Pour ce 25ème jour d’audience, la cour a entendu, ce 9 octobre, les témoignages des proches de deux des 51 accusés de cette affaire tentaculaire "des viols de Mazan". Tous décrivent le premier coaccusé comme "généreux, le cœur sur la main". Et pourtant, c’est bien pour des faits de viol aggravé que l’homme comparaît.
Ils sont parents, amis, voisins. Ils menaient une vie bien rodée dans le Vaucluse. Mais aujourd’hui, ils ont tout mis en pause, pour témoigner en faveur de Didier S. Ce dernier, 68 ans, comparaît ce 9 octobre devant la cour criminelle de Vaucluse pour viol aggravé sur la personne de Gisèle Pelicot.
"On ne parlait pas choses intimes"
Yvette est la petite sœur de l’accusée. La dernière d’une fratrie de 7 enfants. Cette affaire, elle l’a découverte lorsque son frère a été placé en détention : "je suis allée le voir au parloir, à Aix-en-Provence. J’ai appris petit à petit, mais je ne connais pas les détails". Yvette n’a jamais lâché son frère :"je l’appelais tous les jours, je voulais être là",dit-elle. Malgré les faits de viol qui lui sont reprochés, Yvette décrit un homme "doux et prévenant, toujours attentionné avec les amis et la famille". Que savez-vous des faits, lui demande le Président de la cour criminelle de Vaucluse ? "C’est très surprenant, je ne connaissais pas du tout ces choses de lui", indique la témoin. "Mais on ne parlait pas des choses intimes dans la famille, c’est comme ce viol qu’il a vécu à l’adolescence, je ne savais pas du tout." Car Didier S aurait été violé, à l’âge de 16 ans. Il l’a dit à la psychologue qui le suit depuis que l’affaire a éclaté. Avant cela, personne ne savait. D’ailleurs lui-même dit de cet évènement "j’ai mis un mouchoir dessus, et j’ai continué ma vie." Après son témoignage, Yvette a décidé de rester à l’audience. Elle regarde son frère, qui cache sa barbe dans son masque chirurgical, et écoute attentivement tous les débats, découvrant ce système judiciaire qui se penche ce jour sur son grand frère. À la sortie, elle reste discrète et refuse de parler à la presse, mais on ressent que le moment a été douloureux pour elle.
La nuit du 30 janvier 2019, Didier S. se déplace à Mazan. Lui, pensait, dit-il aux enquêteurs, avoir une relation sexuelle avec Dominique Pelicot. Depuis son opération de la prostate en 2014, il ne peut plus avoir d’érection, alors il "cherche du sexe, mais pas un homme", précise-t-il à la cour. Florence est probablement l’une des plus vieilles amies de Didier S, "depuis l’âge de 8 ans". Elle aussi décrit un homme "à la gentillesse incroyable, c’est un sauveur ." Gisèle Pelicot trépigne sur sa chaise, glisse un mot à son fils. Ce soir de janvier 2919, il ne l’a pas sauvée.
Un homme peut-être "un peu influençable, un peu naïf "
A-t-il été dupé par Dominique Pelicot ? "Il m’a dit qu’il s’est fait piéger, que quand il est arrivé sur les lieux à Mazan, ce n’est pas ce qu’il espérait. Il m’expliquait que c’était un jeu, et qu’au bout d’un moment, il avait peut-être un peu des doutes."
Une autre amie, Christine, connaît l’accusé depuis 36 ans, son mari était dans le même club de moto. Pour elle, Didier S "ne comprenait pas ce qu’il avait fait, ni pourquoi il l’avait fait." Après ces témoignages, Didier S. s’effondre en larmes, en arrivant à la barre : "sans ma petite sœur, je n’aurais pas pu supporter tout çà." L'accusé n’articule guère, et le Président de la cour peine à entendre
L’avocat de Didier S. demande à son client : "que pensez-vous du viol ?". Didier S s’émeut : "le viol, c’est abominable, c’est pire que tout, et je m’excuse de n’avoir pas compris ce qu’il se passait."
Comme à chaque fois qu’un accusé se tourne vers elle, Gisèle Pelicot détourne le regard. Elle l’avait dit dès le premier jour du procès : "il n’y a pas d’excuse entendable."