"Nous les avons regardés passer, cachés derrière les volets" : en 1944, 800 déportés traversaient un village du Vaucluse

Des élèves de collèges et lycées ont participé ce vendredi à une marche mémorielle pour rappeler le cortège de près de 800 déportés, le 18 août 1944, qui ont parcouru à pied 17 km de Roquemaure (Gard) à Sorgues (Vaucluse) pour monter dans le train les conduisant à Dachau.

"Se rappeler de notre passé". Sac sur le dos, des grappes de jeunes marchent sur un sentier. Une déambulation l'esprit léger mais lourde de sens. Il y a 80 ans en 1944, ce sont 800 déportés qui empruntaient le même chemin. Environ 17km entre deux "trains fantômes". Alors que la France commémore cette année les 80 ans du Débarquement en Normandie, ce 19 avril 2024, une marche mémorielle initiée par 650 collégiens et des lycéens a commémoré cet événement qui a marqué tout le village.

Direction Dachau

Le convoi de la mort quitte l'Ariège le 30 juin 1944. Destination finale : le camp de concentration de Dachau, l'un des premiers mis en place par les nazis, en Allemagne. Le train est régulièrement stoppé par la progression des attaques alliées et le sabotage des réseaux de résistance sur les lignes de chemin de fer. 

À chaque obstacle rencontré sur le trajet, un nouveau convoi est reformé pour repartir avec le chargement. Le "train fantôme" est l'un des derniers à partir vers l'Allemagne. Prévu sur trois jours, le calvaire des 724 déportés entassés dans ces wagons à bestiaux, va durer huit semaines.

Le train stoppé après un mois et demi d'errance

Après 45 jours d'errance, le 18 août 1944, le train fantôme s'arrête au pont de Roquemaure (Gard), qui enjambe le Rhône, partiellement détruit par un bombardement. Les prisonniers sont débarqués à 8 heures. Ils continuent leur funeste voyage à pied, dépenaillés et hagards, totalement assoiffés. 

Encadrée par des SS, la longue colonne traverse Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse). Épuisés par cette marche forcée de 17 km, sous un soleil de plomb, certains sans chaussures, ils rejoignent la gare de Sorgues, dans le Vaucluse, où ils doivent à nouveau embarquer dans des wagons à bestiaux dès leur arrivée.

La population aide 34 déportés à s'évader

En 1990, Louise Deville témoigne sur le site dédié : "Nous les avons regardés passer, cachés derrière les volets de notre maison, sur la RN 7, juste après le Pont de l'Ouvéze [à Sorgues]".

Certains déportés, âgés ou trop jeunes, marquaient l'épuisement total. Cet événement nous a rendu malades de chagrin.

Louise Deville, habitante de Sorgues

Témoignage de 1990

Trente-quatre détenus parviennent à s'évader sur le trajet grâce à l'aide de la population locale et des cheminots, comme le rappelle la plaque du mémorial du train fantôme à Sorgues. Certains habitants les cachent chez eux jusqu'au départ des Allemands. Le train arrivera à Dachau le 29 août. En tout, 161 déportés parvinrent à s'échapper au cours des deux mois de trajet.

"J'avais 13 ans quand le train quand le train est passé, se souvient Lucien Carail ce vendredi 19 avril pendant l'hommage à Sorgues. J'ai vu les prisonniers passer, deux sont arrivés dans le jardin et ont demandé où ils pouvaient se cacher, ma mère les a fait entrer."

Drapeau en main, cet homme de 92 ans tente de créer un lien avec la jeunesse qu'il voit se souvenir. "Ils ont de la chance", lâche-t-il. 

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