Quatre imposants ralentisseurs ont été coulés par des trafiquants de la cité du Dr Ayme à Cavaillon, dans le Vaucluse. Une première en France, reflet de l'appropriation croissante de certains quartiers par des réseaux de trafic de plus en plus structurés.
Il y avait de la suite dans les idées. Le week-end du 29 mai, à la cité du Dr Ayme à Cavaillon des dealers ont coulé quatre dos d'âne à l'aide de béton armé pour ralentir les venues policières.
Si on connaissait les checkpoints et autres barrages improvisés à coup de poubelles et autres encombrants à l'entrée de certaines cités des quartiers nord de Marseille, on avait encore jamais constaté de telles constructions. Celles-ci ont été retirées deux jours plus tard par des agents de la mairie qui sont intervenus sous protection policière.
Un travail de professionnels
"Même avec une Peugeot 5008, on passait difficilement", raconte Bruno Bartocetti, secrétaire national chargé de la zone Sud du syndicat Unité SGP Police FO. "Ces dos d'âne étaient bien plus imposants que les ralentisseurs habituels, ils ont été montés rapidement, en une nuit seulement, avec grand professionnalisme".
Cette cité sensible, qui se trouve dans les quartiers nord de la capitale du melon, n'avait jamais connu d'initiatives de ce genre par le passé. "Son fonctionnement était jusque là tout à fait banal", commente le fonctionnaire de police. Aucune interpellation concernant ces constructions illégales n'a encore eu lieu à ce jour.
Un individu de cette cité avait cependant été placé en garde à vue prolongée quelques jours plus tôt. Il avait été pris en possession de 49 grammes de résine de cannabis, de 93,6 grammes d’herbe de cannabis et 18 grammes de cocaïne. Une voiture volée avait aussi été retrouvée avec deux pistolets automatiques à l'intérieur.
Un réseau structuré comme une entreprise
Le phénomène d'appropriation des cités par les dealers n'est cependant pas nouveau. Routes fermées, arrêts obligatoires pour rentrer et intimidations, les habitants des cités sensibles sont souvent victimes de l'occupation des lieux par les trafiquants de drogue.
C'est le cas aux Rosiers à Marseille (14e arrondissement), où les habitants ont pu témoigner anonymement de leur ras-le-bol. Certains trafiquants marseillais organisent parfois même leur propre maintien de l'ordre dans les cités pour maintenir leur activité et éviter les descentes de police.
"Il y a deux explications à l'appropriation grandissante des quartiers par les trafiquants de stupéfiants : la structuration du réseau, parfois digne de vraies entreprises, et l'abandon de ces territoires par les services publics", explique Jean-Baptiste Perrier, directeur de l'institut de sciences pénales et de criminologie à l'université d'Aix-Marseille.
Pour ce professeur en sciences criminelles "il faudrait concentrer les moyens sur la lutte contre les trafics plutôt que sur les consommateurs. Même si elle n'empêchait pas le trafic, la dépénalisation, voire la légalisation, permettrait de choisir sa cible et de bénéficier de rentrées fiscales qui aideraient à réparer les dégradations". La solution passe aussi selon lui par le retour de "services publics au sein des cités".
Près de 4.000 points de deal sont recensés en France et 240.000 personnes en vivraient. Selon le journaliste Frédéric Ploquin, auteur des narcos français brisent l'omerta, le marché du trafic de stupéfiants en France générerait 4 milliards d'euros par an.