Depuis la fin mars, des trafiquants de drogue ont monté des "checkpoints" pour contrôler les véhicules qui entrent et sortent de la cité des Rosiers, dans le 14e arrondissement de Marseille. Les habitants de la copropriété, qui vivent dans l'insalubrité et l'insécurité, sont excédés.
La France est déconfinée depuis le 11 mai. Pas la cité Rosiers.
"Comment on peut vivre avec les enfants, il n'y a pas de parc, pas de jardin... on est obligé de les confiner. Y a pas de lumière la nuit, on a peur", confie un habitant sous couvert d'anonymat par crainte de représailles.
Les dealers contrôlent les entrées et sorties
A l'entrée de la copropriété de 750 logements, depuis la fin mars, les trafiquants de drogue ont installé des barrages de fortune. Les voitures slaloment entre des poubelles et des chaises. Un "checkpoint" improvisé.
"Ils ont fermé la route. A l'arrivée dans la cité, il faut que tu t'arrêtes, explique le résident, ils regardent la voiture, si tu as quelque chose".
Il faut faire le contrôle, tout le monde doit le faire.
Pour les guider jusqu'au lieu de vente de la drogue, les acheteurs suivent un parcours fléché. Difficile de la rater.
"La moulaga, c'est par là", indique un tag vert sur la façade, au pied d'un immeuble qui abrite le plan stup.
"Un check-point c'est quelque chose de légal, mais là on est face à des personnes qui entravent la circulation des autres pour mener leurs trafics, et donc c'est tout à fait illégal évidemment", pointe le préfet de police.
"Très régulièrement, la police va, avec l'aide des bailleurs sociaux, dégager ces points d'entrée, précise Emmanuel Barbe, puis ils sont assez vite reconstitués".
"La police entre constamment dans les cités pour arrêter les trafiquants de drogue, et ils ont trouvé ce moyen pour se défendre.
On ne peut pas le tolérer, c'est une prise en otage de la population.
Mais traquer les dealers ne suffit pas selon le préfet.
"Il faut se poser la question des acheteurs qui se rendent dans les cités, affirme-t-il. Pour faire un deal, il faut un vendeur et un acheteur".
"C'est une question à laquelle on a commencé à répondre pendant le confinement, en contrôlant beaucoup les attestations dérogatoires et en sanctionnant énormément les acheteurs de drogue", explique-t-il.
Une cité laissée à l'abandon
Les trafics, et la violence qui va avec, conditionnent la vie des Rosiers depuis des années.
"On nous a laissé à l'abandon", juge sévèrement un habitant. Pour la députée LREM du secteur Alexandra Louis, "c'est l'enfer".
L'an dernier, l'élue a déjà interpellé la mairie, la Métropole et l'Etat et réclamé un plan d'urgence pour la cité des quartiers Nord.
"Les trafics vont là où on les laisse prospérer, estime-t-elle. Ce qu'il faut, c'est s'attaquer aux problèmes de fond, aux problèmes sociaux, aux problèmes de sécurité, et aux problèmes du bâti, avec une gestion de ce syndic qui n'est pas acceptable."
"La seule chose qui peut arrêter ça, c'est l'intervention des pouvoirs publics, mais aux Rosiers, il n'y a pas de volonté, alors que les solutions existent".
"Ces gens ne votent pas, on ne s'occupe pas d'eux", tranche la parlementaire qui se dit prête à travailler sur ce dossier avec tous les candidats à la mairie de Marseille.