il voit débarquer la star jamaïcaine, une icône pacifiste, figure du mouvement rasta.

"Un gars hyper accessible"

Rencontrés par une équipe de France 3 en 2021, aux côtés de son ami Dominique Khim qui a orchestré l'organisation du concert, ils évoquent sur place les souvenirs d'un concert hors normes.

"À Toulon, on n'avait jamais vu ça. C'était un soir exceptionnel. À l'époque, il n'y avait pas de grands concerts". Dominique Khim se souvient de l'après-concert. "Vers minuit, on est allés au Mourillon, dans une pizzeria, ensemble, avec les musiciens, les techniciens..."

À propos de Bob Marley, il se souvient aussi d'"un gars hyper accessible, d'une simplicité extraordinaire. On avait l'impression que ce n'était pas lui l'artiste."

"Un bordel joyeux"

Dès sa descente d'avion, à Marignane, les premiers fans sont déjà là. Un ami de Claude Ardid va même convoyer dans sa voiture un des membres de l'équipe de Bob Marley. Le Jamaïcain est là avec sa toute sa bande, The Wailers - le groupe qui l'accompagne en studio et sur scène, ainsi que sa femme, son fils, des roadies, des amis... "Au moins une trentaine de personnes", se souvient Claude Ardid.

Il y avait tous les médias internationaux aux abords de l'hôtel de luxe qui accueillait les artistes.

Claude Ardid, journaliste

Sur le mont Faron, dominant la baie, Claude Ardid se souvient de voir descendre du bus la star du reggae, jongler avec un ballon rond avant de s'engouffrer dans le lobby. C'est dans la ville toulonnaise qu'il reçoit d'ailleurs un disque d'or pour son dernier album. 

Quelques jours plus tard, toute la bande, la veille du concert, descend telle une "caravane" dans le centre-ville pour effectuer quelques achats. La nouvelle de la présence de Bob Marley parmi les Toulonnais se répand vite. Air festif, c'est déjà l'été, la star est accessible. Tous sont heureux de se produire dans cette partie de la France, qu'ils ne connaissent pas. Le tout se fait dans "une incroyable bienveillance" qui ne serait plus possible aujourd'hui, assure le journaliste qui couvrait tous les évènements culturels locaux avant de poursuivre sa carrière à Paris auprès des grandes sociétés de production audiovisuelle.

Claude Ardid va pouvoir échanger avec Bob Marley. Il se souvient que la légende du reggae l'a interrogé sur Toulon et ses environs. "Il est curieux, je lui parle de la rade de Toulon, du port militaire"... Un détail qui amuse le chantre de l'amitié entre les peuples, fervent anti-militariste.

Record d'affluence

À Mayol, ce 26 juin 1980, c'est un record d'affluence qu'atteint le concert. "Cela a été un tsunami aux couleurs de la Jamaïque" se souvient Claude Ardid, surpris qu'on le sollicite encore ce jour pour parler de cet évènement unique.

Cela a été un tsunami aux couleurs de la Jamaïque.

Claude Ardid, journaliste

Lorsque l'association Albatros propose quelques mois en amont ce concert, les pontes de la mairie ne connaissent pas l'artiste jamaïcain. "Ils étaient sur une jauge de 3 000 ou 4 000 personnes". Le jour J, c'est plus de 22 000 personnes qui viendront assister au concert. "Je dirais plutôt 30 000" insiste Claude Ardid. Le record d'affluence à Mayol est en tout cas battu. Encore à ce jour, nous a confié une personne du Rugby Club toulonnais.

Au stade, les camions qui amènent du matériel pulvérisent à leur passage les piliers d'entrée du parking. Peu avant le concert, un football est improvisé par Marley et les siens. Journalistes, roadies... tous tapent le ballon sur cette scène réservée à l'ovalie.

"Un moment de communion, de paix"

À 22 ans, Jean-Claude Martinez est un passionné de musiques tropicales. Il possède à l'époque un ou deux albums de Bob Marley, et ce concert toulonnais, il va y assister. Partis de Cannes dans la matinée, il gagne les abords de Mayol vers midi, avec sa femme, son frère et sa conjointe. De cette journée, il garde le souvenir d'"un moment de communion, de paix" et d'un concert exceptionnel animait par celui qui, "lorsqu'il chantait, savait pénétrer les coeurs".

À la mi-journée, "c’était fermé bien entendu, mais on a décidé de rester là" se souvient celui qui compte bien aller voir le biopic qui sort cette semaine. Les quatre spectateurs venus de Cannes se posent, ils ont de quoi se sustenter. Peu à peu, ils voient une foule se presser aux alentours du stade.

"On était très bien, les gens ont commencé à arriver, de plus en plus. La soirée avançant, on s’est retrouvé coincé devant les grilles, et ça poussait" explique-t-il. 

Il n’était pas prévu qu’il y ait autant de monde en fait. C’était énorme, bon enfant.

Jean-Claude Martinez

"Vers 18h ou 18h30, ils ont ouvert les grilles, et on a fait un 100 mètres. Tout le monde courait à toute vitesse pour arriver devant la scène. Nous, nous sommes arrivés à nous placer à une dizaine de mètres." C'est une ambiance hors normes sur place. "Les tribunes étaient pleines, ça commençait à fumer énormément d’herbe. C’était un fourneau, c’était énorme" poursuit Jean-Claude.

En première partie, c'est Rita Marley qui officie. Un concert rapidement oublié, la prestation ne convainc pas vraiment. Passé 22 heures, ce sera au tour de Bob Marley d'envoûter l'immense scène installée pour l'occasion, haute de plus de deux mètres.

The Wailers, les musiciens qui accompagnent Bob Marley, arrivent d'abord. De longues minutes passent avec que l'artiste jamaïcain ne les rejoigne sur scène. "On a commencé à croire qu'il ne viendrait pas" se remémore Jean-Claude. La magie opère rapidement, le concert se tient parfaitement.

Seuls quelques diapositifs animés complétés de morceaux de musique captés ce soir-là subsistent en ligne.

Au lendemain de cette prestation d'anthologie, moment unique pour les fans de l'artiste, c'est la pelouse qui fait triste mine. "Imaginez autant de personnes sur une pelouse, avec des joints, des bouteilles" se souvient dans un sourire Claude Ardid. Si l'acoustique laissait à désirer, il se remémore ce soir comme un moment inoubliable.

La playlist du concert : Natural Mystic, Positive Vibration, Revolution, I Shot The Sheriff, No Woman, No Cry, Could You Be Loved ou encore Get Up, Stand Up...

Un concert qui aurait dû être annulé

Claude Adrid se souvient d'avoir feuilletonné cette séquence sur plusieurs semaines dans les pages de Var Matin, avec l'aval de son rédacteur en chef. Proches des membres de l'association qui a eu l'audace de créer ce concert, il raconte aussi à quel point les autorités locales n'ont pas compris la portée de la venue d'un tel artiste. "Quand la location du stade a été abordée en conseil municipal pour le concert, personne ne connaissait Bob Marley" affirme Claude Ardid.

Quelques jours avant le concert, la tension monte parmi les autorités locales. Elles tentent d'interdire le concert, de peur d'être débordés par la foule. Mais il est trop tard, aucune marche arrière n'est possible, le concert du siècle à Toulon aura bien lieu.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité