Le coup d'envoi du Festival d'Avignon a été donné vendredi soir avec le metteur en scène français Thomas Jolly et son oeuvre "Thyeste"
de Sénèque, l'une des pièces les plus noires du répertoire classique.
"Thyeste" de Sénèque, en ouverture, le Festival d'Avignon démarre son édition 2018 avec l'une des pièces les plus noires du répertoire classique.
affirme Thomas Jolly son metteur en scène. Déterminé à se venger de son frère Thyeste (Damien Avice) qui a eu une relation avec sa femme, le roi Atrée (Jolly), lui fait manger à un banquet la chair de ses enfants. Voilà pour la trame. "Un crime contre l'humanité", "cannibalisme" sont des mots qui résonnent dans cette pièce "immontrable", selon Jolly.Je n'ai jamais lu un texte aussi violent
Un voyage mental
Pourtant, sur scène, à aucun moment on ne voit d'enfants tués ou Thyeste en train de manger sa progéniture et même deux "têtes" ensanglantées sont rapidement dégagés de la vue du public. "C'est un voyage mental, c'est une pièce vénéneuse qui vient infecter l'esprit
même des spectateurs", explique Thomas Jolly, une des principales figures de la nouvelle génération de metteurs en scène français.
Si on montrait la violence, on la réduirait", estime-t-il. "Même si j'utilisais des litres de faux sang, même si je partais dans une mise en scène trash, n'importe quel moyen serait moins impactant que ce qu'un spectateur peut imaginer". Il a choisi pour tout décor, un banquet et deux sculptures géantes, l'une représentant un masque avec la bouche grande ouverte comme saisi d'effroi devant le crime qui va
êre commis. "Tout sombrera, la religion, la justice et la confiance entre les hommes", annonce la Furie (Annie Mercier) qui donne le ton en prélude.
Tragédie contemporaine
A des moments, des phrases de la pièce sont chantés en mode rap, comme pour accentuer le côté contemporain de cette tragédie. "Cette pièce a des échos très forts avec l'actualité, elle peut nous rappeler une histoire personnelle, un conjoint, un frère, une famille, mais aussi les conflits internationaux dont on n'arrive plus à en sortir", explique Thomas Jolly.
"Ce que nous pose Sénèque, c'est que la violence et la vengeance mènent à une impasse", poursuit le metteur en scène. Mais si la pièce ressemble à une version de la fin du monde, Jolly souligne que l'auteur a voulu à travers cette pièce atteindre les plus bas instincts humains pour faire un plaidoyer en vue d'un monde meilleur. La pièce est conclue par une phrase de Sénèque, qui résonne comme un appel à tolérance toujours d'actualité: "Une seule chose peut nous rendre la paix; c'est un traité d'indulgence mutuelle".