Alors qu'un décret pérennise le fait de pouvoir procéder à un avortement médicamenteux par téléconsultation, une loi a été adoptée pour allonger le délai d'IVG chirurgical. Jusqu'à présent en France, les personnes hors délais devaient se rendre à l'étranger pour avorter.
"Tout ce qui élargit le choix pour les femmes quant à la modalité de réalisation des IVG va dans le bon sens", réagit Marion Mornet, coordinatrice du numéro vert au Planning familial 13 à Marseille. En 2020, 3.144 personnes ont été reçues.
Durant les premières semaines de la crise sanitaire, "l’inquiétude était forte sur l’accès à l’avortement, en particulier sur le dépassement des délais légaux français", indique le Planning familial 13 dans son rapport annuel.
À Marseille et à Aix-en-Provence, 1.299 consultations gynécologiques ont eu lieu en 2020, avec la garantie d’anonymat pour les mineures.
Depuis ce 19 février, un décret pérennise une mesure prise durant les confinements pour alléger la procédure lors des interruptions volontaires de grossesse (IVG) médicamenteuse.
Désormais, une simple téléconsultation peut être organisée avec un médecin ou une sage-femme et les médicaments peuvent être retirés en pharmacie de ville.
"Le point de vigilance sur la téléconsultation serait que cette pratique devienne la norme, sans pour autant qu'elle soit imposée au prétexte que cela demande moins de temps, moins d’accompagnement", tempère toutefois Marion Mornet.
Un délai étendu jusqu'à 9 semaines
Le délai pour pratiquer ce type d’IVG a été étendu. L’IVG médicamenteuse peut être pratiquée jusqu'à 9 semaines d'aménorrhée (après la date des dernières règles, soit la 7e semaine de grossesse), contre 7 semaines précédemment.
Médecin généraliste à Pertuis (Vaucluse), Christine Largillier constate que certaines femmes viennent parfois de très loin pour la voir et demander une IVG médicamenteuse. Aucune n’a jusqu’à présent demandé de téléconsultation.
La médecin se rend disponible dans les 48 heures après l'appel de ses patientes pour faciliter le processus et limiter les délais. Elle considère elle aussi que tout ce qui est de nature à assouplir les démarches concernant l'IVG médicamenteuse est une avancée. Car cette méthode, constate-t-elle, n'a "rien d'extraordinaire".
Une téléconsultation pour désengorger les hôpitaux
Officiellement, la téléconsultation pour le recours à l’avortement médicamenteux est censée désengorger les hôpitaux.
C'était l'une des recommandations de la Haute autorité de Santé en avril 2021: "réduire le délai d’accès à l’IVG médicamenteuse, (...) mais aussi alléger la charge des établissements de santé qui doivent pouvoir se concentrer sur les IVG chirurgicales."
Christine Largillier n’y croit pas vraiment : "désengorger les hôpitaux, c’était déjà l’argument avancé quand je me suis formée à l’IVG en 2012. En réalité, je fais peu d’IVG, une vingtaine par an. Peu de femmes savent qu’elles peuvent se tourner vers un médecin généraliste."
"Pourquoi suis-je la seule généraliste à Pertuis à pratiquer l’IVG ? Parce que je suis sous tutelle de l’hôpital et les hôpitaux délivrent très peu de conventions pour les médecins."
Selon elle, si l’avortement médicamenteux était plus facile d’accès en médecine de ville, "on ferait moins d’IVG par aspiration et on n’aurait peut-être pas besoin de la téléconsultation."
Le délai allongé pour les IVG chirurgicales
Sur les IVG chirurgicales (dites "par aspiration"), justement, la loi est en train de changer.
Ce 23 février un texte a été adopté à l’Assemblée nationale pour allonger la durée légale du recours à la méthode instrumentale jusqu’à 14 semaines de grossesse. Actuellement, il est de douze semaines.
Le texte comprend également l’extension des compétences des sages-femmes, qui pourront pratiquer des IVG chirurgicales dans un établissement de santé jusqu’à la fin de la quatorzième semaine de grossesse.
Jusqu’à présent, les femmes qui souhaitaient avorter au-delà de la douzième semaine de grossesse pouvaient être contraintes de se rendre au Royaume-Uni, en Espagne ou aux Pays-Bas. Elles étaient environ 2.000 chaque année à se rendre à l'étranger pour cette raison.
"C’est une situation injuste, réagit Marion Mornet, car l’IVG revient à leur charge, pour un coût allant de 1.000 à 2.500 euros. En plus du stress que représente le fait de devoir se rendre à l’étranger. Et quand on veut se faire accompagner par un ou une proche, cela coûte encore plus cher."
Si la plupart des femmes s’aperçoivent de leur situation en début de grossesse, en tant qu’association, le Planning familial est souvent confronté à des situations complexes qui peuvent amener les femmes à prendre conscience tardivement de leur grossesse ou retarder les démarches pour avorter.
Il peut s'agir, explique Marion Mornet, "de personnes en situation de précarité économique, administrative ou encore victimes de violences".
Le planning familial, les écoute, peut accompagner la prise de rendez-vous ou l'échographie de datation pour estimer l'avancement de la grossesse.
L'association aimerait désormais que la loi aille plus loin encore : "On est pour que chaque femme enceinte d’une grossesse non désirée trouve une solution en France."