"Une manière de concevoir qui a été oubliée" : comment l'urbanisme peut nous protéger du vent

Dans les régions touchées régulièrement par des épisode de mistral parfois violent, les effets du vent et ses désagréments pour les habitants pourraient être davantage pris en compte dans les projets d'urbanisme.

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Dans notre région, le mistral souffle en moyenne 100 jours par an. Glacial l'hiver, quand il descend le couloir du Rhône, il peut souffler violemment plusieurs jours d'affilée avec des rafales atteignant régulièrement 100 km/h. Quand ses bourrasques s'engouffrent dans les rues, le "maître vent" met à la peine cyclistes et piétons. Des désagréments encore trop rarement pris en compte dans les aménagements urbains, selon l'urbaniste Clément Gaillard.

Hauteur, largeur et végétation

Fondateur d'un bureau d'études de design climatique, il accompagne les concepteurs afin de mieux intégrer le climat dans les projets d'architecture et d'urbanisme. "Le vent fait partie des paramètres climatiques qu'on peut intégrer", explique-t-il.

Dans les centres urbains, les constructions modifient la circulation du vent, par leur hauteur, leur largeur, leur emprise au sol, etc. qui vont faire obstacle au vent. La végétation aussi peut jouer un rôle, quand elle est stratégiquement positionnée. Comme les haies "brises-vent" à une époque, dans la plaine de Crau. 

Adaptation climatique et choix esthétique 

"Le problème, quand on travaille avec le climat, c'est qu'en été on préfère avoir le vent, mais en hiver, on préfère s'en protéger". L'arbitrage peut s'avérer particulièrement compliqué dans une ville comme Avignon, où le mistral souffle un peu toute l'année. L'adaptation climatique est plus facile quand la ville est balayée par un vent d'été et un vent d'hiver. "A Arles, on se protège du mistral le plus possible côté nord, par contre, on a le vent marin et c'est un vent du sud qu'on doit plutôt favoriser", note Clément Gaillard. 

Les projets d'urbanisme tiennent rarement compte de ces contraintes, surtout quand les architectes ne sont pas de la région. Clément Gaillard a ainsi vu un projet être retoqué à Avignon parce que les architectes ont complètement ignoré les effets du mistral. Ils n'avaient pas cette "culture régionale".

D'une manière générale selon lui, les questions climatiques en urbanisme ne sont pas la priorité, ce sont essentiellement les contraintes foncières, esthétiques ou politiques qui sont prises en compte. "Quand vous allez dessiner un bâtiment spectaculaire, valorisé esthétiquement, toutes les questions climatiques vont passer au second plan".

Aujourd'hui, on a un mode de conception à l'échelle urbaine architecturale qui est basé sur l'image du bâtiment plus que sur sa capacité à s'adapter au climat" 

Clément Gaillard, urbaniste designer climatique

France 3 Provence-Alpes

L'exemple d'Avignon au Moyen-Age

Clément Gaillard pense que les anciens avaient davantage la culture du vent. Au Moyen-Age, le plan des villes provençales exposées était conçu pour réduire l'effet du mistral et le désagrément des piétons, note-t-il.

Clément Gaillard donne l'exemple d'Avignon, dont les rues médiévales étaient orientées selon l'axe nord-sud pour former des chicanes, créant des turbulences qui permettaient de limiter la circulation du vent. Tout le contraire de la rue de la République, percée au XIXe siècle, orientée dans le sens du mistral, "en dépit du bon sens" selon lui, pour en faire l'axe principal qui débouche sur la gare. "Il y a eu une époque où on s'est mis à concevoir plus pour des raisons symboliques ou esthétiques plutôt que pour des raisons climatiques et fonctionnelles." 

Et aujourd'hui, les Avignonnais évitent d'emprunter ce couloir à courant d'air les jours de grand vent. 

La culture du vent des Anciens

Cette culture du vent se retrouve selon Clément Gaillard dans la construction rurale des mas provençaux, au XVII et XVIIIe siècles, tournés vers le sud avec des brise-vent vers le nord. "Dans les documents de cession, vous avez des descriptions qui disent 'tel mas est protégé du mistral' et vous avez des règles de conception liées au mistral, par exemple si vous mettez des ouvertures au nord, il ne faut pas en mettre beaucoup et il faut qu'elles soient plus profondes que larges, c'est-à-dire, enfoncées dans la maçonnerie, pour être plus protégées du mistral".

Pour Clément Gaillard, cette culture du mistral des Anciens s'est perdue et "on en paie un peu le prix quand on parle de bâtiments vulnérables à la chaleur, c'est une manière de concevoir qui a été oubliée". Il rappelle que le vent crée des déperditions thermiques importantes et qu'une fenêtre exposée plein nord, va perdre beaucoup plus d'énergie qu'une fenêtre mois exposée au vent. 

A l'inverse, l'urbaniste fait remarquer qu'il est possible d'utiliser le vent pour combattre la chaleur et ventiler les bénéfices. Un paramètre que les architectes négligent. C'est notamment le cas à Rome, où la construction de bâtiments parallèles au bord de mer a bloqué la circulation de brises bienfaitrices dans la cité.  

Clément Gaillard tente de sensibiliser à ces questions climatiques, mais trop souvent, il est consulté sur des projets d'urbanisme qui sont déjà finalisés sur lesquels il est trop tard pour intervenir. L'urbaniste prône une autre culture pour des bâtiments moins spectaculaires ou esthétiques, mais plus adaptés au climat. 

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